Refugees

On the other side
of the photograph I write to remind myself
not where and when but who

I am not in the photograph

They left us nothing
to take with us
Only this photograph

If you turn it over you will see me

Is that you in the photograph, they ask me
I don’t know what to tell you

[DM / YC]

*  *  *

Antigone

If not in the family
then where else
is the house of the dead?
If not without the state
then how else
is the denial of authority?
If not in death
then when else
is the wedding gift of life?

[DM / YC]

*  *  *

Odysseus at Home

Using my guile as everyone knows
I left my shadow at sea
and returned directly to Ithaca.

Nobody believed that I am here.

I, too, now pass my days
like one of the suitors.
I am secretly weaving, however.

Penelope is alarmed every morning
to find a new dress on the loom.
She immediately makes us unravel it
each suitor pulling on a different thread.

Her body will become a wedding gown
when she is left without any dress
and completely naked
she will marry one of us
dispersing others to foreign places.

It is in our interest therefore
if history is delayed as we all
become part of her plot.

Time passes this way, waiting
for Odysseus to arrive.

[MK / YC]

*  *  *

In the Center of Water

In its center all is water
you were saying that night, if you remember
as the fire was dimming the light
on moist fingernails slowly peeling
the dry skin from the orange
before sinking into its yellow succulence

A woman, the boy, fruit – everything
in this world is made of water
simmering indifferent or silent within them
languidly sometime breaking out in sweat
to quench the thirst of its creatures
before evaporating upward again

The surface of water is called earth
and its homeland the clouds
in the impenetrable interior of air
while fire is extinguished at its shudder
batting eyelashes, I think you were saying
with the end’s fiery gaze

I am afraid, I had said, before you spoke
of inflicting evil on you with all I carry
with hands that do not resist the cold
when my thought freezes as
the wind burns the face behind it
deserting dust carved in relief

You rose then not to stoke the fire
but to bring me some water
without my asking for it yet
letting it run for a while
closer to the heart of the liquid deposit
that shines precious drops on the glass

I have tried many times to remember
exactly what you said that night
and why your words, unforgotten
though not remembered
comforted me in a translucent way
softening on me wherever they flowed

I know that when I come home burdened
I peel the dry garments off now
let the water run naked on the body
and have the sense of bathing with light
in the dark bathroom, but even if light enters
I close my eyes

Don’t be afraid, you said, if this love is not
as you think, something solid, of earth
but a sandcastle sinking
while a boat traversing the deep
mails waves to shore
sprinkling babies with salt

A being is fluid
so it can flow on the body’s slopes
and fit in the vessels of the soul
before it returns water to water
before it discovers its ends at the center
before it becomes centered

Nothing can hide in water

As upon it falls the grain imprinting
the universe and before it dissolves
it rocks its hard surface
reconstructing reflections
in water’s memory – remember?
of every moment one forgets

Cleanse your own words if not mine
at the sound of the tap or the waterfall
which bring water from the center of water
being within us so deep at the origin
until that moment arrives
when it has finally circled us all

No need to remember my exact words
Let go, though
Don’t let me go

[MK / YC]

Réfugiés

Sur l’autre face
de la photo j’écris pour me souvenir
pas où ni quand mais qui

Ce n’est pas moi sur la photo

Ils ne nous ont rien laissé
prendre avec nous
Seulement cette photo

Si vous la tournez de l’autre côté vous me verrez

C’est toi sur la photo, ils me demandent
Je ne sais quoi vous dire

[MLCK]

*  *  *

Antigone

Si ce n’est pas dans la famille
Où donc se trouve
La maison des morts ?
Si ce n’est pas en l’absence d’état
Comment renoncer à l’autorité ?
Si ce n’est pas dans la mort
Comment alors
Est le cadeau des noces de la vie ?

[MC]

*  *  *

Ulysse à la maison

Avec ma ruse connue de tous
j’ai laissé mon ombre sur les mers
et suis rentré tout de suite à Ithaque.

Personne n’a cru que j’étais là.
C’est pourquoi toute la journée
je suis l’un des prétendants.

Mais en secret je tisse.

Tous les matins troublée Pénélope
trouve un nouveau vêtement sur son métier.
Elle nous demande aussitôt de le défaire
chaque prétendant tirant un fil.

Son corps est une robe de mariée
dès qu’il sera sans vêtement
elle épousera l’un de nous, dispersant
dans des lieux étrangers les autres.

C’est donc notre intérêt
que traîne cette histoire et qu’à ses yeux
entre nous tous quelque chose se trame.

Et c’est ainsi que le temps passe
en attendant le retour d’Ulysse.

[MV]

*  *  *

Dans le Centre de l’eau

Au centre tout est eau
Disais-tu ce soir là, si tu te souviens
Alors que le feu troublait la lumière
Sur les ongles humides qui pelaient
La peau sèche de l’orange
Avant que tu ne plonges dans son délice jaune

Une femme, un garçon, les fruits – tout
Dans ce monde provient de l’eau
Qui bout dans l’indifférence ou se tait en eux
Langoureusement éclatant à un moment de sueur
Pour étancher la soif de ses créatures
Avant de s’évaporer de nouveau vers le haut

La surface de l’eau se nomme terre
Et sa patrie sont les nuages
Dans l’intérieur impénétrable de l’air
Alors que dans son frisson s’éteint le feu
En jouant de tes paupières je crois que tu disais
Avec le regard ardent de la fin

J’avais dit avant que tu ne parles que j’avais peur de te faire du mal
Avec tout ce que je traîne sur moi
Avec des mains qui ne supportent pas le froid
Quand ma pensée se glace pendant
Que le vent me brûle le visage derrière lui
Abandonnant une poussière qui s’incruste

Tu t’es alors levée non pour alimenter le feu
Mais pour m’apporter un verre
Sans encore l’avoir demandé
Laissant l’eau couler longtemps
Plus près dans le cœur du gisement minéral
Qui brille de ses gouttes précieuses sur le verre

J’ai souvent essayé de me souvenir
Ce que tu avais essayé de me dire ce soir là
Et pourquoi tes mots que je n’oublie pas
Sans vraiment m’en souvenir
M’ont apaisé d’une manière diffuse
S’adoucissant sur moi à l’endroit où ils glissaient

Je sais que quand je rentre chargée à la maison
J’effeuille les habits désormais desséchés
Je laisse l’eau couler sur mon corps nu
Et j’ai la sensation de me baigner de lumière
Dans la salle de bains obscure mais aussi
même si la lumière pénètre je ferme les yeux

N’aie pas peur as-tu dit si ce n’est pas ça l’amour
Quelque chose de plus stable, comme tu le crois, de terre
Mais château de sable qui chavire
Pendant qu’un bateau passe au loin
Postant des vagues sur le rivage
Aspergeant de leur sel les enfants

C’est quelque chose de fluide qu’un homme
Qui peut se glisser sur les flancs du corps
Et trouver sa place sur les parois de l’âme
Avant qu’il ne redevienne eau dans l’eau
Avant qu’il ne trouve ses extrémités au centre
Avant qu’il ne se concentre

Rien ne se cache dans l’eau

Alors que tombe sur lui le grain qui imprime
L’univers et avant qu’il ne se dilue dans le liquide
troublant sa surface étincelante
Formant à nouveau des répercussions
dans les mémoires de l’eau-te souviens-tu ?
en oubliant les images de chaque instant

purifie tes paroles du moins les miennes
dans le bruit de la fontaine ou de la cascade
qui apporte de l’eau du centre de l’eau
et qui a l’origine est si profondément en nous
jusqu’à ce que cet instant arrive
Quand elle nous a complètement encerclés
inutile de te souvenir de ce que je disais vraiment
Mais laisse-toi aller
Ne me laisse pas partir

[MC]