Un homme, dit-on, a voyagé quarante-six ans dans le temps, mais personne ne sait si c’était en avant ou en arrière,parce qu’il habitait dans le Deliorman.

 

Nikolaï Todorov

 

Malgré tous les efforts des socialistes pour bâtir une ville à la place de cette grossière et pénible plaisanterie, les changements introduits par le nouveau millénaire  ne sont pas parvenus jusqu’ici, et les gens ne poursuivent leur développement culturel que dans l’agriculture.

La ville ne ressemblerait à rien sans les jardins bigarrés et coquets auxquels leurs propriétaires accordent un soin particulier. C’est ainsi que les femmes échappent à l’indolence du temps qui pèse sur tous. Tout est plus facile pour les hommes, pour autant que l’on puisse compter sur les jeux de hasard, les crédits, l’alcoolisme de quartier quotidien, qui, inévitablement aboutissent à de grands souffrances pour les familles, le foie et l’estomac.

Apparemment, seule la vie des adultes jouit d’une liberté illimitée. Je ressens leur noble sentiment d’une solitude consciente et leur manque de tout espoir ou peur que quelque chose puisse changer.

Phillip Kanitz, juin 2018

Extrait de « La ville inexistante de Felix Kanitz »

 

C’était un mois d’octobre d’une chaleur convaincante. Sans aucune hésitation ni aucun nuage le monde se mit à refleurir, et quelques personnes parvinrent à ressentir la fatigue de l’été. La brise nocturne apportait un air nouveau, plus frais, et, des matins comme celui-ci, la cime des petites herbes brillait d’un éclat aveuglant, tandis que la poitrine des gens qui se rendaient au travail se remplissait d’entrain et de pureté. La ville était si petite que quelques personnes étaient partout à la fois. 

— Attention ! Attention ! Attention ! — la voix du muezzin entra par la fenêtre ouverte de Todorov. — Hier soir est mort Ismaïl Refat Kyamil, fils de Refat de Nojarevo, petit-fils de Kyamil le Charron de Nojarevo ! Attention ! Attention ! Attention ! — répéta la voix avec plus d’insistance et de force. — Mort du petit-fils de Kyamil le Charron de Nojarevo ! Mort du fils de Refat de Nojarevo ! Mort d’Ismaïl Refat Kyamil ! Attention ! Attention ! Attention !

« Évidemment, pensa Todorov en faisant la moue. Dans cette ville, on ne peut même pas mourir tranquillement ! »

L’annonce de la mort de cet Ismaïl inconnu trouva Todorov en pyjama. Il s’était enfoncé dans les ressorts du vieux canapé convertible, une tasse de café vide à la main. Il essayait de regarder les nouvelles du matin. Elles transmettaient des photos dramatiques des heurts entre les manifestants et les forces de l’ordre dans la capitale. 

« Comme si on vivait dans des États parallèles », se dit Todorov en éteignant la télé. 

Il traîna encore un peu dans le salon mais sentait que sa place n’était pas là. De fait, il y avait un moment qu’il s’était dirigé vers la salle de bains dans l’intention de raser sa barbe rare et de prendre une douche. Mais il estima qu’il valait mieux manger et, s’il devait se salir, au moins que ce soit avant la salle de bains. 

Avec ce qui restait dans le réfrigérateur il prépara son habituel petit déjeuner de vieux garçon. Sur la planche en bois, qui lui servait aussi d’assiette, il coupa un quart de tomate, un peu de feta et un œuf dur. Les sala abondamment. Leva la tête comme une oie et fourra le tout dans sa bouche en plusieurs fois. Il avala difficilement, sans aucun plaisir et, comme cela se produisait souvent, il ressentit une douleur et une légère nausée dues à cette habitude biologique. 

En chemin vers la salle de bains, Todorov pensait au collège dans lequel il enseignait la géographie depuis vingt ans. Tous, à l’école, étaient surpris que ce soit lui qui ait réussi à écrire et remporter un projet européen de rénovation du milieu scolaire qu’il accusait fréquemment d’être « la cause d’une apathie à l’égard du processus d’apprentissage ». 

L’événement parut si extraordinaire et surnaturel que le directeur éprouva une sorte de vanité provinciale bien particulière et décida de l’immortaliser, d’honorer ce succès comme il se devait. Par manque d’autres connaissances en matière d’immortalité, le directeur décréta ce jour de marché comme jour sans cours et ce soir-là comme soir de banquet. Cela parut fort agréable à tout le monde au collège, surtout à Todorov qui n’avait pas mis les pieds au marché depuis des années. 

Le son du rasoir descendit sur son visage blême et retentit dans la salle de bains comme un taille-haie dans un buisson. Toute l’attention de Todorov était concentrée sur le rasage absolu et lisse, pour ne laisser aucune chance à des poils qui dépasseraient et lui auraient rappelé, moqueurs, que tout ce qu’il faisait était ainsi : inachevé.

Après avoir fini de se raser, Todorov vérifia son visage dans le miroir. Tout était très bien. Il se regarda encore un instant, mais se dit que, même comme ça, il ne se plaisait pas. Il ressentit une inquiétude en voyant l’éruption rouge et douloureuse qui poussa immédiatement à la place de la barbe. 

Bizarrement lui revint en mémoire la sincérité due à l’ivresse de l’un de ses amis.  Cet ami affirmait que Todorov ressemblait aux gens qu’on a envie de gifler dès qu’on les voit. « Est-ce que c’est la manière dont tout le monde me considère ? » se demanda-t-il et, tout à coup, le désir de se gifler lui-même s‘insinua en lui. — J’aurais mieux fait de me mettre de la musique au lieu de me raser ! Comme si j’avais quelqu’un à impressionner ! se dit-il en regardant de nouveau ses joues qui rougissaient. — Et cette maudite éruption… »

Il sortit dans la rue avec les vêtements qui, selon lui, n’inciteraient pas les gens à le gifler. La chemise claire se fondait avec la couleur de sa peau, et Todorov était devenu totalement sans visage. Sans son pantalon brun foncé qui se distinguait également par le fait qu’il était trop large pour ses jambes décharnées, Todorov serait demeuré complètement transparent. Les gens se seraient sans doute heurtés à lui sans même s’excuser.

Il était déjà midi.  Le soleil était suspendu au milieu du ciel et chauffait les crocus qui avaient trouvé le moyen de refleurir. Quelques chats indolents s’étiraient sur les clôtures métalliques des maisons préfabriquées qui ne se distinguaient que par la couleur des chats, la longueur des rideaux et par les coquets jardins paradisiaques. L’arôme habituel de merde de cochon provenant du complexe porcin voisin de la ville était temporairement remplacé par celui de bitume fraîchement posé. Les nouvelles rues, qui s’étendaient fièrement et brillaient comme le plumage d’un jeune corbeau, de même que les reflets des rayons de soleil écorchaient les yeux de Todorov. 

« Si seulement  j’avais pris mes lunettes ! » marmonna-t-il en plissant les yeux comme un eskimo. Il leva la tête pour trouver le calme dans le ciel bleu mais il avait oublié qu’il était midi et le soleil lui perça les yeux encore plus fort : « Au ciel comme sur la terre ! » bougonna-t-il, et il tenta de trouver consolation ailleurs : — Quel automne chaud ! Et ça ne sent pas la merde de cochon du complexe porcin ! »

Tandis qu’il humait l’odeur du bitume fraîchement posé, il entendit dans son dos une voix de femme qui lui était connue :

— Nikolaïtcho, c’est toi ? 

Todorov se retourna et vit lelia Tinka. Un petit bout de femme malingre, au début de ses soixante-dix ans, en excellente santé et inutilement bavarde. La mère de Todorov et elle étaient des collègues. Elles travaillaient comme infirmières aux urgences et partageaient les mêmes soucis familiaux et professionnels. Du fait des gardes de nuit, il arrivait souvent que l’une d’elles doive remplacer l’autre pour s’occuper des enfants. À un moment donné, l’image des deux mères s’étaient à ce point fondues en une seule que Todorov s’adressait aux deux femmes en disant « maman ». 

— Malheureusement, lelia Tinka, oui, c’est moi ! répondit Todorov avec agacement parce qu’il connaissait bien lelia Tinka et savait que derrière la question « Nikolaïtcho, c’est toi ? » se cachait autre chose : l’insinuation qu’ils ne s’étaient pas vus depuis un temps inexcusablement long. 

Comme s’ils avaient vieilli séparément, alors qu’il aurait dû en être autrement. Et, étant donné qu’ils n’avaient pas partagé leur temps ensemble pendant si longtemps, il leur était maintenant difficile de se reconnaître. Todorov savait que, selon lelia Tinka, c’était lui qui était responsable de tout cela et ça l’agaçait. La vieille femme ne fit pas attention à sa réponse, parce qu’elle l’avait pris par le bras d’un geste décidé et le déplaçait comme un enfant vers l’ombre du marronnier le plus proche. De toute évidence, elle voulait rester en compagnie de Todorov qui, avant même qu’ils ne commencent à parler, avait commencé à s’ennuyer et se montrer nerveux. Pendant qu’elle l’installait sous le marronnier, la vieille femme observait du coin de l’œil Nikolaïtcho dont elle s’était occupée. Elle se disait qu’il avait l’air aussi pâle et souffreteux qu’avant et ne trouva rien de joyeux en lui. 

— Toi aussi, tu as un peu vieilli, Nikolaïtcho ! Regarde tes cheveux ! commença-t-elle de sa voix de vieille exagérément lente, voire faible. — Tu as quarante-six ans, maintenant, c’est bien ça ? Tu as un an de moins que Lili, mais avec ta mère, on avait décidé de t’inscrire à l’école dans la classe au-dessus, pour que vous ne soyez pas séparés… 

Todorv cessa d’écouter. Il connaissait par cœur tout le répertoire de lelia Tinka – une courte rétrospection de leur vie commune, quelques mots sur ses parents à lui, l’accent serait mis sur sa vie familiale qui ne s’était pas réalisée, avant de passer, en comparaison, à celle de Lili, aux petits-enfants…

« Dans cette ville, on ne peut ni mourir en paix ni vivre en paix ! » se dit Todorov en examinant la vieille femme qui lui sembla avoir rapetissé au moins trois fois plus par rapport à l’image qu’il en avait gardée dans ses souvenirs d’enfant. De ses cheveux bouclés et exubérants qui occupaient toute la pièce dans laquelle elle se trouvait, sur le crâne de lelia Tinka il n’était resté qu’une poignée de toile d’araignée blanche qui se maintenait avec peine sur sa tête. 

— Encore heureux qu’au moins tu sois devenu un enseignant comme ton père ! poursuivait lelia Tinka. Il aurait été si content de te voir marié, et avec des enfants ! Il serait parti tranquille, la terre lui soit légère ! Ni lui ni ta mère n’ont pu le voir ! Eux, c’étaient des gens si bien ! J’espère réussir à te voir marié, Nikolaïtcho, comme ça je pourrai leur dire lorsque j’irai les rejoindre !

« En fait, dans cette ville, on ne peut jamais mourir ! Il y aura toujours quelqu’un pour penser à toi ! » se dit Todorov, et il estima que la vieille femme avait dit tout ce qu’elle avait à dire.

— Bonjour à Lili ! prit-il congé poliment.

Il se retourna et se mit à marcher d’un pas rapide dans la fraîcheur de l’ombre automnale des marronniers.

Comme chaque jour de marché, la ville s’était transformée en ruche. Les tables des cafés étaient bondées. Les serveuses – nerveuses, dépassées, désemparées, allaient et venaient entre genoux, chaussures, coudes, moustaches et, sans hospitalité inutile, servaient d’étranges commandes. Le nescafé 3v1 était devenu « Trivs ». « Zab », dent, correspondait à 7up. On trouvait aussi un « café moyennement allongé », quant au « Fanta orange », il demeura « Fanta arange ». 

Les gens venus des villes et villages voisins bourdonnaient inconsidérément tous azimuts avec des sacs plastique contenant leurs nouveaux achats. Ils mangeaient des döner, gözleme, feuilletés au fromage, kébaptché et köftés tout chauauauauds, et rendaient fous les chauffeurs qui faisaient nerveusement du sur place avec leurs voitures derrière eux. 

Les enfants recevaient des beignets et des glaces du « Fourgon à beignets de Kazanlak et glace onctueuse», propriété d’un borgne dont le sourire ne parvenait pas à paraître naïf et accueillant comme il se l’imaginait. Et, contrairement à toutes les images onctueuses pleines de sucre et de suavité que l’on diffusait dans le monde entier, ces beignets et glaces faisaient faire des cauchemars aux enfants. 

Todorov traversa avec la légèreté et le sourire de celui qui est accoutumé au rythme et aux bruits de la foule provoquée par le marché. Le monde, même, lui semblait inhabituellement beau, rempli de fiel, jusqu’à ce qu’il voie la propriétaire de l’un des douze casinos. La femme  appuyait son corps grassouillet sous le panneau « Casino. Authentique piano à queue » éternellement illuminé en rouge. Elle observait d’un air railleur la foule qui bourdonnait à ses pieds et attirait de temps à autre l’une de ses connaissances pour plaisanter avec elle.

Des frissons parcoururent Todorov tandis qu’il passait devant le casino. Il se sentit en danger. Il baissa la tête vers les dalles du trottoir. Il tenta de se donner l’air de quelqu’un qui a une tâche importante à accomplir et qui est déjà en retard.

— L’instiiiiit ! s’écria la propriétaire du casino.

Mais Todorov ne se retourna pas, même s’il était certain que c’était bien lui qu’elle appelait.

— Todorov ! hurla la femme à la voix de stentor. Je vais te baiser jusqu’à ce que la mort nous sépare ! Elle éclata de rire, tandis que son corps se secouait de haut en bas.

Les gens tournaient la tête, compatissants et curieux de savoir qui était l’infortuné Todorov. Certains semblaient même prêts à venir en aide, mais Todorov ne se trahit pas. Il dépassa le casino tout en marmonnant dans sa barbe : « Tu me baiseras si tu te rases la moustache ! ». Il eut un peu honte de l’avoir pensé mais l’attribua à sa bonne humeur provoquée par la liberté de ce jour-là et par l’illusion de s’être habillé comme il convenait.

Avant d’entrer par l’une des branches du marché, Todorov croisa le Cordonnier. Un camarade d’école qui avait réussi à s’alcooliser après être revenu dans leur ville pour « aider son père dans son métier ». « Encore une victime des circonstances ! » se dit Todorov tout en observant le Cordonnier qui s’approchait de lui et ressemblait à un fruit sec couleur de pisse rance. 

— Dis donc, t’es où, l’ami ? demanda le Cordonnier de son ton débonnaire avant d’ajouter : — Est-ce que tu as exploré les continents inexplorés ?— À l’aide de ses mains rugueuses, tachées de noir, il esquissa un globe terrestre imaginaire entre Todorov et lui. 

— Tout est déjà achevé, Vanka ! Dis plutôt comment tu vas, toi ? 

Todorov s’efforçait de ne pas laisser transparaître l’inquiétude qu’il éprouvait intérieurement en voyant l’air maladif du Cordonnier.

« Comment je vais ? » se demanda le Cordonnier  en plissant les yeux. Son visage refléta une telle tension qu’on aurait dit qu’il essayait de résoudre silencieusement un problème d’arithmétique. Il avait l’air à la fois déconcerté, coupable et honteux et semblait avoir oublié que Todorov se tenait devant lui, attendant la réponse à ce problème complexe. La foule les bousculait et le temps s’écoulait comme quelques instants auparavant, mais, pour le Cordonnier, tout s’arrêta, et il demeura seul dans les rues d’une ville inexistante et déserte, cuite par le soleil. 

Peu après, le Cordonnier revint dans la même rue, parmi la même foule,  le même jour de marché, mais son visage avait changé. Il trahissait l’affliction. Il fit un geste de sa main tachée et, sans regarder Todorov, sans dire un mot de plus, il plongea dans la foule. 

Tandis que Todorov observait l’éloignement du Cordonnier, un virage plus haut le monde se détraqua. On entendit le bruit d’une pierre heurtant en rythme du métal. Les branches des arbres se mirent à bouger et des centaines de corneilles s’envolèrent au-dessus des têtes des gens.

Ta-tara-ta, ta-ta, ta-ta, ta-ta-ta, ta-ta-ta, ta-tara-ta, ta-ta, ta-ta-ta…

Une voix d’homme furieuse, fusant plus d’une grotte que d’une gorge, se mit à crier :

— Tournesoooool ! Le bruit de heurt rythmé cessa. — Tu vas voir, je vais niquer ta mère !

La foule se figea dans l’attente du danger qui s’approchait d’elle. On entendit un martèlement puissant, comme si allaient apparaître des sangliers sauvages galopant à travers la forêt. La mer humaine se fendit bibliquement. À travers le couloir humain ainsi formé passèrent deux hommes qui se poursuivaient. Le poursuivant était gros, le visage rougeaud, et, apparemment, il courait sans aucune envie de le faire, plutôt par fureur. Devant lui, les bras tout près du corps, touchant à peine le sol de ses pieds, volait avec le plaisir d’un enfant qui vient de faire une bêtise un homme portant des lunettes de la taille de son visage, qui ne cessait de répéter :

— C’est un tohu-bohu ! C’est un tohu-bohu ! C’est un vrai tohu-bohu !

Le gros homme s’arrêta, hors d’haleine, appuya ses bras sur ses genoux et se plia comme une médecine ball. Il tenta de maudire le Tournesol qui s’était enfui, mais l’air lui manquait. La mer humaine se rassembla et avala le tchorbadji fatigué. 

— Le Tournesol ! maugréa Todorov. Encore une victime des circonstances !

Au-dessus du marché s’étendait un ciel d’un bleu profond. Quelques moineaux se coursaient dans un nuage de gazouillis qui tantôt se dispersait dans toutes les directions, tantôt se rassemblait de nouveau. Les feuilles jaunes des marronniers, tel un pendule silencieux mesurant la beauté des derniers jours d’été, se déversaient lentement sur les étals et les gens. Le marché battait son plein. Pauvres enfants qui serraient avec force les mains de leurs parents, de peur d’être écrasés par les pieds qui avançaient comme des marteaux. 

Un étal de sarouels, gilets sans manches et tissus artistiquement brodés de fils d’argent dessinant des motifs floraux donnait l’impression de solennité. Todorov s’arrêta, hypnotisé par les couleurs et la texture des vêtements. 

— Bindallı !, l’informa la vendeuse aux cheveux décolorés qui s’empressa de déployer quelques modèles pour les exhiber.

Au-dessus de la tête de la vendeuse étaient suspendus des gerbes de tresses longues et épaisses faites de cheveux artificiels, ainsi que des foulards rouges ornés de pièces dorées. « Tout cela doit certainement servir à un rituel quelconque… » supposa Todorov. 

— Pour les femmes ! répondit la vendeuse, comme si elle lui avait dérobé ses pensées dans sa tête. Pour le henné et la noce ! 

Todorov eut honte de paraître comme un touriste et d’avoir besoin qu’on lui explique ce qui se vendait dans sa ville. Il remercia chaleureusement le femme sans cesser de pencher son corps en avant de manière peu naturelle. Et, comme s’il avait perdu tout sens de l’orientation, il tourna la tête, perdu – à gauche et à droite – puis encore une fois – à gauche et à droite. La vendeuse éclata de rire en voyant son geste naïf. Todorov se mit à rougir et fut encore plus perdu, alors il partit tout simplement vers un quelque part. 

« Je suis un imbécile ! » se tança Todorov. Qu’est-ce que je sais de l’habillement et des noces de mes concitoyens ? Rien. Tiens, c’est ça que je sais. Mais si on me demande quelle est la capitale de tel ou tel pays, ou bien à quel endroit se trouve … – il énuméra intérieurement quelques pays dont personne n’avait jamais entendu parler, leur capitale, les États dont ils étaient frontaliers, leur point culminant, s’essouffla et poursuivit : — Alors que si on m’interroge sur leurs vêtements et leur rituels : je suis incapable de dire quoi que ce soit !

Tout en passant le long de pyramides de vêtements de seconde main, de chaussures avec, à l’envers, les insignes de marques connues, de rideaux accrochés comme des jeunes mariées sans têtes, de rouleaux de centaines de mètres de toiles cirées hideusement imprimées, de denrées alimentaires et de produits de lavage turcs bon marché, de biens de consommation domestique et de masse, d’antiquités et d’étals à vélos, Todorov répondait aux saluts de ses élèves étonnés de le croiser au marché. 

Dans les yeux des ados, on lisait l’étonnement : « Monsieur, c’est bien vous ? On n’imaginait pas que vous existiez en dehors du collège ! » disaient les élèves, Todorov faisait un signe de tête furtif, tandis que son regard répondait : « Oui, moi aussi je suis un être humain. » Mais ses élèves paraissaient toujours interloqués. Après l’avoir dépassé, ils gloussaient dans son dos. Todorov s’efforçait de ne pas leur prêter attention, mais il était curieux de savoir quels sobriquets ils lui avaient inventés. Il en connaissait un, « la Todorka », mais ça ne l’intéressait pas.

Un uomo viaggiò per quarantasei anni nel tempo, ma nessuno sapeva se in avanti o all’indietro, perché viveva nella regione del Deliorman.

 

Nikolaj Todorov

 

Nonostante tutti i tentativi dei socialisti di costruire una città al posto di questa grezza, ostinata beffa, i cambiamenti del nuovo millennio non sono arrivati fin qui e la gente continua il proprio sviluppo culturale unicamente nel settore agricolo.

La città sarebbe insignificante senza i colorati e rifiniti orti a cui le padrone di casa dedicano un’attenzione particolare. Così le donne trovano distrazione dai momenti di ozio che pesano a tutti. Per gli uomini è più facile, finché si può contare sul gioco d’azzardo, i prestiti, l’alcolismo rionale e domestico, i quali inevitabilmente portano sofferenze atroci alla famiglia, al fegato e allo stomaco.

A quanto pare, soltanto la vita degli adulti è piena di sconfinata libertà. Percepisco il loro nobile sentimento di consapevole solitudine e assenza di qualunque speranza o paura che qualcosa possa cambiare.

Philipp Kanitz, giugno 2018

Da L’inesistente città di Felix Kanitz

 

Era un convintamente tiepido ottobre. Senza alcuna esitazione né nuvole il mondo cominciò a fiorire di nuovo e alcuni riuscirono a sentire la stanchezza dell’estate. Il debole venticello notturno portava nuova aria, più fresca, e in mattine come quella le punte dei filini d’erba brillavano in modo accecante, mentre i petti delle persone che andavano a lavoro si riempivano di vitalità e limpidezza. La città era talmente piccola che certe persone erano dappertutto.

«Attenzione! Attenzione! Attenzione!» entrò la voce del muezzin dalla finestra aperta di Todorov. «Ieri notte è morto Ismail Refat Kyamil, figlio di Refat di Nožarevo, nipote di Kyamil il Carrettiere di Nožarevo! Attenzione! Attenzione! Attenzione!» ripeté con ancor più insistenza e forza la voce. «È morto il nipote di Kyamil il Carrettiere di Nožarevo! È morto il figlio di Refat di Nožarevo! È morto Ismail Refat Kyamil! Attenzione! Attenzione! Attenzione!».

Ovviamente!, s’imbronciò Todorov. In questa città non puoi manco morire in pace!

La comunicazione della morte dello sconosciuto Ismail sorprese Todorov in pigiama. Era affondato nelle molle del vecchio divano letto con la tazza di caffè vuota in una mano. Provava a guardare il notiziario della mattina. Trasmettevano diverse scene di scontri tra i protestanti e le forze dell’ordine della capitale.

Come se vivessimo in nazioni parallele, pensò tra sé Todorov e spense il televisore.

Gironzolò ancora un po’ nell’ingresso, ma sentiva che il suo posto non era lì. E in effetti, tempo prima si era diretto verso il bagno con l’intenzione di radersi la sua barba poco folta e lavarsi. Ma ritenne che era meglio mangiare e se si fosse dovuto sporcare, doveva succedere prima del bagno.

Con quanto rimasto nel frigo si preparò la classica colazione da scapolo. Sopra il tagliere di legno, che gli serviva anche da piatto, affettò un po’ di formaggio bianco, un quarto di pomodoro e un uovo sodo. Li salò generosamente. Alzò la testa come un’oca e si cacciò a più riprese tutto in bocca. Masticò con fatica, senza alcun piacere, e come accadeva spesso, sentì un dolore e un leggero malessere per quella biologica consuetudine.

Sulla strada verso il bagno pensò al liceo dove era insegnante di geografia da vent’anni. Tutti al liceo erano sorpresi che proprio lui fosse riuscito a stendere e vincere un progetto europeo per il rinnovo dell’ambiente formativo, il quale spesso incolpava di infliggere apatia al processo di apprendimento.

L’evento apparve così inusuale e soprannaturale che il direttore del liceo provò una vanità provinciale sui generis e decise di suggellarlo, rimarcare la vittoria del progetto in maniera adeguata. Mancando di altre conoscenze in quanto a suggellamenti il direttore dichiarò quell’odierno giorno di mercato come festivo, e la sera – conviviale. Ciò risultò piacevole all’intero corpo docenti, soprattutto a Todorov, che da anni non metteva piede al mercato.

Il suono del rasoio elettrico calò sul suo viso pallido e riecheggiò nel bagno come decespugliatore in un roveto. Tutta l’attenzione di Todorov era concentrata sulla più totale e liscia rasatura, senza lasciare scampo ai peletti che spuntavano, i quali gli avrebbero ricordato sogghignanti come tutto quello che faceva rimaneva così, a metà.

Dopo aver concluso con la rasatura si controllò il viso allo specchio. Tutto era a posto. Si guardò ancora un po’, ma decise che anche in quel modo non si piaceva. Sentiva preoccupazione per via del doloroso sfogo rosso che immediatamente crebbe al posto della barba.

Chissà perché si ricordò dell’etilica schiettezza di un suo amico. L’amico sosteneva che Todorov assomigliasse alle persone a cui vuoi mollare un ceffone non appena le vedi. E se tutti mi vedessero in questo modo?, si chiese lui e dentro di sé all’istante strisciò il desiderio di mollarsene uno da solo. Avessi messo un po’ di musica invece di radermi! Manco avessi qualcuno da impressionare!, guardò di nuovo le guance arrossate. E ‘sto maledetto sfogo…

Uscì in strada con addosso i vestiti che riteneva non avrebbero indotto gli altri a mollargli un ceffone. La camicia chiara si fondeva col colore della sua pelle e se non fosse stato per il pantalone marrone scuro, il quale si distingueva anche per il fatto che cadeva ampio sulle sue gambe gracili, Todorov sarebbe stato del tutto trasparente. Probabilmente la gente l’avrebbe urtato senza neanche chiedergli scusa.

Era già ora di pranzo. Il sole pendeva in mezzo al cielo e picchiava i crochi, pronti a sbocciare di nuovo. Qualche pigro gatto si era steso lungo le recinzioni di metallo delle abitazioni di epoca socialista, distinguibili unicamente per il colore dei gatti, la lunghezza delle tende e la cura dei paradisi terrestri. L’abituale aroma di merda di maiale che arrivava dall’allevamento fuori città era temporaneamente sostituito dall’odore dell’asfaltatura appena eseguita. Le nuove strade, srotolate con orgoglio, brillavano come il piumaggio di un giovane corvo, e il riflesso dei raggi solari trafiggeva gli occhi di Todorov.

Se mi fossi preso gli occhiali! borbottò lui e socchiuse gli occhi come un eschimese. Alzò la testa per trovare pace nel cielo azzurro, ma dimenticò che era ora di pranzo, e il sole frugò nei suoi occhi con ancor più forza: Come in cielo, così in terra!, mormorò e cercò di trovare sollievo altrove: Che autunno caldo! E non puzza della merda di maiale dell’allevamento!

Mentre inspirava l’aroma dell’asfaltatura appena eseguita, alle sue spalle si sentì una familiare voce femminile:

«Nikolajčo, sei tu?»

Todorov si voltò e vide zia Tinka. Una gracile e minuta donnina alle porte dei suoi settant’anni, in piena salute ed eccessivamente chiacchierona. Era una collega di sua madre. Lavoravano come assistenti al Pronto soccorso, condividevano le stesse preoccupazioni familiari e professionali. Per via dei turni di notte spesso una delle due era costretta a sostituire l’altra nel badare ai figli. A un certo punto le immagini delle madri si erano talmente accorpate che Todorov diceva a entrambe mamma.

«Purtroppo, zia Tinka, sono io!» rispose infastidito, perché conosceva bene zia Tinka e sapeva che dietro la sua domanda: Nikolajčo, sei tu? c’era ben altro: l’allusione che da un tempo indebitamente lungo non si erano visti.

Come se fossero invecchiati separatamente, cosa che non sarebbe dovuta accadere. E poiché da talmente tanto non avevano condiviso il loro tempo insieme, ora facevano fatica a riconoscersi. Todorov sapeva che secondo zia Tinka di tutto era colpevole lui, e questo gli dava fastidio. L’anziana donna non prestò attenzione alla sua risposta, perché l’aveva preso con decisione sottobraccio e lo spostava come un bambino all’ombra dell’ippocastano più vicino. Era evidente che voleva rimanere in compagnia di Todorov, il quale cominciò ad annoiarsi e innervosirsi ancora prima dell’inizio stesso della conversazione. Mentre lo sistemava sotto l’ippocastano, l’anziana donna osservava con la coda dell’occhio il Nikolajčo che aveva cresciuto. Pensava a come sembrasse tutto pallido e malaticcio, e non trovò niente di allegro in lui.

«Anche tu sei invecchiato, Nikolajčo! Guarda che capelli!» attaccò con l’esagerata fino all’impossibile lenta voce da vecchietta. «Hai fatto 46 anni, non è vero? Sei un anno più piccolo della Lili, ma con tua madre decidemmo di mandarti con lei, una classe più avanti a scuola, per non separarvi…»

Todorov smise di ascoltare. Aveva imparato l’intero repertorio di zia Tinka a memoria: breve retrospettiva della loro vita insieme, qualche parola sui suoi genitori, l’accento sarebbe caduto sulla sua inesistente vita familiare per poi spostarsi e confrontarsi con quella della Lili, i nipoti…

In questa città non puoi né morire in pace, né vivere in pace!, pensò tra se Todorov e osservò la vecchietta, la quale gli parve si fosse ridotta di tre volte rispetto a come gli si presentava nei suoi ricordi d’infanzia. Dei suoi ricci, esuberanti capelli, che una volta riempivano ogni stanza in cui zia Tinka si affacciava, sul cranio le era rimasta soltanto una manciata di flosce e bianche ragnatele.

«Per fortuna che almeno sei diventato insegnante come tuo padre!» continuò zia Tinka. «Sarebbe stato così concento se ti avesse visto sposato, e con dei bambini! Così tranquillo se ne sarebbe andato, che la terra gli sia lieve! Né lui né tua madre sono riusciti a vederti! Ed erano delle tanto brave persone! Magari riuscissi io a vederti sposato, Nikolajčo, così glielo racconto quando andrò da loro!»

In realtà in questa città non puoi morire mai! Sempre troverai qualcuno che si ricorda di te!, pensò tra sé Todorov e ritenne che la vecchietta aveva detto quello che doveva dire.

«Salutami la Lili!» si congedò Todorov cortesemente.

Si voltò e s’incamminò sotto la fresca ombra autunnale degli ippocastani.

Come ogni giorno di mercato la città si era trasformata in un alveare. I tavoli dei bar erano strapieni. Le cameriere – tese, confuse, incapaci – scorrazzavano tra ginocchia, scarpe, gomiti, baffi e senza cedere a un’eccessiva ospitalità servivano strane consumazioni. Trenuno era il Nescafè 3 in 1, Zup corrispondeva al 7up. C’era anche del caffè medio lungo, solo la Ranciata fanta restava Ranciata fanta.

La gente arrivata dai vicini villaggi e città distrattamente ronzava su e già con i propri nuovi acquisti nelle buste di plastica. Mangiavano kebab, gözleme, banica, caldiiissimi kebabče e kjufte e facevano impazzire gli autisti che strisciavano con le proprie macchine dietro di loro.

I bambini ricevevano frittelle e gelato dal Furgone di frittelle e soffice gelato, proprietà di un uomo con un occhio solo, il cui sorriso non riusciva a sembrare ingenuo e cordiale come lui s’immaginava. E contrariamente a ogni soffice immaginazione ripiena di zucchero e dolcezza diffusa in tutto il mondo, per via di queste frittelle e gelati i bambini facevano incubi.

Todorov passò con la leggerezza e il sorriso di chi è abituato al ritmo e ai rumori della moltitudine provocata dal mercato. Il mondo gli sembrava addirittura insolitamente bello, pieno di amarezza, finché non vide la proprietaria di uno dei dodici casinò. La donna aveva appoggiato il suo corpo tarchiato sotto la sempiterna illuminata di rosso insegna: Casinò. Autentico pianoforte a coda. Con aria ironica osservava la folla che ronzava sotto i suoi piedi, e di tanto in tanto fermava qualche conoscente per farci qualche battuta insieme.

Brividi percorsero Todorov mentre passava davanti al casinò. Si sentì in pericolo. Abbassò la testa in direzione delle mattonelle del marciapiede. Provò ad assumere l’atteggiamento di qualcuno che ha una faccenda importante da fare e per la quale è già in ritardo.

«Maestrinooo!» chiamò la proprietaria del casinò.

Ma Todorov non si voltò, nonostante fosse sicuro che stesse chiamando proprio lui.

«Todorov!» urlò la donna dalla voce tonante. «Ti scoperò finché morte non ci separi!» rise tra sé, mentre il suo corpo si scuoteva in su e in giù.

La gente girava la testa con dispiacere e interesse per capire chi fosse lo sfortunato Todorov. Alcuni addirittura guardavano pronti ad andare in soccorso, ma Todorov non si tradì. Superò il casinò mentre bofonchiava tra sé: Mi scoperai quando ti sarai fatta i baffi! Si vergognò un po’ di averlo pensato, ma lo attribuì al suo buonumore dovuto alla libertà di quel giorno e all’illusione di essersi vestito convenientemente.

Prima di entrare in uno dei vicoli del mercato Todorov incontrò il Calzolaio. Un compagno di scuola che era riuscito ad alcolizzarsi, dopodiché era tornato in città per aiutare suo padre col mestiere. Un’altra vittima delle circostanze! pensò tra sé Todorov mentre osservava avvicinarsi il Calzolaio, ormai somigliante a un frutto secco dal colore d’urina stagnante.

«Dove vai, amico?» chiese con il suo tono gentile il Calzolaio e aggiunse: «Hai scoperto i continenti sconosciuti? O è tardi ormai?» Con l’aiuto dei suoi goffi palmi unti di nero disegnò un immaginario globo terrestre tra sé e Todorov.

«È una faccenda chiusa, Vanka! Dimmi, tu come stai?»

Todorov provava a non far trasparire la preoccupazione che sentiva dentro di fronte all’aspetto insalubre del Calzolaio.

«Come sto?» rifletté il Calzolaio e socchiuse gli occhi. Il suo viso si fece teso come se stesse tentando di risolvere un esercizio di aritmetica a mente. Sembrava sia confuso che colpevole che umiliato, come se avesse dimenticato di avere davanti Todorov ad aspettare la risposta di quel difficile esercizio. La folla li urtava e il tempo scorreva come poco prima, ma per il Calzolaio tutto si fermò e lui rimase da solo per le strade di una città inesistente e vuota, arsa dal sole.

Un po’ dopo il Calzolaio tornò di nuovo nella stessa strada, nella stessa moltitudine, nello stesso giorno di mercato, ma il suo volto era cambiato. Tradiva dolore. Agitò la sua mano unta e senza guardare Todorov, senza dire una parola di più, si immerse nella folla.

Mentre Todorov lo guardava allontanarsi, una svolta più su qualcosa andò storto. Si sentì il ritmico battere di una pietra sopra il metallo. I rami degli alberi si agitarono e centinaia di cornacchie volarono sopra le teste della gente.

Cra-cra-cra, cra-cra, cra-cra, cra-cra-cra, cra-cra-cra, cra-cra, cra-cra-cra…

Un’inferocita voce maschile, proveniente da una grotta più che dalla gola di qualcuno, gridò:

«Girasoleeeeee!» Il ritmico battere cessò. «Adesso ti faccio un culo così!»

La folla s’immobilizzò in attesa del pericolo imminente. Si sentì un potente rombo, come se stessero accorrendo al galoppo attraverso il bosco dei cinghiali. Il mare di persone si spostò e divise con fare biblico. Lungo il corridoio umano appena formato passarono due uomini che si inseguivano. L’inseguitore era grasso, con il viso arrossato, e sembrava corresse senza alcuna volontà, più che altro per rabbia. Davanti a lui, con le braccia strette a sé, volava con il piacere del misfatto compiuto un bimbo con occhiali grandi come la sua faccia, che non smetteva di ripetere:

«Che casino! Che casino! Che gran casino!»

Il ciccione si fermò senza fiato, appoggiò le mani sulle ginocchia e si piegò come una palla medica. Provo a maledire il fuggitivo Girasole, ma l’aria non gli bastava. Il mare di gente si riunì e inghiottì l’esausto signorotto.

Il Girasole!, mormorò Todorov. Un’altra vittima delle circostanze.

Sopra il mercato si spandeva un profondo cielo blu. Alcuni passerotti si rincorrevano in una nuvola cinguettante che a tratti si sparpagliava in ogni direzione possibile, a tratti si ricongiungeva di nuovo. Le gialle foglie del noce come un silenzioso pendolo che misurava la bellezza degli ultimi giorni d’estate, si riversavano lentamente sopra le bancarelle e la gente. Il mercato era in pieno fervore. Quanti poveri bambini con le mani ben strette a quelle dei propri genitori per paura di essere schiacciati dalle gambe che incedevano come martelli.

Una bancarella di pantaloni alla turca, gilet e stoffe abilmente ricamati con motivi floreali argentati creava l’impressione di qualcosa di solenne. Todorov si fermò ipnotizzato dai colori e dalla trama dei vestiti.

«Bindallı!» lo informò l’ossigenata venditrice, che subito spiegò alcuni modelli per farglieli vedere.

Sopra la sua testa pendevano mazzi di lunghe, spesse trecce di finti capelli marroni e fazzoletti rossi con monetine dorate. Sicuramente tutto questo serve a qualche rituale… suppose Todorov.

«Per le donne!» ribatté la venditrice, come se avesse colto il pensiero dalla sua mente. «Per la kına e per il matrimonio!»

Todorov si vergognò di sembrare un turista che aveva bisogno di sentirsi spiegare quello che veniva venduto nella sua città. Ringraziò cordialmente la donna senza smettere di chinare in modo innaturale il suo corpo in avanti. E come se avesse perso qualsiasi orientamento voltò la testa confuso – da sinistra a destra, e ancora – da sinistra a destra. La venditrice rise della sua reazione ingenua. Todorov arrossì e si confuse ancora di più, perciò partì semplicemente in una direzione.

Sono uno stupido!, bofonchiò a sé stesso. Cosa so io dei vestiti e dei matrimoni dei miei concittadini? Niente. Ecco cosa so. Ma se mi chiedono qual è la capitale di qualunque paese oppure addirittura dove si trova… Elencò a mente qualche paese mai sentito da nessuno, le loro capitali, con quali paesi confinavano, uno-due fiumi, le cime più alte, ansimò e proseguì: Ma dei vestiti o dei rituali, se me lo chiedono, non so dire niente!

Mentre passava accanto a piramidi di vestiti di seconda mano, scarpe con i loghi ribaltati di marche famose, tende appese come spose senza testa, rotoli con centinaia di metri di tovaglie di plastica stampate male, cibarie turche e detersivi a poco prezzo, oggettistica e casalinghi, pezzi d’antiquariato e bancarelle per biciclette, Todorov rispondeva ai saluti dei suoi alunni, che erano sorpresi di incontrarlo al mercato.

Negli occhi degli adolescenti si leggeva stupore: Prof, ma è Lei? Non immaginavamo che esistesse altrove al di fuori della scuola! dicevano quegli occhi, Todorov annuiva velocemente, mentre il suo sguardo ribatteva: Sì, anch’io sono un essere umano. Ma gli alunni continuavano a sembrare confusi. Dopo averlo superato ridacchiavano alle sue spalle. Todorov provava a non farci caso, ma era curioso di cogliere quali soprannomi avevano inventato per lui. Ne conosceva uno, la Todorka, ma non lo trovava interessante.