É-blou-i-ssant

Written in French by Jérémie Gindre

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Sous le niveau d’eau du barrage, il y a un alpage comprenant disons cinq constructions : une étable, une grange, deux chalets, un bassin. Tout a été construit AVANT le nouveau barrage, quand les bergers et leurs familles n’imaginaient pas qu’à l’endroit où ils passaient l’été avec des dizaines de vaches, il y aurait de l’eau. Ils croyaient que le vieux barrage serait suffisant. Ils étaient naïfs.

De novembre à mars, le lac est tout ou partie gelé. Un itinéraire de randonnée à ski  indique que l’on peut passer sur le lac à ses risques et périls, mais en aucun cas il n’est indiqué d’y faire du hockey. Pourtant il y a des gens qui le font. Même si la route du barrage est fermée à cause de la neige, ils montent avec des patins dans un sac à dos, et se servent de leur canne comme d’un bâton pour marcher. Ils emmènent un chien et une fois là-haut, dans la solitude hivernale, ils peuvent crier tout leur saoul.

Ces jours-ci le niveau du lac est étonnamment bas : à peu près 40 mètres sous le maximum, à tel point que le vieux barrage affleure. Le nouveau a doublé la superficie du lac et quadruplé sa contenance, donc même à ce niveau on ne verra jamais l’ancien alpage. On voit seulement le petit local technique qui jouxte le vieux barrage. Dedans, il y a Alain qui fouille.

Contre toute attente, il ne trouve là rien de bien fascinant : des bouteilles, des mouchoirs signes d’excréments, des boîtes de conserve rouillées, des branches. On voit qu’il y a différentes époques représentées parce que certains déchets sont couverts de sédiments et d’autres non. Par exemple : une pièce en fer très rouillée semble dater de l’époque utilitaire du local (1948-1979) et cette canette d’un pique-nique assez récent (2001-2004). Alain n’est pas découvreur puisqu’il y a plusieurs autres traces de pas dans la vase qui couvre le sol et une sorte d’établi en briques. À travers l’unique fenêtre du local en béton, il peut apercevoir au loin la ligne multicolore des K-Way des touristes qui se promènent sur le grand barrage. On dirait des petits Smarties qui bougent. À cette saison il n’y a pas encore beaucoup de randonneurs, à cause de la neige qui recouvre encore en grande partie le cirque de montagnes qui cerne le lac, mais tout ces gens ont l’air bien équipés. Si le barrage cédait maintenant, il faudrait plusieurs jours aux dépanneurs pour rapatrier toutes les voitures du parking jusqu’en plaine, où elles seraient identifiées. Pour le moment, des parents empêchent des enfants de jeter de menus objets dans le vide colossal, arguant que la montagne n’est pas une poubelle, qu’il y a des oiseaux en dessous, et que de toute façon c’est dangereux.

« Qu’est-ce qu’on a dit Kevin ? »

D’où ils sont, il est normal que ces gens préfèrent se tourner vers la vallée et son panorama à couper le souffle, plutôt que d’aller du côté des versants tout gris du lac à moitié vide. Au dessus de cette portion de paysage lunaire, la limite de la végétation indique très nettement la surface, donnant à Alain l’étrange impression d’enfreindre une règle. À cela s’ajoute le fait que concrètement le local n’est pas si intéressant, alors il décide de sortir.

Dehors, l’éclat de ce désert de vase sèche lui fait presque perdre l’équilibre. La végétation qui le surplombe a l’air incroyablement accueillante, mais la pente est trop raide pour être abordée de front, Alain prend donc le parti de remonter en longeant tranquillement la berge. Ici ou là on voit des vieilles souches qui tiennent encore, mais il lui est difficile de s’imaginer clairement comment était le paysage avant. Pas moins que maintenant, s’il était vraiment sous l’eau.

« Hé ! Un pédalo ! »

Comme les bateaux à moteur sont interdits sur le lac, les pécheurs ont récemment pensé y apporter des pédalos. L’un des deux hommes embarqués mange un sandwich en silence tandis que l’autre pédale tout en regardant une carte. Alain se demande un moment pourquoi ils n’utilisent pas de simples barques à rames. On ne sait pas.

Au fond du lac, dans ce qu’il reste des chalets d’alpage, des poissons cherchent à manger. Ils n’ont pas conscience que d’autres espèces vivaient là avant, et quand bien même, cela ne modifierait pas leur comportement. Dans l’excavation qui était autrefois une cheminée, une truite femelle sent qu’il sera bientôt temps de pondre.

Published July 7, 2024
© Jérémie Gindre 2022

Blen-dend

Written in French by Jérémie Gindre


Translated into German by Irma Wehrli

Unter dem Wasserspiegel des Staudamms liegt eine Alp mit sagen wir fünf Gebäuden: einem Stall, einer Scheune, zwei Alphütten und einem Becken. Alles wurde VOR dem neuen Staudamm errichtet, als die Hirten und ihre Familien sich nicht vorstellen konnten, dass der Ort, wo sie mit Dutzenden von Kühen den Sommer verbrachten, einmal voller Wasser wäre. Sie hatten geglaubt, dass der alte Staudamm genügen würde. Sie waren naiv gewesen.

Von November bis März ist der See ganz oder teilweise gefroren. Eine Skitourenpiste zeigt an, dass man den See auf eigene Gefahr überqueren kann, aber Hockeyspielen darauf ist strengstens verboten. Trotzdem gibt es Leute, die das tun. Auch wenn der Weg zum Staudamm wegen des Schnees gesperrt ist, steigen sie mit ihren Schlittschuhen im Rucksack hoch und stützen sich beim Gehen auf ihren Hockeystöcken ab. Sie haben einen Hund dabei, und wenn sie erst droben sind in der winterlichen Einsamkeit, können sie sich die Seele aus dem Leib schreien.

Derzeit ist der Pegelstand erstaunlich tief: etwa 40 Meter unter dem Höchststand, sodass die alte Staumauer sichtbar wird. Die neue hat die Oberfläche des Sees verdoppelt und sein Fassungsvermögen vervierfacht, doch selbst bei diesem Wasserstand wird man die alte Alp nie sehen. Man sieht nur das kleine Technikgebäude, das neben dem alten Damm liegt. Alain stöbert darin herum. Gegen jede Erwartung findet er dort nichts sehr Aufregendes: Flaschen, mit Kot verschmierte Taschentücher, rostige Konservendosen, Äste. Man sieht, dass hier verschiedene Epochen vertreten sind, denn manche Abfälle sind mit Staub überzogen und andere nicht. Zum Beispiel scheint ein sehr verrostetes Eisenstück aus den Einsatzjahren des Gebäudes (von 1948-1979) zu stammen, die Getränkedose hingegen von einem Picknick neueren Datums (2001-2004). Alain ist nicht der erste Entdecker, denn auf dem schlammigen Boden sind weitere Fussspuren und eine Art Werkbank aus Backstein zu sehen. Durch das einzige Fenster des Betongebäudes kann er von weitem die vielfarbige Reihe der Windjacken der Touristen ausmachen, die auf dem grossen Stammdamm spazieren gehen. Wie kleine bunte Smarties in Bewegung. Um diese Jahreszeit gibt es noch nicht viele Wanderer, wegen des Schnees, der noch einen grossen Teil des Felsenkessels rings um den See bedeckt, aber diese Leute wirken alle gut ausgerüstet. Würde der Damm jetzt brechen, würde es tagelang dauern, bis der Pannendienst alle geparkten Autos ins Tal gebracht hätte, wo man sie identifizieren könnte. Einstweilen hindern Eltern ihren Nachwuchs daran, kleine Gegenstände in die kolossale Leere zu werfen, mit dem Argument, der Berg sei doch kein Abfalleimer, da gebe es Vögel dort unten, und so oder so sei es gefährlich.

„Hast du gehört, Kevin?“

Wenn man bedenkt, wo sie herkommen, ist es normal, dass diese Leute sich lieber dem Tal und seinem atemberaubendem Panorama zuwenden als den dunkelgrauen Steilufern des halbleeren Sees. Oberhalb dieser Mondlandschaft zeigt die Vegetationsgrenze sehr deutlich den Höchststand an, und Alain beschleicht das seltsame Gefühl, gegen eine Regel zu verstossen. Ausserdem gibt der Raum wirklich nicht viel Interessantes her, sodass Alain beschliesst, ihn zu verlassen.

Draussen wird er von der trockenen Schlammwüste so geblendet, dass er fast das Gleichgewicht verliert. Das Grün über ihm wirkt ungemein anziehend, aber der Hang ist zu steil, um auf direktem Weg erklommen zu werden. Alain entscheidet sich deshalb dafür, gemächlich am Ufer entlang wieder hinaufzugehen. Da und dort sieht man noch alte Baumstümpfe, die sich immer noch festklammern, trotzdem kann er sich nur schwer vorstellen, wie die Landschaft früher aussah. Oder auch heute, wenn er tatsächlich unter Wasser wäre. 

„Hey, ein Tretboot!“

Weil Motorschiffe auf dem See verboten sind, kamen die Fischer kürzlich auf die Idee mit den Pedalos. Der eine der beiden Männer an Bord isst schweigend ein Sandwich, während der andere in die Pedale tritt und dazu eine Karte studiert. Alain fragt sich flüchtig, warum sie nicht einfache Ruderboote benutzen. Man weiss es nicht.

Auf dem Seegrund suchen Fische in den Überresten der Alphütten nach Nahrung. Sie wissen nichts davon, dass dort einst andere Wesen lebten, und wenn doch, würde dies nichts an ihrem Verhalten ändern. In der Höhlung, die einst ein Kamin war, spürt ein Forellenweibchen, dass bald die Laichzeit naht.

Published July 7, 2024
© Specimen, 2023

Ab-ba-glian-te

Written in French by Jérémie Gindre


Translated into Italian by Josephine Bohr

Sotto il livello dell’acqua della diga c’è un pascolo che comprende, diciamo, cinque costruzioni: una stalla, un fienile, due chalet, una cisterna. È stato costruito tutto PRIMA della nuova diga, in un tempo in cui i pastori e le loro famiglie non immaginavano che, là dove passavano l’estate insieme a decine di mucche, ci sarebbe stata l’acqua. Credevano che la vecchia diga sarebbe bastata. Ingenui.

Da novembre a marzo, il lago è ghiacciato, del tutto o in parte. Un itinerario escursionistico con gli sci indica che si può passare sul lago a proprio rischio e pericolo, ma non c’è nessuna indicazione sulla possibilità di giocare a hockey. Però ci sono persone che lo fanno. Anche se la strada della diga è chiusa per la neve, salgono con i pattini nello zaino, e usano la mazza come bastone per camminare. Si portano un cane e una volta lassù, nella solitudine invernale, possono gridare a volontà.

In questi giorni il livello del lago è sorprendentemente basso: circa 40 metri sotto il livello massimo, a tal punto da far affiorare la vecchia diga. Quella nuova ha raddoppiato la superficie del lago e quadruplicato la sua capienza, quindi anche così il vecchio pascolo non si vedrà mai. Si vede solo il piccolo locale tecnico adiacente alla vecchia diga. Dentro, c’è Alain che fruga.

Contro ogni aspettativa, non ci trova nulla di particolarmente affascinante: bottiglie, fazzoletti che segnalano escrementi, scatolette di conserva arrugginite, rami. Si vede che sono rappresentate diverse epoche, perché alcuni rifiuti sono coperti di sedimenti e altri no. Per esempio: un pezzo di ferro molto arrugginito sembra risalire al periodo in cui il locale era in uso (1948-1979), e questa lattina a un picnic piuttosto recente (2001 – 2004). Alain non è un pioniere, visto che, nel fango che ricopre il pavimento e una specie di banco da lavoro di mattone, ci sono diverse altre tracce di passi. Attraverso l’unica finestra del locale di cemento, riesce a vedere in lontananza la linea multicolore dei K-Way dei turisti che passeggiano sulla grande diga. Sembrano piccoli Smarties che si muovono. In questa stagione non ci sono ancora molti escursionisti a causa della neve che ricopre ancora in gran parte il circo di montagne intorno al lago, ma sembrano tutti ben equipaggiati. Se la diga cedesse ora, il soccorso stradale ci metterebbe diversi giorni per riportare tutte le macchine del parcheggio fino in pianura, dove verrebbero identificate. Per il momento, i genitori impediscono ai figli di buttare piccoli oggetti nel vuoto colossale, sostenendo che la montagna non è un porcile, che ci sono degli uccelli sotto, e che comunque è pericoloso.

«Kevin, cosa abbiamo detto?»

Dal punto in cui si trovano, è normale che preferiscano girarsi verso la valle e il suo panorama mozzafiato piuttosto che andare dal lato dei versanti grigi del lago mezzo vuoto. Al di sopra di questa porzione di paesaggio lunare, il limite della vegetazione segna la superficie in modo netto, e Alain ha la strana impressione di infrangere le regole. A questo si aggiunge il fatto che in fin dei conti il locale non è così interessante, e decide di uscire.

Fuori, il bagliore di questo deserto di fango secco gli fa quasi perdere l’equilibrio. La vegetazione che lo sovrasta sembra incredibilmente accogliente, ma il pendio è troppo ripido per essere affrontato in modo diretto, e Alain sceglie di risalire costeggiando tranquillamente la riva.

Qui e là si vedono vecchi ceppi che resistono ancora, ma gli è difficile immaginare chiaramente come era il paesaggio prima. Non meno di come sarebbe adesso, se fosse davvero sott’acqua.

«Ehi! Un pedalò!»

Siccome sul lago le barche a motore sono vietate, di recente i pescatori hanno pensato di portarci i pedalò. Uno dei due uomini a bordo mangia un panino in silenzio mentre l’altro pedala guardando una cartina. Per un attimo, Alain si chiede perché non usino semplici barche a remi. Non si sa. 

In fondo al lago, in quello che resta degli chalet d’alpeggio, i pesci cercano da mangiare. Non sanno che prima lì vivevano altre specie, e anche se lo sapessero, questo non cambierebbe il loro comportamento. Nella cavità che un tempo era un camino, una trota femmina sente che sarà presto tempo di deporre le uova.

Published July 7, 2024
© Josephine Bohr, 2022
© Specimen, 2022


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