Five Poems from The Tunnel
Written in English by Russell Edson
The Adventures of a Turtle
The turtle carries his house on his back. He is both the house and the person of that house.
But actually, under the shell is a little room where the true turtle, wearing long underwear, sits at a little table. At one end of the room a series of levers sticks out of slots in the floor, like the controls of a steam shovel. It is with these that the turtle controls the legs of his house.
Most of the time the turtle sits under the sloping ceiling of his turtle room reading catalogues at the little table where a candle burns. He leans on one elbow, and then the other. He crosses one leg, and then the other. Finally he yawns and buries his head in his arms and sleeps.
If he feels a child picking up his house he quickly douses the candle and runs to the control levers and activates the legs of his house and tries to escape.
If he cannot escape he retracts the legs and withdraws the so-called head and waits. He knows that children are careless, and that there will come a time when he will be free to move his house to some secluded place, where he will relight his candle, take out his catalogues and read until at last he yawns. Then he’ll bury his head in his arms and sleep… That is, until another child picks up his house…
The Fall
There was a man who found two leaves and came indoors holding them out saying to his parents that he was a tree.
To which they said then go into the yard and do not grow in the living-room as your roots may ruin the carpet.
He said I was fooling I am not a tree and he dropped his leaves.
But his parents said look it is fall.
Counting Sheep
A scientist has a test tube full of sheep. He wonders if he should try to shrink a pasture for them.
They are like grains of rice.
He wonders if it is possible to shrink something out of existence.
He wonders if the sheep are aware of their tininess, if they have any sense of scale. Perhaps they think the test tube is a glass barn…
He wonders what he should do with them; they certainly have less meat and wool than ordinary sheep. Has he reduced their commercial value?
He wonders if they could be used as a substitute for rice, a sort of woolly rice…
He wonders if he shouldn’t rub them into a red paste between his fingers.
He wonders if they are breeding, or if any of them have died.
He puts them under a microscope, and falls asleep counting them…
The Death of an Angel
Being witless it said no prayer. Being pure it withered like a flower.
They could not tell its sex. It had neither anal or genital opening.
The autopsy revealed no viscera, neither flesh nor bone. It was stuffed with pages from old Bibles and cotton.
When they opened the skull it played Tales from the Vienna Woods; instead of brain they found a vagina and a penis, testicles and an anus, packed in sexual air.
Ah, that’s better ! cried one of the doctors.
The Parental Decision
A man splits into two who are an old woman and an old man.
They must be his parents. But where is the man? Perhaps he gave his life for them…
I ask the old couple if they’ve seen their son.
The old woman says, we’ve decided not to have any children.
Excerpted from In The Tunnel: Selected Poems, Oberlin College Press, Field Poetry Series, 1994
© Oberlin College Press, 1994
Cinq poèmes from The Tunnel
Written in English by Russell Edson
Translated into French by Fabienne Radi
Les Aventures d’une tortue
La tortue porte sa maison sur son dos. Elle est à la fois l’habitation et l’habitant.
En réalité, sous la carapace il y a une petite chambre où vit la vraie tortue. Elle est assise à une petite table avec de longs sous-vêtements. Dans un coin de la chambre, une série de leviers sort d’ouvertures découpées dans le plancher, un peu comme les commandes d’une machine à vapeur. C’est grâce à ces leviers que la tortue contrôle les pattes de sa maison.
La tortue passe la plupart de son temps assise dans sa petite mansarde à lire des illustrés accoudée à la table, en s’éclairant d’une bougie. Elle change de coude, croise et décroise les jambes. Elle baille, pose sa tête entre ses bras et finit par s’endormir.
Quand elle sent qu’un enfant essaie de l’attraper, elle souffle vite sur la bougie et se précipite vers les leviers pour activer les pattes.
Si elle n’arrive pas à s’enfuir, elle manœuvre pour rentrer les pattes et la tête, puis attend. Elle sait que les enfants sont versatiles. Tôt ou tard elle pourra retrouver un endroit calme, allumer sa bougie et lire tranquillement ses illustrés. Puis elle baillera, posera sa tête entre ses bras et finira par s’endormir. Jusqu’à ce qu’un autre enfant passe par là.
L’automne
Un jour un homme trouva deux feuilles, rentra à la maison en les tenant à bout de bras et dit à ses parents qu’il était un arbre.
Va plutôt t’installer dans la cour, tu vas abîmer le tapis du salon avec tes racines, dirent les parents.
L’homme dit : Mais c’est une blague, je ne suis pas un arbre. Et il jeta les feuilles par terre.
Tiens, c’est l’automne, dirent les parents.
En comptant les moutons
Un savant tient une éprouvette remplie de moutons. Il se demande s’il devrait réduire un pré pour qu’ils puissent brouter.
Les moutons ressemblent à des grains de riz.
Il se demande s’il est possible de rétrécir une chose jusqu’à ce qu’elle disparaisse.
Il se demande si les moutons sont conscients de leur taille minuscule. Peut-être qu’ils prennent l’éprouvette pour une bergerie en verre…
Il se demande ce qu’il va faire d’eux. Ils ont moins de viande et moins de laine que les moutons ordinaires. Est-ce que leur prix a lui aussi diminué ?
Il se demande si on pourrait les utiliser comme substitut du riz, une sorte de riz laineux…
Il se demande s’il ne devrait pas en faire une pâte rouge en les écrasant entre ses doigts.
Il se demande s’ils se reproduisent, et si l’un d’entre eux est mort.
Il les pose sous son microscope et s’endort en les comptant.
La Mort d’un Ange
Comme il était innocent, il n’a pas eu besoin de prière. Comme il était pur, il s’est fané comme une fleur.
Ils n’ont pas pu dire quel était son sexe. Il n’avait aucun orifice, ni anal ni génital.
À l’autopsie on n’a pas trouvé d’organes. Ni chair, ni os. Son corps était bourré de pages de vieilles Bibles et de coton.
Quand ils ont ouvert son crâne, on a entendu la mélodie des Contes de la Forêt viennoise ; à la place du cerveau ils ont trouvé un vagin et un pénis, des testicules et un anus, le tout recouvert de poils pubiens.
Ah, c’est mieux ! a dit un des médecins.
Décision parentale
Un homme se sépare en deux parties, une vieille femme et un vieil homme. Ce sont probablement ses parents. Mais où est passé l’homme ? Peut-être qu’il a donné sa vie pour eux…
Je demande aux parents s’ils ont vu leur fils.
La vieille femme dit : Nous avons décidé de ne pas avoir d’enfant.
Excerpted from In The Tunnel: Selected Poems, Oberlin College Press, Field Poetry Series, 1994
© Oberlin College Press, 1994
© Translation: Fabienne Radi, 2017
Cinco poemas from The Tunnel
Written in English by Russell Edson
Translated into Spanish by Martina Engelhardt
Las aventuras de una tortuga
La tortuga carga su casa sobre la espalda. Ella es la casa y también la persona que vive en la casa. Pero, en realidad, debajo del caparazón hay un cuartito donde la verdadera tortuga, en camisón largo, se sienta delante de una mesita. En una punta de la habitación hay varias palancas que salen de ranuras que hay en el piso, como las que se usan para operar una excavadora. Con estas palancas, la tortuga controla las patas de su casa. La mayor parte del tiempo, la tortuga se sienta bajo el techo cóncavo de su habitación de tortuga y lee catálogos junto a la mesita, donde hay una vela prendida. Se apoya en un codo y luego en el otro. Cruza una pierna y luego la otra. Finalmente, bosteza, hunde la cabeza entre los brazos y se duerme.
Si siente que un niño levanta su casa, apaga de prisa la vela y va corriendo a donde están las palancas y activa las patas de la casa y trata de escapar.
Si no puede escapar, mete las patas para adentro, esconde la supuesta cabeza y espera. Sabe que los niños son despistados y que ya llegará el momento en que será libre para mudar su casa a algún lugar apartado, donde volverá a prender la vela, sacará los catálogos y leerá hasta, finalmente, bostezar. Entonces hundirá la cabeza entre los brazos y se dormirá… Claro está, hasta que otro niño levante su casa…
El otoño
Había un hombre que encontró dos hojas y entró a su casa sosteniéndolas y les dijo a sus padres que él era un árbol.
A lo que le dijeron entonces ve al patio y no crezcas en la sala porque tus raíces podrían estropear la alfombra.
Él dijo estaba bromeando no soy un árbol y dejó caer las hojas.
Pero sus padres dijeron mira ya es otoño.
Contando ovejas
Un científico tiene un tubo de ensayo lleno de ovejas. Se pregunta si debería tratar de encoger un pastizal para ellas.
Son como granos de arroz.
Se pregunta si es posible encoger algo hasta que deje de existir.
Se pregunta si las ovejas son conscientes de su pequeñez, si comprenden el concepto de tamaño. Tal vez piensan que el tubo de ensayo es un establo de cristal…
Se pregunta qué debería hacer con ellas; claramente tienen menos carne y lana que las ovejas normales. ¿Acaso redujo su valor comercial?
Se pregunta si podrían servir como reemplazo del arroz, una especie de arroz lanudo…
Se pregunta si debería frotarlas entre sus dedos hasta convertirlas en un pegote rojo.
Se pregunta si se aparean o si alguna se murió. Las pone bajo un microscopio y se queda dormido contándolas…
La muerte de un ángel
Como era insensato, no rezaba. Como era puro, se marchitó como una flor.
No pudieron descifrar su sexo. No tenía orificio anal ni genital.
La autopsia reveló que no tenía órganos, tampoco carne ni huesos. Estaba relleno de páginas de biblias viejas y algodón.
Al abrirle el cráneo, comenzó a sonar Cuentos de los bosques de Viena; en vez de un cerebro, encontraron una vagina y un pene, dos testículos y un ano, todo envuelto en un vaho sexual.
¡Ah, ahora sí! exclamó uno de los médicos.
La decisión parental
Un hombre se divide en dos, una anciana y un anciano.
Deben ser sus padres. Pero ¿dónde está el hombre? Tal vez dio la vida por ellos…
Le pregunto a la pareja de ancianos si han visto a su hijo.
La anciana responde: Hemos decidido no tener hijos.
Published February 6, 2023
Excerpted from In The Tunnel: Selected Poems, Oberlin College Press, Field Poetry Series, 1994
© Oberlin College Press, 1994
© Translation: Martina Engelhardt 2022
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On pourrait définir le style de Russell Edson ainsi : la description de situations impossibles, dans un langage simple et précis, sur un ton plat et raisonnable, avec des chutes souvent déconcertantes. Edson fait des phrases courtes, utilise peu d’adjectifs, presque pas d’adverbe, accumule les répétitions. Ces textes sont accessibles à tout le monde, mais complexes à comprendre. Ils sont construits avec une logique qui possède sa propre folie. On croise des femmes qui transforment leur fils en lampadaire ou des hommes qui épousent une chaussure. Mais Edson n’est pas surréaliste, ses textes n’ont rien à voir avec l’écriture automatique. Ce sont des sortes de miniatures poético-philosophiques.
C’est en lisant une interview de l’écrivain Lydia Davis que j’ai découvert Russell Edson. Elle cite souvent cet auteur comme une de ses principales influences. Je me suis dépêché de fouiller sur internet évidemment. On peut y apprendre les choses suivantes sur Russell : son père dessinait des comics dans la presse new yorkaise, lui-même faisait beaucoup de dessins, il a étudié l’art au Black Mountain College, certains l’ont surnommé « le Parrain de la poésie en prose », jeune il ressemblait étrangement à John Cale, vieux à un croisement entre John Huston et le Capitaine Haddock. Russell semble avoir eu une vie calme et discrète avec sa femme dans le Connecticut, où il est mort en 2014. Dans le monde anglo-saxon, beaucoup de poètes contemporains se réclament de lui. En dehors, il a l’air d’être complètement inconnu (du moins dans le monde francophone).
Je ne suis pas traductrice et je ne parle pas très bien l’anglais. Je me suis lancée dans cette affaire de traduction avec naïveté et inconscience. Et aussi une forme de culot. C’était l’été 2017, je n’arrivais pas à écrire mes propres textes, j’ai décidé de traduire une sélection des siens pour ne pas tourner en rond. J’ai beaucoup transpiré sur les détails. Comment rendre la simplicité et la fluidité d’un texte qu’on pourrait croire écrit par un enfant mais qui, lorsqu’on le décortique, révèle la précision d’une horloge suisse ? Dans un entretien, Russell Edson a dit un jour : « Tout le monde peut écrire comme Edson s’il le veut. Moi-même je le fais tout le temps ». Bonne lecture.
– Fabienne Radi
The style of Russell Edson could be defined as follows: the description, in a simple and accurate language with a flat and reasonable tone, of impossible situations with often bewildering endings. Edson’s sentences are short, sparing of adjectives, almost adverbless, with a heavy accumulation of repetitions. His texts are accessible to any reader but not so easy to understand. They’re built with a logic having a folly of its own. You can run into a woman that turns her son into a floor lamp or a man that gets married to a shoe. But Edson is not a surrealist; his work has nothing to do with the process of automatic writing. His texts are some sort of poetic-philosophical miniatures.
I first heard about Russell Edson in an interview I read where he was often mentioned by writer Lydia Davis as one of her major influences. So I obviously searched for him on the internet and here is what I found out about Russell: his father worked as a cartoonist for the New York City press industry, and Russell too was good at drawing; he studied the arts at Black Mountain College and he’s called the “godfather of the prose poem in America”; when he was young he looked strangely like John Cale while later, in his old age, he became a combination of John Huston and Captain Haddock. Russell seems to have lived a peaceful and secluded life with his wife in Connecticut, where he died in 2014. A number of contemporary poets align themselves with him within the Anglo-Saxon world but outside of it – or at least in the Francophone world – he seems to be quite unknown.
I am no translator and I can’t speak English very well. I got into this thing of translating with naivety and recklessness, and also pushed by some sort of audacity. That happened during last summer, 2017, when I couldn’t go on with the writing of my own texts and decided to translate some selected poems of Russell Edson to stop going around in circles. I worked really hard on details. How could I return the plainness and fluency of a text that you might at first sight think had been written for a child and then, instead, reveals the precision of a Swiss watch as soon as you dissect it? One day, during an interview, Russell Edson said, “Everyone can write like Edson if he likes it. I’m doing it myself all the time.” Enjoy your reading.
– Fabienne Radi
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