From Fantômes – L’hiver
Written in French by Hamid Saidji
Jeffrey le propriétaire du Glam, bar culte de l’East Village, tentait de convaincre Roman depuis longtemps de prendre un chien sous prétexte que celui-ci l’aimerait toujours, quoi qu’il arrive. Il posa un verre de whisky devant lui, sur le comptoir, suivi d’un regard interrogateur. Roman, la joue appuyée sur son poing, regardait la surface du liquide brun s’immobiliser. Il sortit de sa torpeur, vida son verre d’un trait puis le reposa sur le comptoir en exhalant un feu invisible.
Jeffrey était un drôle de personnage, tant physiquement qu’intellectuellement. Il était taillé comme un bucheron mais renfermait une douceur et une extrême sensibilité, que Roman n’avait rencontrée chez personne avant lui. Jeffrey avait passé une grande partie de son existence dans le Midwest à étudier la théologie et à l’enseigner à l’université. Il s’était marié, avait eu quatre enfants, deux filles et deux garçons, partagé son quotidien entre une vie de famille paisible et le monde universitaire aux codes policés. À la fin de la trentaine, il tomba éperdument amoureux d’un de ses élèves, ce qui le jeta non seulement dans un tourbillon de passion incontrôlable mais aussi dans des affres de perplexité. Son âme sombra dans un abysse de doute où sa foi en Dieu disparût pour ne jamais plus refaire surface. Il fut déchiré tout le temps qu’il entretint sa double vie où un bonheur absolu et une brûlante culpabilité se chamaillaient continuellement. Sa relation avec son épouse était devenue d’une extrême froideur, proportionnelle à la fougue avec laquelle il s’abandonnait à son jeune amant, dans un déferlement d’affection infinie, les yeux emplis de larmes, à la fois heureux et paniqué à l’idée de le perdre un jour. Sa femme, très pieuse elle-même, n’attacha pas d’importance particulière au changement de comportement de Jeffrey à son égard, qu’elle mit sur le compte d’un regain de piété religieuse, à l’approche de la quarantaine. Il lui semblait dans la logique du comportement chrétien que celui-ci refusât à présent les plaisirs de la chair, qui plus est après avoir donné naissance à quatre beaux enfants ensemble. Ses doutes commencèrent à s’éveiller lorsqu’elle entendit à plusieurs reprises son mari éclater en sanglots après une discussion téléphonique animée, à travers la porte de son bureau, fermée à clef, chose inhabituelle chez lui.
Un soir, alors que toute la famille était réunie autour de la rituelle dinde de Thanksgiving, Jeffrey demanda le silence à la fin du repas car il avait une annonce importante à faire. Tous le regardèrent avec étonnement, sauf sa femme, qui redouta, à juste titre, l’explosion d’une bombe. Jeffrey déclara que Dieu n’existait pas, que les religions étaient le plus grand mensonge que les êtres humains avaient inventé, qu’il était homosexuel, heureux de l’être, qu’il demandait solennellement le divorce et qu’il disparaitrait de leur vie pour toujours. Ses quatre enfants, pétrifiés, le regardèrent bouche bée pendant quelques secondes, tournèrent simultanément la tête vers leur mère avec stupeur et incrédulité. Celle-ci tremblait de tout son corps, ses yeux grands ouverts fixant Jeffrey, puis son corps fut pris de convulsion. Elle vomit son dîner sur la table richement décorée avant de tourner de l’œil. Ses deux garçons, assis de part et d’autre de la table la rattrapèrent avant qu’elle ne touche le sol, alors qu’elle perdait connaissance. Les deux filles sautèrent de leur chaise en poussant des cris, allèrent porter main forte à leurs frères, tandis que Jeffrey se leva calmement, enfila sa veste, ouvrit la porte de son bureau pour y prendre une volumineuse valise, puis sortit de la maison sans dire un mot. Une fois leur mère transportée sur le canapé du salon, les quatre enfants regardèrent en silence, par la baie vitrée, leur père s’assoir dans sa voiture, démarrer en trombe pour s’évanouir à tout jamais dans la nuit épaisse. Leur monde venait de s’écrouler en quelques secondes. La première réaction de Marie, la plus âgée des quatre, qui avait atteint sa majorité quelques semaines auparavant, fut d’arracher la croix qu’elle portait autour du cou et de la jeter de rage dans l’âtre de la cheminée. Elle courut s’enfermer dans sa chambre au premier étage de la maison pour y détruire tout ce qui pouvait l’être. Jeffrey roula sans but pendant plusieurs jours, traversa une bonne partie du pays en ruminant sa haine de Dieu, qui, s’il avait vraiment existé, ne lui aurait jamais offert le bonheur sans borne de tomber amoureux d’un de ses élèves, avant de l’anéantir lorsque le jeune homme le quitta pour un autre, en prenant soin d’avoir la cruauté de lui rappeler leur différence d’âge. Jeffrey ne donna plus signe de vie à quiconque ayant appartenu à sa vie passée. Il élut domicile à New York, la ville la plus indiquée selon lui pour se noyer dans l’anonymat et la luxure. Il avait entendu parler des milieux homosexuels, de leurs nuits interlopes, dont il avait autrefois condamné l’existence, jusqu’à ce que sa nature profonde ne remonte à la surface de lui-même. À présent il débordait d’une telle avidité sexuelle, que la seule pensée de se jeter à corps perdu dans ce monde nouveau, le faisait frissonner d’excitation. Son cœur battait la chamade à chaque fois qu’il passait les portes des clubs gays où il fit les rencontres les plus extraordinaires de toute son existence. Il fut amoureux puis cessa de l’être de nombreuses fois, jusqu’à ce qu’il rencontre Amine, un Algérien d’une beauté fracassante, à l’humour aiguisé, d’une finesse d’esprit unique, d’une grande prestance, au port altier, dédaigneux envers ceux qui pensaient pouvoir tout acheter, généreux envers les faibles. Jeffrey le voyait comme un prince d’un autre temps. Il avait émigré clandestinement aux États Unis, vivait dans un immeuble squatté du Lower East Side, où plus qu’une chambre, il avait ses quartiers, d’une richesse d’aménagement et d’un bon goût dont peu de gens pouvaient témoigner, car rares étaient ceux qui avaient jamais eu ne serait-ce qu’une fois la chance de pénétrer dans son antre. Jeffrey faisait partie de ce cercle restreint de privilégiés. Ils tombèrent follement amoureux l’un de l’autre, Jeffrey emménagea chez Amine où il vécut les années les plus heureuses de son existence. Les soirées chez eux s’étiraient jusqu’au matin dans les langueurs des fumées de haschisch, arrosée de vin frais, de saké ou de champagne. Amine était devenu la coqueluche des photographes de mode. Lorsqu’il ne passait pas son temps à faire la fête ou sur les catwalks des défilés de mode, il entretenait une condition physique digne d’un athlète olympique. Andy Wahrol lui-même tenta de le séduire en lui proposant de réaliser une série de portraits dont la moitié du produit de la vente lui reviendrait. Amine déclina poliment son offre et ne remis plus jamais les pieds à la Factory du démiurge par respect pour Jeffrey. Un jour, un de ses amis, que Jeffrey détestait à cause de son activité de dealer de drogues dures, lui fit découvrir l’opium. Après y avoir gouté, Amine s’y jeta corps et âme, jusqu’à ce petit matin clair d’hiver, qui baignait leur chambre d’une lumière blanche et triste, où Jeffrey découvrit le corps sans vie de son amant étendu sur le flanc dans son lit, l’air endormi, une seringue d’héroïne plantée dans son avant-bras. Pris d’une rage aveugle, anéanti par le désespoir, il veilla son corps pendant plusieurs jours en silence, après avoir tapissé le sol de la chambre de bougies. Des amis réussirent à le convaincre de mettre fin à cette veillée funéraire car le corps d’Amine commençait à se décomposer. Par égard pour ses origines, ils le lavèrent, l’enveloppèrent dans un linceul de lin blanc, le chargèrent dans la voiture de Jeffrey, roulèrent plusieurs heures au nord de New York, jusqu’aux forêts des Catskills, puis l’enterrèrent au pied d’un cèdre rouge géant. Plus tard Jeffrey y revint seul. Il sortit du coffre de sa voiture une plaque de marbre blanc sur laquelle était gravé en lettres latines et arabe le nom d’Amine, sans dates de naissance ni de décès, pour l’enterrer jusqu’à mi-hauteur dans le sol. Il resta longtemps à sangloter, sentant en lui sa haine envers le dealer croître démesurément.
De retour à New York, en rangeant les effets d’Amine, il trouva une lettre dans laquelle il lui léguait la totalité de la petite fortune qu’il avait accumulée pendant sa carrière de modèle et la clef du coffre de la banque où celle-ci était à l’abri. Avec cet argent, Jeffrey acheta un vieux bar de quartier qu’il transforma en un lieux très couru, qui au fil des ans devint à son tour un bar de quartier culte au passé glorieux. Il fit une autre trouvaille dans les affaires d’Amine : le numéro de téléphone du dealer qu’il tenait pour responsable de sa mort. Il l’appela, lui donna rendez-vous au milieu de la nuit dans une allée étroite du Lower East Side pour lui acheter une grosse quantité d’opium. Il gara sa Mercedes dans l’allée, éteignit les phares jusqu’à l’arrivée du dealer, dont la Chrysler se planta, tous phares éteints, devant Jeffrey. Celui -ci sortit de sa voiture, une sacoche à la main, s’approcha de la vitre ouverte du dealer. “Tu as les vingt mille ?” lui demanda-t-il. Jeffrey répondit que le compte y était, ouvrit la sacoche, en sortit un révolver, vida son chargeur à bout portant dans le crâne du dealer, qui se dispersa à l’intérieur du véhicule. Il rangea calmement son arme, mit le feu à la voiture puis s’en alla. Le lendemain, la police annonçait dans le journal avoir retrouvé la voiture carbonisée, certainement le résultat d’un règlement de compte entre dealers, pour des histoires de contrôle de territoire. Jeffrey embrassa le célibat comme on entre dans les ordres, poursuivit son activité de propriétaire de bar, en appliquant une politique de tolérance zéro envers tout client qui consommerait de la came dans son établissement, ce qui le classa parmi les plus chics de cette partie de la ville.
“Un chien ? Jeffrey, en général tu dis plutôt des trucs sensés, mais là, tu es complètement à côté de la plaque.”
Roman ne supportait pas ces gens qui sortaient leurs clébard le soir venu, juste pour pouvoir s’offrir un moment de paix ou de solitude sans leurs gosses, ou fumer un joint tranquillement sans se faire engueuler par leur femme. Ou pire encore : parce qu’ils se sentaient seuls.
Roman lui fit signe de remplir son verre, avisa Dojo, son berger allemand, assoupi derrière le comptoir.
“Bon ok, dans ton cas c’est différent, c’est pour ta protection.” ajouta-t-il. “Pauvre toutou…” chuchota-t-il, un regard usé sur Dojo, sans savoir s’il parlait du chien ou de lui-même.
“Il y a en tout cas d’autres moyens que les femmes pour tromper la solitude” renchérit Jeffrey en s’éloignant servir un client au bout du comptoir.
Roman haussa les épaules, avala une gorgée de whisky. Jeffrey avait peut être raison sur ce point mais il n’avait pas trouvé ce fameux moyen. Il avait enchainé les rencontres culinaires d’un soir, de dîner en dîner, jusqu’à la nausée. Mais cette fois-ci c’était différent, il sentait un vide croître en lui, qui commençait à devenir douloureux. Un sentiment qu’il n’avait plus ressenti depuis la fin de son histoire avec Charlotte, rencontrée à l’université du Michigan, et qu’il avait quittée à cause de son besoin impérieux d’avoir un enfant, vite mué en ultimatum. Il l’avait profondément aimée, mais l’horreur à l’idée de devenir père avait été plus forte, jusqu’à la répulsion. Il traîna longtemps une boule dans la gorge, jusqu’à New York, où elle disparut peu à peu jusqu’à céder complètement sa place à un âpre souvenir.
Cela faisait presque une semaine que Kate ne s’était pas manifestée, ni par message, ni directement par téléphone. Il repassait dans sa tête le moment où il n’avait pas su dissimuler sa surprise en la voyant clopiner vers le vestiaire. Il s’en voulait amèrement.
Agacé de s’apitoyer sur son sort, il finit son whisky et décida d’aller affronter les éléments par une promenade dans le quartier, un bon moyen de se débarrasser de cet excès de lui-même. Il sortit, le visage fermé, sans un mot, sous le regard neutre de Jeffrey, habitué aux fantômes échoués sur les berges de leur vide intérieur, égarés dans les brumes éthyliques. Dehors, un vent vicieux brulait le visage de Roman. Il remonta le col de son manteau jusqu’à ses joues, marchait avec lassitude, sur le trottoir humide, où la neige avait fondu par endroit, renvoyant les teintes rouges, vertes, bleues des néons et le blême reflet déformé des réverbères. Il prit la direction de l’East River Park, dans l’espoir d’y trouver un banc à peu près sec depuis lequel il contemplerait Brooklyn et les bateaux glisser sur l’eau noire avec leurs lumières clignotantes. Cela lui rappellerait peut-être le lac Saint Clair de son enfance.
Il eut une pensée inexplicable pour Jill, qu’il avait rencontrée peu après son arrivée à New York. Une Italo-Américaine au sens démesuré du drame, coiffée d’une fabuleuse crinière rousse qui descendait en boucles parsemées de reflets dorés jusqu’aux hanches, sur laquelle les passants, béats d’admiration, se retournaient. Roman fut longtemps envouté par cette expression de beauté antique. Lorsqu’elle avait découvert qu’il avait eu une vie avant de la rencontrer, elle se laissa aller à une profonde tristesse, qui ne se démentit pas jusqu’à leur rupture. Parfois, prise d’un furieux accès de jalousie, elle l’accusait de la considérer comme sa putain attitrée, de n’avoir aucun sentiment pour elle et d’être toujours amoureux de Charlotte. Ce qui n’était ni vrai, ni faux. Il n’en savait plus rien lui-même. Il l’avait laissée à Detroit, avec tout son passé. Voilà tout. La jalousie maladive de Jill, dont le sexe s’accommodait, n’avait tout simplement pas laissé à l’amour l’espace nécessaire à son épanouissement naturel. Leurs échanges se limitèrent rapidement à atténuer ses crises de larmes à travers des rapports sexuels d’une brutale intensité, qu’elle exigeait de lui. Sa possessivité lui avait interdit de vraiment faire l’expérience de la sensualité, cette tendre, légère caresse à la lisière de l’amour. Il fallait que cela soit dur, violent, bestial. Sa conception bien à elle de la passion. La fréquence de plus en plus rapprochée des déflagrations de colère de Jill avait fini par susciter chez Roman une appréhension permanente proche de l’angoisse, comme s’il habitait au pied d’un volcan prêt à entrer en éruption à tout moment pour le submerger de lave. Il marchait constamment sur des œufs, tournait systématiquement cent fois sa langue dans sa bouche avant de se décider à lui raconter un souvenir lointain qui l’avait ému, de crainte de la voir se transformer en furie, uniquement parce qu’elle en était absente. Jill ne voulait pas entendre parler d’autrefois, ce temps auquel elle n’appartenait pas. Les seuls souvenirs qui la faisait sourire étaient ceux qui leur étaient communs, ce qui limitait les choix. Au bout d’un peu plus d’un an, il jeta l’éponge, épuisé par ce combat qu’il accepta volontiers de perdre, encaissant, stoïque, une dernière salve d’insultes. Le sortilège de sa chevelure était rompu.
Après avoir marché dix minutes, lacéré par le froid, il changea d’avis, estimant qu’une plongée dans un banal souvenir ne valait pas un tel sacrifice. Il parcouru encore quelques mètres dans ce mur de vent avant de rebrousser chemin. Arrivé devant son immeuble, il ouvrit la première porte du sas, à l’intérieur duquel dormait Tim, dans un sac de couchage crasseux. Un junkie notoire mais paisible. Il l’enjamba au ralenti pour ne pas bousculer le silence et ainsi éviter de se faire piquer par erreur, dans un sursaut affolé, par sa seringue certainement infectée par le virus du sida. Ils finissaient tous par mourir prématurément : d’overdose, dans une futile bagarre pour quelques cents ou une dose frelatée, du sida, de froid, ou parfois sur un banc, surpris par la nuit hivernale, au paroxysme de la paralysante extase de l’héroïne. Il ouvrit la deuxième porte menant à la cage d’escalier, lentement, toujours un œil prudent sur Tim, resté immobile. Arrivé chez lui, il fuma une pipe d’herbe bien tassée, avant de s’allonger sur son lit dans une somnolence hébétée, jusqu’au sommeil.
Published March 20, 2023
© Hamid Saidji
Jeffrey, the owner of the cult bar “The Glam” in the East Village, was trying to convince Roman for a long time to get a dog, pretexting it would always love him, no matter what. He poured him a glass of whisky, in front of him, on the counter, with a questioning look. Roman, his cheek resting on his fist, observed the surface of the brown liquid come to a standstill. He got out of his torpor, emptied his glass in one blow, and put it down loudly on the counter while exhaling an invisible firestorm.
Jeffrey was an uncanny character. Physically and intellectually. He was tall and strong as a lumberjack but extremely sweet spoken and sensitive. A contradictory combination that Roman had never seen before in anyone. Jeffrey had spent a long part of his life in the Midwest, studying theology and then teaching it at the university. He got married there, had four children – two girls and two boys- and shared his suburban days between a peaceful family life and the environment of the well-mannered codes of the university. Towards the end of his thirties, he fell madly in love with one of his students, he fell in a whirlwind of uncontrollable passion and painful perplexity. His soul sunk into an abyss of doubt, where his faith in God drowned and never resurfaced. As he led this double life, he was torn between absolute happiness and burning guilt. These two antagonistic feelings where clashing constantly inside of him. His loving relationship with his wife had turned into indifference. On the other hand, he was abandoning himself with an irrational ardor to his love affair with his young lover, in a surge of infinite tenderness, his eyes filled with tears, both overwhelmed with joy, and panicked at the thought that he would without a doubt lose him one day. Jeffrey’s wife, who was very religious, didn’t pay too much attention to his change of behavior towards herself. She attributed his excess of detachment from her to a revival of religious piety. “Pretty common after all, between two persons being married for such a long time”, she thought. She also considered that the fact that her husband was approaching his forties had something to do with it. His distancing himself from the pleasures of sensual interactions seemed to her in tune with the principles of the Christian behavior. They had four children together: un unbreakable bond in her mind. Even though doubts started to arise when she time and again heard her husband through the door of his office, door locked, unusual. He was breaking up in tears on the phone. Blinded by her faith, she didn’t want to see it coming.
One evening, the whole family was gathered around the table, for Thanksgiving, contemplating the beautifully roasted turkey ceremoniously placed at the center of the table. At the end of this culinary feast, Jeffrey asked for silence. He had something important to tell everyone. The children looked at him with surprise, but his wife, saw in Jeffrey’s eyes the fierce determination to never be the same again. She feared -and rightly so- the explosion of a nuclear bomb. Jeffrey declared that God didn't exist, that religions were the biggest lie that human beings had ever invented, and that he was homosexual, and very happy to be who and what he was. Oh, and that he had filed for divorce and would disappear from their lives forever. His four children remained petrified and hypnotized for a few seconds, looking at their father in disbelief, and then turned altogether to their mother with stupor and incredulity. Her whole body was trembling, from fingers to lips, her eyes wide open staring at Jeffrey’s face. That was then that she realized he had already been gone for a long time. She started shaking and coughing over the table until she vomited her dinner all over the silverware, before collapsing totally. She blacked out. Her two boys, seated to each side of her, grabbed her arms before she hit the floor. Both sisters jumped out of their chairs squeaking like squirrels and ran to help their brothers helping their mum. Jeffrey calmly stood up, put his jacket on, took a huge suitcase lying in his office, then left the house in silence. After having laid their mother safely on the couch, the four children stared, speechless, from the large window, their father sat in his car, and two seconds later heard the engine furiously starting. He disappeared in the thick darkness of the night faintly lit by the tired streetlamps. The world of five people imploded at once in only a few seconds. All their beliefs were suddenly crushed. Mary, the oldest of the four, who turned twenty one a couple of months before, tore her necklace baring a little golden cross, and threw it with rage into the blazing fireplace. She ran upstairs and locked herself inside her bedroom to destroy anything that could be destroyed, until she dropped on her knees of exhaustion, in tears. Jeffrey drove randomly through the United States for many days, ruminating his hatred of God. If he ever existed, he wouldn’t have offered him the limitless happiness of falling madly in love, before taking it back brutally, when his young love left him for someone his own age. The young man pushed the cruelty by insisting on what he called “the generation gap”. The coup-de-grâce. Jeffrey cut all communication with whoever had belonged to his past life. He settled down in New York City, the most appropriate place to drown into anonymity and lust. He had heard and read about the thriving and colorful homosexual scene and community. He knew them well, as he regularly firmly condemned their absence of faith in God in front of his university’s students. Until his profound nature took over his heart and soul and spread all over and inside his body. He was on fire, devoured by a volcanic sexual craving. The thought of embracing this new world of wonders was giving him shivers of excitement. His heart was racing each time he would pass the doors of gay clubs, where he met the most extraordinary people he ever had in his whole former life. He felt as if Mohamed Ali was punching him from inside. He fell in and out of love numerous times, until he met Amine, a young Algerian of surreal beauty, who had a razor-sharp sense of humor, a unique finesse of mind, a radiating and majestic presence. He was dismissive of people who thought anything could be bought (especially people), and extremely generous and gentle towards the weak. Jeffrey’s bewilderment projected in his mind the image of some prince from another time. This luminous young man had migrated illegally to the US and lived in an occupied house of the Lower East side, where, more than a room, he had his whole comfortable quarters, decorated with extreme refinement and good taste, something only a happy few could testify. Jeffrey was one of them. They both fell in love, a kind that Jeffrey had never experienced before, wrapped in an invisible veil of delightful serenity and comfort. He moved into Amine’s loft where he lived the happiest days of his existence. The parties at their place would linger until dawn, in the languor of clouds of hashish floating above their heads in multicolor swirling fumes, accompanied by champagne, sake and a myriad of delicious exotic meals. Amine had become the new darling of all fashion photographers. When he wasn’t spending his time between private luxurious gatherings or the catwalks of fashion shows, he entertained an athletic physical condition. Andy Wahrol himself tried to bribe him into his bed, offering him a series of portraits in exchange. Amine politely declined the offer, and never granted the Factory of the demiurge with his presence, out of respect for Jeffrey. One day, Amine made a major discovery: opium, through a friend of his who Jeffrey hated. Precisely because he was dealing hard drugs. After trying it, Amine lost himself in the realm of opioids, until that clear winter morning, casting a cold and sad white light in the room, where Jeffrey found the lifeless body of his lover lying on his bed, an empty needle stuck in his forearm. He looked like he was sleeping. But he was not. Blinded by rage, overwhelmed by despair, he looked after the corpse in absolute silence for many days, after having laid dozens of lit candles all over the bedroom and turned it into a gigantic altar. His friends finally succeeded to convince Jeffrey to end this excessively long funeral ceremony and find another way to mourn, arguing that Amine’s corpse had started to decompose and smell bad. They washed Amine’s body according to the Muslim custom and wrapped him in a white linen shroud, before carrying him to the back of Jeffrey’s car. They drove north to the Catskills Mountains, then buried him next to a red giant cedar. Later, Jeffrey came back alone. He took out from the trunk of his car a heavy white marble plate with Amine’s name engraved in Arabic and Latin letters, without birthdate or the date of his death. He planted the marble plate deep in the soil then stood in front of it, tears rolling down on his cheeks as he felt a fulminating desire of revenge grow inside of him. A metastasis of hate.
Back to New York, as he was putting into order what used to be Amine’s room, he found a letter where Amine made Jeffrey the sole heir of everything he owned, which included the little fortune he had made in the fashion and art businesses. In the envelop that contained the letter, there was a small key that gave access to the safe Amine had in the bank. With that money, Jeffrey bought a bar in the East Village and made it one of the most successful joint of the neighborhood. As the years went by it became a cult bar with a glorious past. He found something else in Amine’s drawers: the phone number of the dealer Jeffrey held responsible for his lover’s death. He called the dealer, both agreed to meet in a dark alley of the Lower East Side, to make a deal for a large quantity of heroine. Jeffrey parked his Mercedes in the alley and waited, all lights off, for the dealer. He didn’t wait long before seeing his Chrysler entering the alley and stopping a few meters away, in front of Jeffrey’s car. Jeffrey got out calmly of his car, a leather pouch in one hand, and walked to the open front window where the dealer was suspiciously waiting, a gun in his right hand lying on the front passenger’s seat. “Do you have the 20k?” he asked. Jeffrey nodded and opened the zipper of the pouch. He pulled out an automatic gun, emptied its magazine pointblank at the dealer’s head, which exploded and dispersed inside the Chrysler in an explosion of blood, pieces of brain and broken bones. He was nearly beheaded. He put his gun back inside the leather pouch, slowly, set the dealer’s car on fire and drove away. The next day, in the newspaper, a tiny article reported that the police had found the carbonized Chrysler with a body inside, certainly the result of a dispute between gangs over the control of the territory. From then on, Jeffrey embraced being single for the rest of his life, in the manner of a monk joining the orders. He went on running his bar successfully, with a zero-tolerance policy towards any kind of drug deal or consumption inside his establishment, which made it some kind of anomaly in this part of the city.
“A dog?” Roman said. “Jeffrey, in general you talk a lot of sense, but let me tell you that this time that’s the biggest nonsense I’ve heard in a long while.”
Roman couldn’t stand these guys who would take their dog out at nightfall, to grant themselves a moment of intimacy, of peace or solitude without their families, to enjoy the freedom of smoking secretly a joint without having to suffer the bitter critics of their wives. Or worse: because they felt too lonely.
Jeffrey poured him another whisky while Roman was staring with empathy at Dojo, Jeffrey’s old German Shepperd, half asleep behind the counter.
“Well, ok, in your case it’s different. You own a dog for your protection.” doubtful that such an old dog would be of any help in case of real trouble. “Poor thing…” he murmured, not sure if he was referring to the animal or himself.
“There are other ways than women to dodge solitude.” said Jeffrey as he walked away, to the other end of the counter to serve a customer.
Roman shrugged and took a sip of whisky. Perhaps Jeffrey was right, but he himself hadn’t found that way yet. He had multiplied the culinary encounters with all kinds of women, sat at the table of most restaurants of Greenwich Village, ad nauseam. But this time it was different, he felt a void growing painfully inside of him. Something he hadn’t felt since he broke up with Charlotte. They had met at the University of Michigan, and he had left her because he couldn’t stand the permanent ultimatum: “let’s have a child or breakup”. He had loved her profoundly, but the idea of becoming father was such a horrifying thought that it wiped out all desire he had for her. After the breakup, he carried with him a deep melancholia as he moved to New York, where it slowly turned into a harsh memory.
It had been almost a week since Kate hadn’t given any news. He replayed in his mind for the umpteenth time the moment when he couldn’t hide his surprise when he saw her limping towards the coat check. He felt awful about it. An unforgiving mistake.
Tired of feeling sorry for himself, he emptied his glass and decided to go out and face the winter storm. A stroll around would certainly help him refresh his mind and get rid of this excess of himself. He stepped out of the Glam without a word, Jeffrey’s look following him with a touch of perplexity. He was used to his clientele of ghosts, most of them washed up on the banks of their inner emptiness, talking to their bottle of beer. Outside, a violent icy wind burned Roman’s face. He lifted the collar of his coat up to his ears and lift his shoulders in a shiver. He walked with lassitude, on the wet sidewalk, where the snow had partly melted, firing back the reds, blues, greens, yellows of the shops’ neon, and the pale color of the streetlamps. He took the direction of the East River, hoping to find there a dry bench where he could sit and contemplate the boats sliding on the dark waters against the Brooklyn skyline. Maybe it would remind him of the Lake Saint Clair of his youth.
He had an unexplainable thought for Jill, whom he met soon after arriving in New York City. A young Italian American woman, who had a strong sense for drama, crowned with a fabulous red mane that fell back down to her hips in a wide wave of shiny red and golden curls. As she walked in the streets, most people, men, and women, couldn’t help turning around to keep contemplating such rare jaw dropping unreal bunch of hair. Roman too, was long bewitched by this singular expression of antique majesty. When she fatally found out that he’d had a life of his own before meeting her, she sank into a deep and irrational sadness that lasted until the last day of their relationship. Sometimes, struck by jealousy like a tree by lightning, she would tell Roman that she felt like she was to him nothing more than a good fuck, and accused him to nourish absolutely no feelings of love towards her. On top of that she claimed that he was still in love with Charlotte. Which was neither true nor false. He didn’t know it himself. He left Charlotte in Detroit, along with his whole past. There was nothing else to say about it. Jill’s pathological jealousy, which was no obstacle to their sex life, interfered somewhat too much to leave the necessary space love needed for its natural blooming. Their exchanges became quickly limited to attenuating her crisis of tears through sexual intercourse of brutal intensity. A brutality Jill was craving for all the time in bed or anywhere they would have sex. She never experienced sensuality with him, this tender and light caress on the edge of love. Her excessive possessiveness was always in the way. It had to be hard, violent, brutal, bestial. That was her conception of passion. Jill’s eruptions of anger became so frequent that Roman ended fearing with anguish to talk about any topic with her, anticipating another creepy outpouring of insults. An atrociously burning wave of emotional lava. He was constantly aware in her presence, pondering for ever before opening his mouth. Talking about a distant memory that she wasn’t part of would be welcomed with indifference, at best. Jill didn’t want to hear anything related to “back then”, this period of Roman’s life she didn’t belong to. The only discussions that she would gladly have, were the ones related to the recollections of their common memories. Which greatly limited the scope of their conversations since they knew each other for too short a time. After a bit more than a year of this sentimental roller coaster, Roman finally gave up, exhausted by a fight he happily accepted to lose. He took, stoically, a last ferocious and mean salvo of the worst combinations of words he ever heard in his life. Staring at her in stillness, he noticed, relieved, that the spell of her amazing mane had vanished. He always thought that this would be the thing he would miss the most. He couldn’t be more wrong.
After a ten minutes walk in the snowstorm, his face being almost scratched by thousands of sharp, frozen snowflakes, Roman came to the conclusion that no memory was worth such a sacrifice. He turned around and walked back home. He opened the first door of the airlock of his building where Tim, a famous local junkie, was asleep, mouth open, wrapped in something that was once a sleeping bag. He was breathing heavily. Tim was a peaceful guy for a junkie who had reached the point of no return, and as strange as it seemed, still alive after thirty years of doing crack and heroine every day. Roman walked past him in slow motion to make sure he wouldn’t create even the slightest ripple in this cubicle of relative silence. Waking Tim up could be dangerous: he could jump on his feet in a split second and stab him by mistake with his syringe, certainly infected with AIDS. They all ended up dying one of the usual ways: overdose, in a futile fight for a couple of cents or a rotten shot, from AIDS, or sitting on a bench, taken by surprise by a freezing winter night, while in the middle of the paralyzing ecstasy of heroine. Roman opened the second door, the one leading to the staircase, always keeping a prudent eye on Tim, who didn’t move an inch. At home, he slammed his door close with a sigh and carelessly threw his coat on a chair and his hat on the table before scratching his hair. He filled a small glass pipe with weed, lit it and took a long puff. When he exhaled, a thick cloud of white smoke appeared in front of his eyes. He took a second long puff, held the smoke for a few seconds in his lungs, then put the pipe on the table as he exhaled another big cloud. He lied down on his bed and let his mind wander in dazed drowsiness, until sleep came to take over.
Published March 20, 2023
© Specimen 2023
Jeffrey, il padrone del Glam, bar di culto dell’East Village, tentava da tempo di convincere Roman a prendersi un cane, con il pretesto che lui si che l’avrebbe amato per sempre, qualsiasi cosa fosse successa. Gli mise un bicchiere di whisky davanti, sul bancone, assieme ad uno sguardo interrogativo. Roman, con la guancia appoggiata sul pugno, guardava la superficie del liquido scuro che diventava immobile. Uscì dal suo torpore e svuotò il bicchiere tutto in una volta per poi rimetterlo sul bancone, come se stesse cacciando fuori un fuoco invisibile.
Jeffrey era uno strano personaggio, tanto fisicamente che intellettualmente. Sembrava un boscaiolo eppure aveva una dolcezza e una sensibilità estrema, come Roman non aveva trovato in nessun altro fino ad allora. Aveva passato una gran parte della sua esistenza nel Midwest studiando teologia e insegnando all’università. Era stato sposato, aveva avuto quattro figli, due maschi e due femmine, speso il suo quotidiano tra una vita di famiglia tranquilla e il mondo universitario con tutti i suoi codici formali. Verso la fine dei trent’anni si era innamorato perdutamente di uno dei suoi studenti, cosa che lo aveva gettato non solo in un turbinio di passione incontrollabile, ma anche nel tormento di una perplessità totale. La sua anima cadde in un abisso di dubbi in cui la fede in Dio scomparve per non tornare mai più. Era combattuto, per tutto il tempo passato nella sua doppia vita, tra una felicità assoluta e uno scottante senso di colpa che facevano continuamente a botte. Il rapporto con sua moglie era diventato di estrema freddezza, proporzionalmente opposto alla foga con cui si abbandonava invece al suo giovane amante, in un’ondata di affetto infinito, con gli occhi pieni di lacrime, a volte felice e spaventato all’idea di poterlo perdere un giorno. Sua moglie, anche lei molto pia, non aveva dato molta importanza al cambiamento di Jeffrey nei suoi confronti, cambiamento che aveva attribuito ad una rinascita di pietà religiosa con l’arrivo della quarantina. In una logica di comportamento cristiano, le sembrava infatti che lui ormai rifiutasse i piaceri della carne dopo aver avuto quattro bei figli assieme a lei. I suoi dubbi cominciarono a nascere quando sentì a più riprese suo marito scoppiare a piangere dopo una discussione telefonica animata, attraverso la porta dello studio, chiusa a chiave, cosa che non aveva mai fatto.
Una sera in cui tutta la famiglia era riunita intorno al tacchino di rito del Ringraziamento, Jeffrey, a fine cena, chiese di fare silenzio perché aveva un importante annuncio da fare. Tutti lo guardarono stupiti, tranne sua moglie, che temeva, a ragione, lo scoppio di una bomba. Jeffrey disse che Dio non esisteva, che le religioni sono state la più grande menzogna inventata dagli esseri umani, che lui era omosessuale, che era felice di esserlo, che chiedeva solennemente il divorzio e che sarebbe scomparso dalla loro vita per sempre. I suoi quattro figli, pietrificati, lo guardarono a bocca aperta per qualche secondo, girando la testa verso la madre, con totale stupore e incredulità. Lei tremava con tutto il corpo, i suoi grandi occhi aperti fissarono Jeffrey, poi cominciò ad avere le convulsioni. Vomitò la cena su quel tavolo riccamente decorato prima di svenire. I due figli seduti dall’altra parte del tavolo la soccorsero in tempo prima che cadesse a terra senza conoscenza. Le due figlie che erano saltate sulla sedia gridando, andarono ad aiutare i fratelli. Jeffrey si alzò con calma, si mise la giacca, aprì la porta del suo ufficio per prendere una grande valigia ed uscì di casa senza dire nemmeno una parola. Dopo aver portato la madre sul divano del salotto, i quattro ragazzi guardarono in silenzio dalla finestra a vetri, il padre che si sedeva in macchina pronto a partire e a svanire per sempre nella notte spessa. Il loro mondo era crollato in pochi secondi. La prima reazione di Marie, la più grande dei quattro ragazzi che era diventata maggiorenne poche settimane prima, fu di strapparsi la croce che portava al collo, gettandola con rabbia nel caminetto. Corse poi a chiudersi nella sua stanza al primo piano distruggendo tutto quello che poteva. Jeffrey guidò senza sosta per vari giorni, attraversando una buona parte del paese, ruminando il suo odio per Dio che, se fosse davvero esistito, non gli avrebbe mai concesso la felicità senza fine di innamorarsi di uno dei suoi studenti per poi distruggerlo quando il giovane lo aveva lasciato per un altro, non senza aver avuto cura di usargli la crudeltà di ricordare la loro differenza di età. Jeffrey non dette più alcun segno di vita a nessuno di quelli che avevano fatto parte della sua vita precedente. Scelse di vivere a New York, la città più adatta per annegare nell’anonimato e nella lussuria. Aveva sentito parlare di giri omosessuali, delle loro notti senza legge, tutte cose che aveva condannato prima che la sua natura profonda si manifestasse. In quel momento lui aveva una tale avidità sessuale che il solo pensiero di gettarsi a corpo morto in quel mondo nuovo, lo faceva fremere di eccitazione. Il cuore gli batteva ogni volta che passava la porta di un club gay, dove faceva gli incontri più straordinari della sua esistenza. Si innamorava e si disinnamorava di continuo, fino a quando non incontrò Amine, un algerino di una bellezza dirompente, dall’humor acuto, di una finezza di spirito unico e di grande prestanza. Con il suo portamento altero, disdegnava chi pensava che tutto si può comprare ed era generoso con i deboli. Jeffrey lo vedeva come un principe di altri tempi. Era emigrato clandestinamente negli Stati Uniti, viveva in un palazzo occupato della Lower East Side, dove più che una stanza aveva i suoi appartamenti, di una ricchezza, organizzazione e buon gusto che però pochi potevano testimoniare, perché pochi erano quelli che avevano avuto anche solo una volta l’occasione di penetrare nel suo antro. Jeffrey faceva parte di quel ristretto circolo di privilegiati. Si innamorarono follemente l’uno dell’altro, Jeffrey si trasferì da Amine dove avrebbe vissuto gli anni più felici della sua vita. Le loro serate duravano fino al mattino nel languore del fumo dell’hashish, innaffiato da vino fresco, sakè o champagne. Amine era diventato il beniamino dei fotografi di moda. Quando non passava il suo tempo a fare festa o sulle passerelle delle sfilate di moda, conservava una condizione fisica degna di un atleta olimpico. Persino Andy Warhol aveva tentato di sedurlo proponendogli una serie di ritratti che gli avrebbero fruttato la metà del ricavato della vendita. Amine aveva rifiutato educatamente la sua offerta e non aveva mai più messo piede alla Factory del demiurgo per rispetto a Jeffrey. Un giorno uno dei suoi amici, che Jeffrey detestava perché spacciava droghe pesanti, gli fece scoprire l’oppio. Dopo averlo provato, Amine ci si gettò dentro corpo ed anima, fino a quell’alba chiara invernale che bagnò la loro stanza di una luce bianca e triste in cui Jeffrey scoprì nel letto il corpo senza vita del suo amante steso sul fianco, come se dormisse, con una siringa di eroina piantata nel braccio. Preso da una rabbia cieca, consumato dalla disperazione, vegliò il suo corpo per vari giorni in silenzio, dopo aver tappezzato il pavimento della stanza di candele. Alcuni amici riuscirono a convincerlo a mettere fine a quella veglia funebre perché il corpo di Amine stava cominciando a decomporsi. Per riguardo alle sue origini, lo lavarono e lo misero in un lenzuolo bianco di lino, per poi caricarlo nella macchina di Jeffrey che guidò varie ore a nord di New York fino alla foresta di Catskills, dove fu seppellito ai piedi di un cedro rosso gigante. In seguito Jeffrey ci sarebbe tornato da solo. Prese dalla macchina una placca di marmo bianco sulla quale era inciso in lettere latine e arabe il nome di Amine, senza data di nascita e decesso, e la infilò per metà nella terra. Rimase per lungo tempo a piangere, sentendo in lui l’odio verso lo spacciatore crescere smisuratamente.
Di ritorno a New York, prendendo le cose di Amine, trovò una lettera in cui lui gli lasciava la piccola fortuna che aveva accumulato durante la sua carriera di modello e la chiave di una cassetta di sicurezza dove essa era depositata. Con quel denaro, Jeffrey comprò un vecchio bar di quartiere che trasformò in un posto molto frequentato e che con il passare del tempo diventò un bar di quartiere cult dal passato glorioso. Fece un’altra scoperta tra le cose di Amine: il numero di telefono dello spacciatore che riteneva colpevole della sua morte. Lo chiamò, gli diede appuntamento in piena notte in una stradina stretta del Lower East Side per comprare una grande quantità di oppio. Era entrato con la sua Mercedes nella stradina, spense i fari all’arrivo del tizio che piazzò la sua Chrysler a fari spenti davanti a Jeffrey. Uscì dalla macchina, con un sacchetto in mano, si avvicinò al vetro aperto dello spacciatore. «Ce li hai i ventimila?» gli chiese. Jeffrey rispose che erano lì, contati, aprì il sacchetto, prese un revolver e svuotò tutto il caricatore nel cranio dello spacciatore che si sparse in mille pezzi dentro il veicolo. Mise tranquillamente a posto l’arma, dette fuoco alla macchina e se ne andò. Il giorno dopo la polizia annunciava su tutti i giornali di avere trovato una macchina carbonizzata, si era trattato certamente di un regolamento di conti fra spacciatori per questioni di controllo di territorio. Jeffrey abbracciò allora il celibato come si abbraccia un ordine religioso, e continuò la sua attività di proprietario di bar applicando una politica di tolleranza zero verso tutti i clienti che consumavano droga nel suo locale, cosa che ne fece uno dei posti più chic della città.
«Un cane? Jeffrey, normalmente tu dici delle cose sensate ma ora, mi pare che sei proprio fuori strada»
Roman non sopportava la gente che faceva uscire i propri bastardini la sera, solo per potersi concedere un momento di pace e solitudine senza i propri bambini, o per fumarsi una canna tranquillamente senza stare a litigare con la moglie. O ancor peggio: perché si sentivano soli.
Roman gli fece segno di riempire il bicchiere, guardando Dojo, il suo pastore tedesco assopito dietro il bancone.
«Beh, in ogni caso è diverso, è per la tua protezione» aggiunse lui. «Povero cagnolino…» mormorò, con uno sguardo consumato su Dojo senza sapere se parlava del cane o di sé stesso.
«Ci sono altri modi oltre le donne per sopportare la solitudine» rincarò Jeffrey allontanandosi per servire un cliente alla fine del bancone.
Roman alzò le spalle, bevendo un sorso di whisky. Jeffrey aveva forse ragione su questo punto, non aveva ancora trovato questo famoso modo. Aveva messo in fila una serie di incontri culinari di una sera, di cena in cena, fino alla nausea. Ma questa volta era stato diverso, questa volta sentiva un vuoto scoppiargli dentro che cominciava a farsi doloroso. Un sentimento che non aveva più sentito dopo la fine della sua storia con Charlotte, incontrata all’Università del Michigan, che aveva lasciato a causa del suo imperativo bisogno di avere un figlio, trasformatosi rapidamente in un ultimatum. Lui l’aveva amata profondamente ma l’orrore del pensiero di diventare padre era stato più forte, al limite della repulsione. Aveva avuto a lungo un nodo in gola, fino a New York, dove era scomparso piano piano, fino a cedere completamente il posto ad un triste ricordo.
Era una settimana che Kate non si faceva viva, né per messaggio né per telefono. Ripassava nella sua mente il momento in cui non aveva saputo fingersi sorpreso guardandola zoppicare verso il guardaroba. Era amaramente pentito.
Stanco di avere pena di sé stesso, finì il suo whisky e decise di andare ad affrontare gli elementi per fare una passeggiata nel quartiere, un buon modo per sbarazzarsi dell’eccesso di sé stesso. Uscì con la faccia scura, senza una parola, sotto lo sguardo neutro di Jeffrey, abituato ai fantasmi che scorrevano sulle rive della vita interiore, persi nelle brume dell’alcol. Fuori, un vento feroce bruciava il viso di Roman. Si alzò il collo del cappotto fino alle guance, camminando lentamente sul marciapiede umido dove la neve si era sciolta in certi punti, restituendo il rosso, il verde e il blu dei neon e il pallido riflesso deformato del loro riverbero. Prese la direzione di East River Park, nella speranza di trovare una panchina un po’ asciutta da cui guardare Brooklyn e i battelli che scivolano sull’acqua nera con le loro luci lampeggianti. Forse gli avrebbe ricordato il lago di Saint Clair della sua infanzia.
Ebbe un pensiero inspiegabile per Jill, che aveva incontrato poco dopo il suo arrivo a New York. Un’italo-americana con il senso smisurato del dramma, con una fantastica criniera rossa che scendeva in riccioli sparsi di riflessi dorati fino alle anche, per cui i passanti, pieni di ammirazione, si giravano per strada. Quando lei scoprì che lui aveva avuto una vita prima di incontrarla, si lasciò andare ad una profonda tristezza che durò fino alla loro rottura. Presa da un furioso eccesso di gelosia, lo accusò di essere la sua puttana di turno e di non avere alcun sentimento per lei e che era ancora innamorato di Charlotte. Cosa che non era né vera né falsa. Lui stesso non lo sapeva più. L’aveva lasciata a Detroit assieme a tutto il suo passato. Tutto qui. La gelosia malata di Jill, a cui anche il sesso si era adattato, semplicemente non aveva lasciato all’amore lo spazio necessario per crescere. I loro scambi si limitarono rapidamente a tentativi di attenuare le crisi di lacrime in rapporti sessuali di brutale intensità, che lei esigeva. La sua possessività le aveva negato la possibilità di fare una vera esperienza della sensualità, quella tenera, leggera carezza al bordo dell’amore. Doveva essere invece duro, violento, bestiale. Questa era la sua concezione della passione. La frequenza sempre più ravvicinata degli scoppi di collera di Jill aveva finito per suscitare in Roman un’apprensione permanente vicina all’angoscia, come se abitasse ai piedi di un vulcano pronto ad entrare in eruzione in qualsiasi momento, per sommergerlo di lava. Lui camminava costantemente sulle uova, mordendosi mille volte la lingua prima di raccontare un ricordo lontano che lo aveva commosso con la paura di vederla trasformarsi in una furia, solo perché lei all’epoca non c’era. Jill non voleva sentir parlare del passato visto che era un tempo a cui lei non apparteneva. I soli ricordi che la facevano sorridere erano quelli comuni, cosa che limitava abbastanza la possibilità di scelta. Dopo qualche anno, lui gettò la spugna sfinito da quel combattimento che accettò di perdere volentieri, incassando, stoico, una nuova serie di insulti. L’incantesimo della chioma si era rotto.
Dopo aver camminato dieci minuti, lacerato dal freddo, cambiò idea considerando che l’immersione in un banale ricordo non valeva un tale sacrificio. Fece ancora qualche metro in quel muro di vento prima di ritornare indietro. Arrivato davanti casa, aprì prima la porta dell’atrio, dove dormiva Tim in un sacco a pelo sporco. Un tossico conosciuto, ma pacifico. Lo superò al rallenti per non muovere il silenzio ed evitare di farsi pungere per errore, in un sussulto affranto, dalla sua siringa sicuramente infetta di Aids. Finivano tutti per morire prematuramente: d’overdose dopo una futile lotta per qualche centesimo o per una dose adulterata, di aids, di freddo, o su una panchina, sorpresi da una notte d’inverno dal parossismo di una paralizzante estasi dell’eroina. Aprì la seconda porta vicino alle scale, lentamente, sempre con un occhio prudente su Tim che restò immobile. Arrivato in casa fumò una pipa d’erba ben confezionata, prima di stendersi sul letto, in una sonnolenza inebetita, fino ad entrare davvero nel sonno.
Published March 20, 2023
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