Kommando Dürrenmatt
Written in French by Mathias Énard
Das geit es zytli, Mila.
Mila passa l’index droit sur la culasse de l’arme pour en retirer l’excès d’huile. Puis elle dessina un V de graisse sur le mur de béton du sous-sol pour s’essuyer ; elle manœuvra le levier de chargement, vérifia que les cartouches étaient bien visibles, leur cône de plomb chemisé de cuivre, leur douille de laiton. Le talkie continua à grésiller sur sa poitrine.
Il faut prendre par la Schanze, descendre, suivre le souterrain jusqu’à l’Aar puis –
On peut aussi descendre par l’Henkerbrünnli. Passer sous le tablier du pont de chemin de fer. Longer le jardin botanique.
On ne sait pas qui tient la Reitschule. Et il y a des tireurs dans la Blutturm. C’est compliqué.
Mila ajusta son masque, tira sur les attaches en plastique, elle respirait péniblement. Elle eut chaud, soudain. Saloperie de truc. Elle le retira. Dévissa l’emplacement du filtre. Un rond de mousse kaki, comme une éponge circulaire, qu’elle nettoya en la secouant.
Ils nous en fourniront bientôt d’autres, disent-ils. Il faut le mettre, en attendant. On ne sait pas sur quoi on peut tomber. Très ennuyeux pour parler à la radio.
Je suis sans doute immunisée, depuis le temps. Bon, on sait jamais.
Alors, quand ? Moi je suis prête.
Dès que la nuit sera tombée. Vous prendrez une cariole, un filet et un fusil spécial.
Tu es sûr ?
Oui. À trois vous devriez pouvoir tirer le chariot.
Ça pèse combien, tu crois ? J’espère qu’on pourra rentrer vite…
Aucune idée.
Si ça se trouve il faudra passer une journée entière quelque part planqués à attendre la nuit. Quelle mission de merde.
Tu t’es portée volontaire, Mila.
Bien sûr. Mais c’est tout de même une mission de merde, pardon.
Nous, nous aimons les animaux.
Mila accrocha son talkie sur sa poitrine, remonta à l’air libre, s’engouffra dans le bâtiment de l’Université à moitié détruit, grimpa ce qu’il restait du majestueux escalier noirci par endroits, rafistolé à d’autres, qui tenait miraculeusement encore jusqu’au premier étage ; pour atteindre le second il fallait se hisser au haut d’une échelle de métal bancale coincée entre deux lames de plancher éventré. La radio se remit à vibrer contre son sein droit.
Frisch, Frisch ici Dürenmatt.
Parlez Dürenmatt.
Tu es où ?
Je monte faire une reconnaissance à la jumelle sur le toit du bâtiment A.
OK, bien reçu Frisch.
Mila se demanda comme à chaque fois qui avait eu l’idée saugrenue de ces noms de code idiots. Elle croisa une sentinelle dans son uniforme d’hiver, gris perle immaculé, impossible de reconnaître son visage avec le masque ; elle le salua d’un coup de coude.
Le toit d’ardoise s’était effondré après avoir pris un obus de plein fouet pendant la bataille de la Länggasse. Seuls les faux balcons à colonnades subsistaient, de part et d’autre d’une statue de la Sagesse ou du Savoir sans tête, au-dessus de l’inscription Universitas Litterarum Bernensis au -nensis brûlé, presque illisible. L’absence de toit avait ouvert une sorte de porte derrière la statue de l’alma mater ; Mila se faufila le long de la rambarde jusqu’à la petite plateforme d’observation. Elle s’allongea et tira les jumelles de son sac. L’Aar déroulait son nœud coulant d’émeraude, les montagnes brillaient en diamants éblouis ; en face de Mila, la coupole du Palais fédéral l’observait de son œil borgne et noirci, ouvert par un obus de 75 – la couverture autrefois verte et lisse était à présent ondulée et bleutée, déchirée par l’incendie comme par les griffes d’un dragon dont le corps aurait écrasé le côté nord de la Place, en ruine, aplatie, nivelée par les bombardements depuis les hauteurs du Gurten qui avaient dévasté la vieille ville. Les décombres transformaient la géographie du centre : les monticules dessinaient de nouvelles rues, des impasses et des recoins, encore tous aux mains des Loyalistes, combien pouvait-il en rester, à peine quelques centaines, grelottant de fièvre sous les coups du virus, réduits à l’état de cancrelats malades mais dangereux, toujours près à vous mitrailler dès que vous tentiez de les contourner par la rivière ou d’envahir leur citadelle brisée mais encore imprenable. Seuls les contrebandiers se risquaient à flotter la nuit quelques chargements dans l’Aar depuis Thun vers Soleure, où les routes se perdaient dans les campagnes désertes. La loi du plus fort s’appliquait entre les différentes factions depuis le début de la guerre civile, mais le vrai maître c’était le virus, le roi dont l’arbitraire avait déclenché l’invasion franco-allemande pour briser l’arrogance suisse et tout ce qui s’en était suivi comme catastrophes sanitaires, militaires et économiques. Le virus était toujours là, actif, invisible comme un serpent dont la morsure, par une sorte de roulette russe du hasard génétique, pouvait vous jeter à terre pour des semaines de fièvre brûlante ou passer sur vous comme l’haleine d’un monstre, sans autres dégâts que le dégoût. Mila chercha à deviner des mouvements à l’extrême est de la vieille ville, de l’autre côté du fossé qu’ils devaient rejoindre coûte que coûte cette nuit, avant d’essayer de rentrer sans tomber aux mains des sauvages loyalistes ni prendre une balle perdue d’un tireur embusqué – depuis que les Casques Bleus italiens tenaient les hauteurs du sud et du nord, la possibilité de se prendre un mortier sur la gueule était fort heureusement réduite à presque rien. Mais le vrai problème, ce serait le chargement.
Mila soupira, elle avait faim tout à coup. Il restait encore quatre heures de jour ; elle pourrait aller manger un morceau, dormir un peu et se préparer avant le rendez-vous avec le vétérinaire. Pourquoi avait-elle accepté cette mission ? Sans doute parce qu’elle avait grandi à Berne et qu’elle se souvenait, pendant toutes les années de son enfance, de cette fosse aux ours et des ours qui s’y trouvaient. Il n’en restait plus qu’un, et encore, mal en point – une vieille oursonne au poil pelé, brûlé par endroits, qui avait survécu en mangeant Dieu sait quoi depuis que son parc était devenu un no man’s land, une terre abandonnée entre trois ou quatre factions différentes. Les rumeurs les plus affreuses concernaient bien sûr les loyalistes dont on avait raconté, sans que Mila ne réussisse à y croire, qu’ils balançaient les ennemis capturés dans la fosse, pour que les ours affamés les déchiquètent à défaut de les manger vraiment.
Des histoires atroces, vraies ou fausses, on en entendait tous les jours depuis bientôt 10 ans que durait la guerre. 10 ans de virus. Mila avait pris les armes 5 ans plus tôt. Elle avait 25 ans et, à son grand dam, sa peau commençait à sentir ce mélange de graisse de fusil, de fromage fondu et de peur qui est l’odeur des soldats en hiver, hommes et femmes sans distinction.
Mila rangea les jumelles, regarda l’heure au soleil, tache lumineuse dans le ciel uniformément gris qui allait passer derrière les montagnes en direction du lac de Neuchâtel, l’envia un peu. Elle, Mila, allait devoir terminer de s’équiper pour aller à la chasse à l’ours.
Frisch ici Dürrenmatt.
Parlez Dürrenmatt – Mila était redescendue entretemps à la base, un ancien supermarché quelques niveaux au-dessus des voies de chemin de fer désaffectées.
Tudieu Mila, tu es prête pour cette nuit ? Quelle mission ! On t’envie !
Alex tu n’es qu’un salaud, terminé.
Frisch rapporte nous une oreille, terminé.
Va te faire foutre, Alex. Terminé, Dürrenmatt.
Elle fut sur le point d’éteindre la radio, mais bien sûr ce n’était pas possible. Elle mangea un sandwich au fromage et à la viande des grisons en compagnie de recrues et se demanda quel goût pouvait bien avoir la viande d’ours. Bon, la mission était de le ramener vivant. De la ramener vivante, pardon. Quelle idée. Traverser la ville, risquer la mort pour anesthésier une oursonne décharnée nourrie aux prisonniers de guerre juste avant son hibernation et la tirer jusqu’ici dans une carriole. En espérant qu’elle ait vraiment beaucoup maigri. Une question de symbole, ont dit les chefs. C’est l’âme de la ville que nous prenons là, les gars. Soyez-en bien conscients. Une petite équipe. Le Kommando Bärli, avait rigolé Alex. On vous a trouvé un vétérinaire, a dit le chef. Alors, c’est du sérieux, s’est marré Alex. On croyait que les ours s’étaient carapatés dans la rivière, que les bombardements avaient ouvert des brèches dans les parois du Bärenpark le long de l’Aar. Ça nage, les ours. On pourrait les descendre jusqu’ici en canot pneumatique, ce serait plus simple. On les débarque au pont de Lorraine et voilà. Il ne reste que Ursina, les deux autres ont été descendus par des snipers loyalistes depuis le clocher de la cathédrale. Salauds de loyalistes, il ne respectent rien ! Si, finalement ils ont laissé Ursina tranquille. L’Aar c’est compliqué, il faudrait un bateau en dur – on est sûr de se faire canarder. Ils surveillent, à cause de la contrebande. Tout ce qui ne paye pas est coulé. Aucune chance de passer par l’Aar, impossible de franchir l’Untertorbrücke sans un déluge de balles, même la nuit. Il faut ramener l’ours par la terre. Mais ça veut dire en plein territoire ennemi. On pourrait peut-être négocier une trêve avec les Pirates.
Les Pirates étaient les irréguliers allemands qui tenaient le quartier du casino et l’Altenberg depuis que les Leftistes les avaient chassés de grande partie de la rive droite de l’Aar, car ils étaient poussés eux-mêmes (les Leftistes) sur leurs arrières par la Sédition jurassienne qu’appuyaient les Français et qui contrôlait à présent tout le territoire entre Bienne et Fribourg.
Aucune trêve n’était possible avec les Pirates dont le chef, un tout jeune skateur nommé Jorn, aussi vénal qu’intransigeant, avait, dit-on, été contaminé déjà trois fois par le virus et s’en était sorti miraculeusement, avec pour seule séquelle une voix rauque de rogomme : il se faisait maintenant appeler « Drätti » par ses hommes. On avait déjà eu un mal fou à organiser l’évacuation des blessés à travers leurs lignes, après la deuxième bataille du Stade de Suisse – pas question de leur demander quoi que ce soit pour cette histoire d’ours.
Mila se rappelait la bataille du Stade de Suisse, longue et sèche, contre les Français et leurs milices – beaucoup de compagnons d’armes étaient tombés, mais la ville avait tenu. Grâce à nous, l’esprit de Berne existait toujours, pensait Mila ; petit à petit les Leftistes se rendaient maître des quartiers qui leur échappaient encore et aujourd’hui, avec la prise de l’oursonne, le cœur poilu de la cité battrait dans leurs rangs. Un jour ils récupéreraient le centre-ville aux Loyalistes assiégés et l’utopie bernoise repartirait alors de plus belle, égalité, frugalité, climat, un endroit où il ferait bon vivre si le virus nous laissait enfin tranquille. Comme au bon vieux temps du Gaskessel et de la Dampfzentrale, si loin… Cette ville a toujours balancé entre centralité bourgeoise et ferveur utopiste, pensait Mila en vérifiant la quantité de munitions qu’elle portait dans son paquetage. Finalement, le service militaire s’était révélé plein d’enseignements utiles. Elle s’assura d’avoir tout son équipement ; le lourd fusil d’assaut SG90 était son meilleur ami – précis, puissant, idéal pour le combat de rue malgré son poids. Avec le bipied il se convertissait facilement en un excellent fusil de sniper, efficace jusqu’à 600 mètres ; en rafale il arrêterait un éléphant en pleine charge. Ou un ours.
Frisch, ici Dürrenmatt, parlez Frisch.
Ici Frisch, à vous Dürrenmatt.
Frisch votre équipe est prête et vous attend au point de rendez-vous.
Bien reçu Dürrenmatt, j’arrive immédiatement, merci vielmals.
***
Faire le tour par les hauteurs, à la lisière du secteur des Pirates, puis longer le Rosengarten et Schönberg pour descendre enfin par les longs escaliers étrangement intacts, semblait-il, qui menaient jusqu’à l’Aar et au fossé aux ours. Alex avait eu une bonne idée, finalement – lancer une offensive de diversion à la tombée de la nuit en direction du Palais Fédéral avait massé les troupes des loyalistes de ce côté de la ville, dégarnissant leurs rangs de l’autre côté.
Marcher en silence dans la cité éteinte, obscurcie de nuages, sans lune, en proie à un éternel couvre-feu que seules les lunettes de vision nocturne dont ils étaient équipés permettait de percer, marcher lentement, en tirant un chariot aux essieux parfaitement graissés, les pneus duquel, très précisément gonflés, avançaient sans bruit aucun – le vétérinaire le poussait par les deux bras de métal, tel une grosse brouette qui contenait, outre le matériel de premiers soins, un fusil à seringues. Mila allait devant, à une cinquantaine de mètres de la suite de l’expédition. Une jeune recrue (blondinet, tatouage « peace & love » sur le front) fermait la marche. Dès qu’ils approchaient d’un carrefour ou d’un endroit à découvert Mila s’agenouillait, prenait le temps de vérifier l’absence d’embuscade ; il semblait que tout ce que Berne comptait comme guetteurs et postes de surveillance était occupé ailleurs.
Nom de code : Opération Robert Walser. Mila se demanda s’il y avait des ours dans les livres de Walser. Elle se rappelait seulement des boutiques un peu sombres à Bienne, une profonde mélancolie, des récits minuscules tracés à la mine de plomb. Bienne était aux mains de la Sédition Jurassienne. Les Français avaient osé ce que même Napoléon n’avait pas eu le courage d’entreprendre. Traitres du Jura ! Porrentruy s’était rendue sans combattre. Traitres Genevois ! Genève s’était donnée après une dernière votation frissonnante de fièvre, à main levée devant la Cathédrale Saint-Pierre, des genevois masqués et toussotant, leurs grands hôtels des bords du Lac débordant de malades et de vieillards subclaquants. Heureusement l’Alliance Franco-Allemande s’était heurtée au mur bernois. La jeunesse et la politique ! La gauche ! Les forces vives de la Suisse. Un jour, rêvassait Mila en marchant, ils viendront du monde entier, les femmes et les hommes de bonne volonté, pour nourrir l’Utopie de leurs idées nouvelles et de leur force de travail. La Confédération des voyageurs, des rêveurs et des inventeurs !
Un bruit soudain, droit devant elle, la précipita par terre dans le caniveau, au bord d’un trottoir envahi par les herbes. Derrière, ses compagnons s’arrêtèrent eux aussi immédiatement. Mila entendit qu’ils s’affalaient, comme elle, sur l’asphalte. Elle prit ses jumelles. La vision nocturne dessina un mur gris à une centaine de mètres. De gros bâtiments, villas, immeubles de standing, pousses de jeunes arbres, ronces… Elle déplia en silence le bipied du fusil, remplaça les jumelles par la lunette. Un mouvement dans les ronces. Gris foncé sous gris clair. Des déplacements entre la rue et les petits jardins envahis de végétation sauvage qui formaient un paravent végétal gris derrière lequel se mouvaient des ombres chinoises tout aussi grises. Une patrouille qui venait dans leur direction? Le cœur de Mila se mit à battre plus fort, plus vite. Son sein gauche était écrasé contre le macadam, elle se redressa un peu, lentement, pour glisser son coude sous sa poitrine, en position de tir, la main gauche sous le canon, l’index autour du pontet, la crosse contre l’épaule.
Elle savait que si elle tirait, s’en était terminé de la mission, et qui sait de leur liberté, voire de leur vie. Une escarmouche à la frontière des territoires allait rameuter le monde entier. Les escaliers pour descendre vers le Bärenpark devaient se trouver à cent mètres au plus sur la droite. Ils étaient sans doute envahis de végétation. Le drone qu’Alex avait envoyé en reconnaissance n’avait même pas vraiment réussi à les repérer, malgré l’hiver et l’absence de feuillage dense. C’est dire.
Mila vit nettement dans la lunette une forme humaine qui progressait courbée par la pente entre les buissons, suivie d’au moins trois autres ombres identiques. Elle vérifia que le silencieux était bien vissé au bout du canon – mais même avec le silencieux… En combattante aguerrie elle se fixa une limite, une barrière mentale à partir de laquelle elle ouvrirait le feu, pour ne pas se perdre en hésitations. S’ils dépassent ce lampadaire éteint et se dirigent vers moi je tire sur le premier et le dernier. L’idée de Mila était de tirer pour blesser aux moins deux soldats coup sur coup, très vite, afin que la confusion et les cris couvrent leur fuite en bon ordre vers la droite, qu’ils puissent balancer cette saloperie de chariot dans les escaliers et eux derrière, ou même dedans, au point où on en était. Il fallait qu’elle prévienne urgemment ses camarades de se mettre à courir dès qu’ils entendraient les plops du silencieux et les hurlements des blessés.
Elle écrivit très rapidement un message de texte sur le talkie :
Hear silenced shots run right.
Les formes devant faisaient un bruit étrange, des hérissons géants fouissant un tas de feuilles mortes. Mila était collée à la lunette à s’en déciller l’œil. Putain, des sangliers. Une patrouille de cochons. Le plus gros avait quitté les fourrés et avançait sur la rue en reniflant le goudron, sans se rendre compte qu’il venait à échapper à une balle de 5.56 dans l’échine. Mila se releva, replia le bipied. Elle ramassa une pierre et la balança rageusement sur le gros animal, elle avait eu peur. Le quartanier offensé grogna, montra les défenses et remonta vers sa famille.
Tous les immeubles de cette belle avenue étaient déserts. Cliniques, cabinets d’avoués, résidences de haut-fonctionnaires ou de diplomates, toutes ruinées, taggées, squattées par les porcins, incendiées, bombardées, le charme des lignes de démarcation. Partout des traces d’incendie. Les arbres étêtés par les obus et les mitrailleuses, pathétiques et sans feuilles.
Mila retira son masque un instant.
De grosses gouttes de sueur salée lui coulaient jusqu’aux lèvres. Le vétérinaire s’approcha d’elle, elle ajusta son masque de nouveau.
Putain quelle trouille, j’ai bien cru qu’on était repérés, chuchota le vétérinaire dans sa langue étrange, mélange d’allemand, de bernois et de français. C’était un ancien vétérinaire du zoo de La Chaux de Fonds, qui avait rallié les Leftistes bernois à pied par les montagnes quand les Français avaient envahi le Canton de Neuchâtel.
Moi aussi, fit Mila. Moi aussi. Allez on file.
Elle pria pour que personne n’ait eu l’idée de planquer des mines dans les escaliers.
Elle envoya un message à la base,
devant escaliers, jusqu’ici ça va,
qu’elle signa du nom de code de l’expédition,
Robert Walser,
ce à quoi Alex répondit immédiatement,
Merci Bärli Walser, vous y êtes presque,
ce qui la mit en rage.
La nuit et l’abandon dissimulait le panorama sur la ville – Mila ne se souvenait plus si depuis cet endroit, autrefois, on avait vue sur la ville ; elle se rappelait d’un café, un peu plus loin, après la Fosse aux Ours, avec une terrasse. Elle n’était pas repassée par ici depuis le début de l’épidémie. Quand elle se promenait avec un livre, un téléphone portable, un sac à main et pas un fusil d’assaut, un talkie militaire, une charrette à ours et un vétérinaire.
Le jeune bleu se grattait furieusement les couilles, les cuisses et le ventre.
Je crois que j’ai chopé des morpions, c’est dingue, au XXIème siècle.
Mila soupira, lui fit comprendre qu’elle n’en avait rien à foutre, ni de ses poils pubiens, ni des bestioles qu’ils hébergeaient. Le seul animal qui compte c’est l’ours et la mission. Et chut. Remets ton masque. On descend. Tu nous couvres un peu en arrière. Fusil chargé mais sécurité mise, ok ? Pas envie de prendre une bastos dans les fesses si tu trébuches dans les ronces.
Le vétérinaire observait ce dialogue avec un air las.
Mila regarda sa montre, il était deux heures du matin.
La nuit était absolument déserte.
Dürrenmatt, Dürrenmatt : on descend.
OK Walser. Ici on croise les griffes.
Les escaliers étaient encombrés par la végétation, ronces épaisses qui s’accrochaient au treillis, rejets de sureau en passe de devenir des arbres, jeunes érables, églantiers aux épines comme des couteaux – personne n’avait eu l’idée de miner le chemin, Dieu soit loué. Descendre la charrette était un vrai calvaire. Mila regrettait de ne pas avoir emporté une machette au lieu de son couteau suisse. Plus elle descendait dans cette jungle en essayant tant bien que mal d’aider le vétérinaire à pousser son chariot, plus elle se rendait compte que remonter par là avec un ours dans la brouette serait proprement impossible. Il allait falloir remonter à découvert par la route. Ou alors traverser le pont et toute la vieille ville ; défiler devant le Zytglogge en poussant une oursonne endormie dans une cariole, un vrai conte de Noël.
Mila sentait sa mauvaise humeur augmenter avec chaque degré qui la rapprochait de la fosse aux ours.
Sa montre indiquait trois heures quand il parvinrent au bas des marches. Ils prirent la rue pavée à gauche – les villas étaient tranquilles derrière leurs hauts murs ; la nuit débordait de branches tordues, les feuilles mortes s’accumulaient en congères de boue marron ; même à travers le masque l’air embaumait d’une pourriture puissante, amère et violente comme un épais brouillard invisible qui montait de la rivière dont ils commençaient à entendre, dans la distance, le bouillonnement incertain.
Mila savait que seul un rond-point les séparaient de la fosse aux ours. Un rond-point sans lumières apparentes mais qui devait être surveillé depuis l’autre rive par les snipers des Loyalistes. Avant de quitter le couvert de la ramure, encore dans l’épaisse venelle pavée, Mila arrêta d’un geste le véto et la recrue, s’avança à demie-baissée presque jusqu’au carrefour, s’allongea et parcourut les derniers mètres en rampant. Elle inspecta à la jumelle le carrefour bloqué à son extrémité ouest, une cinquantaine de mètres avant le pont, par deux remorques de camion renversées, tagués de têtes de mort annonçant des mines. Au milieu du rond-point, des milliers de sacs poubelles amoncelés qui grouillaient de mouvements furtifs et de couinements excités, des tonnes et des tonnes d’ordures poussées au bulldozer hors de leur secteur par les Loyalistes, la décharge du centre-ville de Berne – Mila sentit dans sa bouche un goût acide de dégueulis. Putain d’odeur. Les jumelles de Mila montraient très clairement les dizaines de rats qui bondissaient de sac éventré en sac éventré, et cette colline de merde et de plastique fumant dans le froid débordait, au sud-ouest, vers le parapet du Bärenpark. Ils avaient d’abord rempli l’ancien hémicycle de la fosse aux ours et avaient continué quand il avait commencé à déborder. A croire qu’il ne s’arrêteraient que lorsque les saloperies arriveraient jusqu’à Muri. L’amplificateur de lumière aux infinies nuances de gris ne montrait pas les couleurs, les bleus vifs, les jaunes absolus, les rouges des sacs poubelles amoncelés et éventrés par le sabbat des chats et des rongeurs, comme si s’étaient mélangées là, sur des dizaines de mètres carrés, les œuvres les plus sauvages de Daniel Spoerri et de Jean Tinguély – Mila voyait juste une butte d’immondices, un tell de pourriture, un mélange de chair en décomposition, de déchets quotidiens (cartons, bouteilles de lessive), métalliques (vélos brûlés, portières de voitures arrachées) ou de meubles brisés – il lui sembla reconnaître les touches d’un piano, délicatement enveloppées de détritus. De rage, elle déplia le bipied de son fusil d’assaut et l’arma pour exploser la cervelle de quelques-uns des rats les plus gros, puis se ravisa en se calmant ; les pauvres bestioles n’y étaient pour rien et ce n’était pas la peine de rajouter de la pourriture à la pourriture. La guerre pollue. Mila en voulait à Alex qui ne pouvait pas ignorer, après sa reconnaissance aérienne par drône, l’existence de cette immense décharge qu’ils allaient devoir contourner.
Voilà avec quoi ils nourrissent l’oursonne, murmura le vétérinaire effrayé qui s’était agenouillé derrière Mila. Pas des prisonniers de guerre. De la merde.
Apparemment, chuchota Mila.
La recrue avait aperçu dans ses jumelles un rat énorme s’acharner sur ce qui semblait à première vue être des abats de poulet ou de lapin et s’était révélé être le corps éventré d’un petit chat, dont la tête et les oreilles pointues, dévoilée soudain du plastique qui les dissimulaient au gré au gré des coups de dents dans ses entrailles, ne laissaient aucun doute quant à son identité féline – le soldat eut à peine le temps d’enlever son masque : l’effet conjoint de l’odeur et de la vision si précise et si grise des jumelles répandit instantanément son bol alimentaire avec un bruit d’averse dans les feuilles mortes.
Mila fut prise d’un haut-le-cœur, mais se retint.
Allez.
Elle hésita à écrire des messages d’insultes à l’intention d’Alex sur le Talkie, mais l’idée de devoir les signer Robert Walser la découragea aussitôt.
Elle se sentait épuisée, tout d’un coup.
Comment allait-elle bien pouvoir ramener cette connerie d’oursonne.
La fatigue la prenait à l’estomac.
Le vétérinaire regardait la jeune recrue se vider contre le mur en se demandant s’il devait intervenir.
Mila soupira.
Les hoquets de cette lopette vont nous faire repérer.
Le tout jeune homme répétait très fort, entre deux jets de bile, un chat, un putain de chat.
Chut, bordel, chut, tais-toi.
Au moment où elle terminait son injonction, elle entendit un pop ! de l’autre côté du pont et trois secondes plus tard la nuit s’illuminait d’une puissante lumière verte.
La fusée provoqua la panique dans la décharge ; la plupart des rats s’enfouirent dans leurs atroces galeries entre les sacs ; ceux qui étaient sur les bords détalèrent vers le couvert de l’obscurité, longèrent le mur pour s’abriter ; deux ou trois se faufilèrent entre les jambes du bleu qui hurla de trouille, des rats, des rats, et les guetteurs loyalistes qui avaient déjà été victimes de la diversion d’Alex de l’autre côté de la vieille ville, du côté du Palais Fédéral, ne firent ni une ni deux, dans le doute ils balancèrent deux grenades offensives qui explosèrent à quelques mètres de Mila – par chance le muret à l’angle de la rue les protégeait en partie. L’explosion fut brutale. La charge de TNT assomma nombre de rongeurs et projeta en l’air des saloperies qui retombèrent en pluie sur le groupe.
Les oreilles de Mila sifflaient. Elle fit signe aux deux autres de la suivre, traversa en courant leur ruelle, puis la rue suivante ; la fusée éclairante retombait du côté des conteneurs, éclairant le barrage et le pont sur l’Aar. Mila continua à courir le plus vite possible vers l’autre côté du rond-point, pour éviter ce qu’elle savait devoir venir, et dont elle entendit distinctement le tum-tum-tum-tum de tambour électro, la rafale de projectiles qui sifflaient contre le mur et l’asphalte, projetant des éclats de pierre qui grondaient à leur tour comme des frelons, gros calibre, heureusement ils tiraient trop bas et en arrière, Mila se lança enfin à plat ventre contre le parapet du Bärenpark, hors d’haleine, elle savait qu’elle était à couvert. Dans un dernier éclat de lumière verte, elle aperçut la recrue hésiter, s’immobiliser au milieu des tirs, se décider à faire demi-tour, les mains autour de la tête avec des mouvements ridicules, comme s’il chassait les mouches, dépasser le vétérinaire et sa charrette à contresens et réussir à se protéger tout près du muret où il avait vomi, ce qui provoqua l’hésitation du véto et de sa brouette ; celui-ci entendit le dong dong dong des balles heurter le métal du chariot et l’ouvrir comme une boîte de sardines, puis des lames de feu brûlantes lui déchirèrent les cuisses ce qui le fouetta et le propulsa à la suite du bleu-bite, vers l’endroit d’où il venait et qu’il n’aurait jamais dû quitter, laissant la charriotte tressauter sous les coups des bastos et résonner comme une cymbale, bing, dong, dong, bing. Arrivé à couvert le vétérinaire s’effondra à son tour dans l’obscurité de l’allée. Quelques coups firent encore résonner la brouette renversée par la force des projectiles, et le silence épais, lourd et empesté envahit de nouveau la nuit.
Mila soupira et tapa rapidement un message sur le talkie à l’attention du vétérinaire de l’autre côté du rond-point.
Ça va ?
La réponse lui parvint presque immédiatement.
Non. Deux blessures légères cuisses. Faisons demi-tour.
Mila soupira de plus belle. Demi-tour ?
Oui, rentrons base.
Elle changea le canal du talkie et envoya un message à Alex.
Ici Walser. Interceptés par Loyalistes. Veto blessé. Mission compromise. À vous Dürrenmatt.
Elle attendit quelques instants, puis quelques minutes, aucune réponse. Elle renvoya le message deux fois. Aucun succès. Soit la radio était hors de portée, soit Alex s’était endormi.
Assise en tailleur le dos contre le parapet, Mila réfléchissait. Il valait peut-être mieux faire demi-tour, oui. Mais avant elle voulait voir cette oursonne. Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour rien. Il fallait qu’elle voie cette bestiole. Pour préparer la prochaine mission. Revenir. Si Berne, c’était les ours, alors il fallait que ce soient les Leftistes qui les aient. Même un seul, c’était suffisant. Pour l’utopie.
Si l’odeur de la décharge n’avait pas été aussi immonde (de temps en temps il lui semblait apercevoir des rats gambader autour d’elle) elle aurait retiré son masque. La ville était de nouveau noyée de silence, seule l’Aar bruissait en contrebas. Tu m’étonnes qu’on ait été repérés. On ne s’imagine pas à quel point cette ville est silencieuse. On entendrait les feuilles tomber.
Il était vital de rapatrier l’ours avant son hibernation, avait expliqué le véto. Ça ne laissait pas beaucoup de marge.
Mila prit son courage à demain. Certes la charrette à ours était hors d’usage, percée comme une vieille gamelle, à en juger par les bruits d’impacts qu’elle venait d’entendre. Tant pis. Il fallait aller voir cette oursonne. Elle savait que l’accès à la fosse était condamné, que entre les piles du pont il y avait des barbelés, des chevaux de frise, des mines antichar et des containers comme sur le tablier du pont. Elle avait repéré, sur les vieilles photos de Google Earth, les différents accès. Elle portait une charge d’explosifs et une hache pour ouvrir une brèche dans la clôture qui donnait sur le quai de l’Aar, au bord de l’eau.
Mila longea le haut du Bärenpark sur 200 mètres puis, comme ils l’avaient imaginé avec le vétérinaire et la recrue, mais seule, elle dévala l’escalier qui menait au bord de l’Aar et, à mi-pente, elle accrocha son mousqueton à un des montants de la rambarde métallique, fit passer une boucle de corde dans le descendeur et, le plus silencieusement possible, une fois escaladée la paroi de protection en verre, descendit dans la fosse aux ours.
Berne était figée par la nuit comme par une gelée noire. Aucune étoile ne perçait de son épingle le ciel épais. Le silence était poisseux, mythologique. Mila se tenait à l’entrée de la grotte (ouverture de béton à flanc de colline comme un bunker) dans laquelle l’ours dormait.
Mila retira son masque.
La caverne sentait la paille, les feuilles mortes et l’animal. Les lunettes de vision nocturne montraient clairement, au fond de l’alcôve, une grosse forme sombre étendue, dont la poitrine se soulevait doucement.
Mila se demanda pourquoi les humains mesuraient leur force à celle des animaux qu’ils capturaient, pourquoi les humains mesuraient leur force tout court. Les animaux n’étaient pas atteints par le virus. L’oursonne paraissait dormir dans sa grotte comme Dantès dans sa cellule.
Mila sortit sans que le plantigrade ne s’éveille.
Elle sentit le talkie vibrer contre sa poitrine :
Alors Walser, tu en es où ?
Dürrenmatt, l’ours dort.
Je répète.
Dürrenmatt, l’ours dort du sommeil du juste.
Elle sortit de la grotte et du parc par le même chemin, alors que l’Aar, vert-de-nuit, coulait tranquillement en contrebas des marches.
Extrait de Vom Dorf um die Welt und zurück.
Un hommage à Friedrich Dürrenmatt raconté par Lukas Bärfuss, Joanna Bator, Lizzie Doron, Juan Gabriel Vásquez, Peter Stamm et autres.
Édité par Oliver Lubrich et Reto Sorg.
Published September 5, 2022
© Mathias Énard 2021
© Diogenes Verlag 2021
Kommando Dürrenmatt
Written in French by Mathias Énard
Translated into German by Yla Margrit Von Dach
Das geit es Zytli, Mila.
Mila fuhr mit dem rechten Zeigefinger über den Verschluss der Waffe, um das überflüssige Öl zu entfernen. Dann zeichnete sie ein fettiges V auf die Betonwand des Kellers, um sich abzuwischen; sie betätigte den Ladehebel, versicherte sich, dass die Patronen gut sichtbar waren, ihre kupferverkleideten Bleikegel, ihre Messingfassung. Das Sprechfunkgerät knisterte auf ihrer Brust.
Ihr müsst über die Schanze, dann runter, durch die Unterführung bis zur Aare und –
Man kann auch beim Henkerbrünnli hinunter. Unter der Fahrbahnplatte der Eisenbahnbrücke hindurch. Am Bota- nischen Garten entlang.
Wir wissen nicht, wer gerade in der Reitschule die Stellung hält. Und es gibt Schützen im Blutturm. Es ist unübersichtlich.
Mila rückte ihre Maske zurecht, zog an den Plastikbändern, sie atmete mühsam. Mit einem Mal war ihr heiß. Scheißding. Sie nahm sie ab. Löste die Filterpartie heraus. Ein khakifarbener Schaumgummiring, wie ein kreisförmiger Schwamm, den sie ausschüttelte, um ihn zu reinigen.
Sie würden uns bald andere liefern, sagen sie. Einstweilen muss man sie aufsetzen. Man weiß nicht, wem man begegnen kann. Sehr unangenehm, so über Funk zu sprechen.
Ich bin wahrscheinlich immun, so lange, wie das schon dauert. Na ja, man weiß nie.
Also, wann? Ich bin bereit.
Sobald es dunkel ist. Ihr nehmt einen Karren, ein Netz und ein Spezialgewehr mit.
Bist du sicher?
Ja. Zu dritt solltet ihr den Wagen ziehen können.
Wie schwer ist das, was meinst du? Hoffentlich schaffen wir es rasch wieder zurück …
Keine Ahnung.
Womöglich werden wir einen ganzen Tag irgendwo in einem Versteck hocken und auf die Nacht warten müssen. So ein Scheißauftrag.
Du hast dich freiwillig gemeldet, Mila.
Ja, natürlich. Aber es ist trotzdem ein Scheißauftrag, tut mir leid!
Wir lieben die Tiere.
Mila befestigte ihr Funkgerät auf der Brust, stieg hinauf ins Freie, lief ins halb zerstörte Universitätsgebäude, erklomm das, was von der majestätischen, an manchen Stellen geschwärzten, an anderen zusammengeflickten Treppe noch übrig war, die wie durch ein Wunder noch bis ins erste Stockwerk reichte; um ins zweite zu gelangen, musste man sich eine wackelige Metallleiter hochhangeln, die zwischen zwei Platten einer aufgerissenen Geschossdecke eingeklemmt war. Das Funkgerät begann an ihrer rechten Brust zu vibrieren.
Frisch, Frisch, hier Dürrenmatt.
Sprechen Sie, Dürrenmatt.
Wo bist du?
Ich steige mit dem Feldstecher für eine Erkundung aufs Dach von Bau A.
OK, verstanden, Frisch.
Mila fragte sich, wieder einmal, wer auf die alberne Idee mit diesen idiotischen Codenamen gekommen war. Sie traf auf eine Wache in ihrer Winteruniform, makelloses Perlgrau, unmöglich, ihr Gesicht zu erkennen hinter der Maske; sie begrüßte sie mit einem Ellbogenstoß.
Das Schieferdach war eingestürzt, nachdem es während der Schlacht um die Länggasse mit voller Wucht von einer Granate getroffen worden war. Einzig die falschen Kolonnadenbalkone beidseits einer kopflosen Statue der Weisheit oder des Wissens waren noch vorhanden, über der fast unleserlichen Inschrift Universitas Litterarum Bernensis mit verbranntem -nensis. Durch das fehlende Dach war hinter der Statue der Alma Mater eine Art Pforte aufgegangen; Mila schlängelte sich am Geländer entlang bis zu der kleinen Beobachtungsplattform. Sie streckte sich aus und holte den Feldstecher aus der Tasche. Die Aare rollte ihre smaragdene Schlinge aus, die Alpen schimmerten wie blendende Diamanten; Milas Feldstecher erfasste die durch eine 75-Millimeter Granate aufgerissene Kuppel des Bundeshauses, die sie mit ihrem geschwärzten Polyphemauge ihrerseits belauerte – ehemals glatt und grün, war die Kuppel jetzt gewellt und bläulich, vom Brand zerfetzt wie von den Klauen eines Drachens, dessen Leib die Nordseite des Platzes unter sich begraben hatte, der durch die Bombardements, welche die Altstadt vom Gurten aus verwüsteten, zerstört, plattgewalzt, eingeebnet worden war. Die Trümmer veränderten die Geographie des Zentrums: die Haufen schufen neue Straßen, Sackgassen und Winkel, alle noch in der Hand der Loyalisten, wie viele von ihnen konnten noch übrig sein, kaum ein paar hundert, von Schüttelfrost geplagt unter den Attacken des Virus, zurückgeworfen auf den Zustand kranker, aber gefährlicher Kakerlaken, jederzeit bereit, einen unter Beschuss zu nehmen, kaum dass man auf dem Fluss an ihnen vorbeizukommen oder ihre kaputte, aber immer noch uneinnehmbare Zitadelle zu stürmen versuchte. Bloß die Schmuggler wagten es, bei Nacht etwas Frachtgut auf der Aare von Thun nach Solothurn zu flößen, wo sich die Straßen auf dem menschenleeren Land verloren. Seit Beginn des Bürgerkriegs galt zwischen den verschiedenen Lagern das Gesetz des Stärkeren, doch der wahre Herr und Meister war das Virus, ein König, dessen Willkür die deutsch-französische Invasion ausgelöst hatte, um den Schweizer Hochmut zu brechen und alles, was an gesundheitlichen, militärischen und wirtschaftlichen Katastrophen darauf gefolgt war. Das Virus war immer noch da, aktiv, unsichtbar wie eine Schlange, deren Biss durch eine Art russisches Roulette des genetischen Zufalls einen in wochenlangem Fieberbrand zu Boden werfen oder über einen hinwegstreichen konnte wie der Atem eines Ungeheuers, ohne weitere Schäden als die Abscheu. Mila versuchte, die Bewegungen im Osten der Altstadt auszumachen, auf der anderen Seite des Grabens, den sie diese Nacht, koste es, was es wolle, erreichen mussten, bevor sie zurückzukehren versuchten, ohne den brutalen Loyalisten in die Hände zu fallen oder die verirrte Kugel eines im Hinterhalt liegenden Schützen einzufangen – seit die italienischen Blauhelme die Anhöhen im Süden und im Norden hielten, verringerte sich die Möglichkeit, einen Mörser abzukriegen, glücklicherweise beinahe auf null. Das wahre Problem aber würde die Ladung sein.
Mila seufzte, auf einmal hatte sie Hunger. Es blieben noch vier Stunden Tageslicht; sie würde etwas essen gehen, ein wenig schlafen und sich vor dem Treffen mit dem Veterinär fertigmachen können. Warum hatte sie diesen Auftrag angenommen? Wahrscheinlich weil sie in Bern aufgewachsen war und sich in all den Jahren ihrer Kindheit an diesen Bärengraben und die Bären darin erinnerte. Es war nur noch einer übrig, und noch dazu in schlechter Verfassung – eine Bärin mit stellenweise abgelöstem, versengtem Pelz, die überlebt hatte, indem sie weiß Gott was fraß, seitdem ihr Park zum no man’s land geworden war, zu einem verlassenen Bezirk zwischen drei oder vier verschiedenen Fraktionen. Die schrecklichsten Gerüchte betrafen natürlich die Loyalisten, von denen man, was Mila kaum glauben konnte, erzählte, dass sie gefangene Feinde in den Graben warfen, damit die ausgehungerten Bären sie zerfetzten, wenn sie sie nicht tatsächlich fraßen.
Grauenvolle Geschichten, ob wahr oder unwahr, hörte man tagtäglich seit fast zehn Jahren, solange der Krieg dauerte. Zehn Jahre Virus. Mila hatte vor fünf Jahren zu den Waffen gegriffen, und sehr zu ihrem Leidwesen begann ihre Haut nach jener Mischung aus Gewehrfett, geschmol- zenem Käse und Angst zu riechen, die der Geruch der Soldaten im Winter ist, Männer und Frauen ohne Unterschied.
Mila verstaute den Feldstecher, las die Zeit an der Sonne ab, ein leuchtender Fleck am eintönig grauen Himmel, die bald untergehen würde hinter den Hügeln Richtung Neuenburgersee, und sie beneidete sie ein bisschen. Sie, Mila, würde sich fertigmachen und ausrüsten müssen, um auf Bärenjagd zu gehen.
Frisch, hier Dürrenmatt.
Sprechen Sie, Dürrenmatt. – Mila war inzwischen zur Basis hinuntergegangen, einem vormaligen Supermarkt, ein paar Stockwerke unterhalb der stillgelegten Gleisanlagen.
Mein Gott, Mila, bist du bereit für diese Nacht? Was für ein Auftrag! Wir beneiden dich!
Alex, du bist ein Sauhund, Ende.
Frisch, bring uns ein Ohr zurück, Ende.
Leck mich, Alex. Ende, Dürrenmatt.
Sie wollte den Funk schon abstellen, doch natürlich war das nicht möglich. Sie aß in Gesellschaft von Rekruten ein Käsesandwich mit Bündnerfleisch und fragte sich, wie wohl Bärenfleisch schmecken mochte. Gut, der Auftrag war, ihn lebend zurückzubringen. Sie lebend zurückzubringen, Pardon. Was für eine Idee. Die ganze Stadt durchqueren, sich in Todesgefahr begeben, um eine ausgemergelte Bärin zu betäuben, der man kurz vor ihrem Winterschlaf Kriegsgefangene zum Fraß vorgeworfen hatte, und sie in einem Karren hierherzuschleppen. In der Hoffnung, dass sie wirklich stark abgenommen hatte. Eine Frage der Symbolik, haben die Chefs gesagt. Es ist die Seele der Stadt, was wir uns da schnappen, Leute. Seid euch dessen bewusst. Eine kleine Mannschaft. Kommando Bärli, hatte Alex gewitzelt. Wir haben für euch einen Veterinär aufgetrieben, hat der Chef gesagt. Es wird also ernst! Alex lachte sich schief. Wir dachten, die Bären wären in den Fluss abgehauen, die Bombardements hätten in die Wände des Bärenparks Breschen geschlagen. Ein Bär kann schwimmen. Wir könnten sie in einem Schlauchboot hierherbringen, das wäre einfacher. Wir laden sie bei der Lorrainebrücke aus und fertig. Es bleibt nur Ursina, die beiden anderen sind von loyalistischen Snipern vom Münsterturm aus abgeschossen worden. Dreckskerle von Loyalisten, die achten nichts! Doch, Ursina haben sie schließlich in Ruhe gelassen. Die Aare ist schwierig, es bräuchte ein richtiges Schiff – man kann sicher sein, dass sie auf einen losballern. Sie stehen Wache, wegen des Schmuggels. Alles, was sich nicht lohnt, wird versenkt. Keinerlei Aussicht, über die Aare durchzukommen, unmöglich, die Untertorbrücke ohne einen Kugelhagel zu passieren, selbst nachts. Der Bär muss auf dem Landweg zurückgebracht werden. Das heißt aber mitten durch Feindesland. Man könnte vielleicht eine Waffenruhe mit den Piraten aushandeln.
Die Piraten waren deutsche Irreguläre, die das Quartier des Kasinos und den Altenberg hielten, seit die Leftisten sie vom rechten Aareufer weitgehend vertrieben hatten, denn sie (die Leftisten) wurden in ihrer Nachhut ihrerseits vom Jurassischen Aufstand bedrängt, der von den Franzosen unterstützt wurde und fast das ganze Gebiet zwischen Biel und Freiburg unter Kontrolle hatte.
Es war keinerlei Waffenruhe möglich mit den Piraten, deren Chef, ein blutjunger Skater namens Jorn, ebenso käuflich wie unnachgiebig, sich bereits dreimal, so hieß es, mit dem Virus angesteckt hatte und wie durch ein Wunder damit fertig geworden war, mit einer rauhen Bierbassstimme als einziger Nachwirkung: Er ließ sich von seinen Leuten jetzt »Drätti« rufen. Man hatte nach der zweiten Schlacht beim Wankdorfstadion schon eine Heidenmühe gehabt, den Abtransport der Verwundeten quer durch die feindlichen Linien zu organisieren – es kam nicht in Frage, sie für diese Bärengeschichte um irgendetwas zu bitten.
Mila erinnerte sich an die Schlacht beim Wankdorfstadion, lang und heftig, gegen die Franzosen und ihre Milizen – viele Waffengefährten waren gefallen, doch die Stadt hatte standgehalten. Dank uns lebt der Geist von Bern fort, dachte Mila; nach und nach machten sich die Leftisten zu den Herren der Quartiere, die ihnen noch fehlten, und heute, mit dem Fang der Bärin, würde das haarige Herz der Stadt in ihren Reihen pochen. Eines Tages würden sie den belagerten Loyalisten das Stadtzentrum entreißen, und die bernische Utopie würde zu neuer Blüte erstehen, Gleichheit, Genügsamkeit, Klima, ein Ort, wo es sich angenehm leben ließe, wenn nur das Virus endlich Ruhe gäbe. Wie in der guten alten Zeit des Gaskessels und der Dampfzentrale, der ach so fernen … Diese Stadt hat immer zwischen bürgerlicher Zentralität und utopischer Inbrunst geschwankt, dachte Mila, während sie kontrollierte, wie viel Munition sie in ihrem Gepäck hatte. Letzten Endes hatte sich der Militärdienst als eine Quelle nützlicher Unterweisungen erwiesen. Sie versicherte sich, dass ihre Ausrüstung vollständig war; das schwere Sturmgewehr Stgw 90 war ihr bester Freund – präzise, leistungsfähig, ideal für den Straßenkampf, trotz seines Gewichts. Mit der Zweibeinstütze verwandelte es sich sehr einfach in ein ausgezeichnetes Sniper-Gewehr mit bis zu sechshundert Metern Reichweite; im Dauerfeuermodus würde es einen Elefanten in vollem Angriff stoppen. Oder einen Bären.
Frisch, hier Dürrenmatt, sprechen Sie, Frisch.
Hier Frisch, an Sie, Dürrenmatt.
Frisch, Ihre Mannschaft ist bereit und erwartet Sie am Treffpunkt.
Verstanden, Dürrenmatt, ich bin gleich da, merci vielmal.
*****
Den Weg über die Anhöhen nehmen, am Rand des Sektors der Piraten, dann weiter am Rosengarten und Schönberg entlang, um schließlich über die lange, anscheinend seltsam unversehrte Treppe abzusteigen, die bis zur Aare und zum Bärengraben hinunterführt. Alex hatte am Ende eine gute Idee gehabt – die Eröffnung einer Ablenkungsoffensive beim Einnachten, Richtung Bundeshaus, hatte die Truppen der Loyalisten auf jener Seite der Stadt zusammengezogen und ihre Reihen auf der anderen Seite gelichtet.
Schweigend durch die erloschene, von Wolken verdunkelte, mondlos einer ewigen Ausgangssperre ausgelieferte Stadt marschieren, die einzig die Nachtbrillen, mit denen sie ausgerüstet waren, zu durchdringen vermochten, langsam marschieren, dabei einen Karren ziehen, der mit seinen perfekt geschmierten Achsen und den sehr präzise aufgepumpten Pneus völlig lautlos voranrollte – der Veterinär schob ihn an den beiden Metalldeichseln vor sich her wie eine große Karrette, die neben dem Erste-Hilfe-Material ein Betäubungsgewehr enthielt. Mila ging voran, rund fünfzig Meter vor den anderen Teilnehmern der Expedition. Ein junger Rekrut (ein Blondschopf, auf der Stirn ein »peace & love«-Tattoo) bildete das Schlusslicht. Sobald sie in die Nähe einer Kreuzung oder einer Stelle ohne Deckung kamen, kniete Mila nieder, nahm sich Zeit, sich zu vergewissern, dass kein Hinterhalt vorhanden war; es sah aus, als ob alles, was Bern an Spähern und Wachposten zählte, anderweitig beschäftigt wäre.
Codename: Operation Robert Walser. Mila fragte sich, ob es bei Walser Bären gäbe. Sie erinnerte sich bloß an die etwas düsteren Läden in Biel, an eine tiefe Melancholie, winzige Erzählungen, die mit Bleistift hingekritzelt waren. Biel war in den Händen des Jurassischen Aufstands. Die Franzosen hatten gewagt, was selbst Napoleon zu unternehmen nicht den Mut gehabt hatte. Juraverräter! Pruntrut hatte sich kampflos ergeben. Genfer Verräter! Genf hatte sich nach einer letzten fiebrig fröstelnden Abstimmung mit erhobenen Händen vor der Kathedrale Sankt Peter hingegeben, maskierte und hüstelnde Genfer, ihre Grandhotels am Seeufer quollen über von Kranken und Greisen, die schon mit einem Bein im Grab standen. Zum Glück war das Französisch-Deutsche Bündnis an der Berner Mauer abgeprallt. Die Jugend und die Politik! Die Linke! Die Lebenskräfte der Schweiz. Eines Tages, sinnierte Mila im Gehen, werden sie aus der ganzen Welt hierherströmen, Frauen und Männer voll guten Willens, die Utopie mit ihren neuen Ideen und ihrer Arbeitskraft zu nähren. Der Bund der Reisenden, der Träumer und Erfinder!
Ein plötzliches Geräusch, genau vor ihr, warf sie zu Boden, in den Rinnstein am Rand eines von Gras überwucherten Trottoirs. Hinten blieben auch ihre Gefährten unverzüglich stehen. Mila hörte, dass sie sich wie sie auf den Asphalt fallen ließen. Sie nahm ihren Feldstecher. In der Nachtsicht zeichnete sich etwa einhundert Meter vor ihr eine graue Mauer ab. Große Gebäude, Villen, Luxuswohnblöcke, Jungbaumtriebe, Dornenranken … Sie klappte lautlos die Zweibeinstütze auf, ersetzte den Feldstecher durch das Zielfernrohr. Eine Bewegung im Dornengestrüpp. Dunkelgrau unter Hellgrau. Verschiebungen zwischen der Straße und den kleinen, von Wildwuchs überwucherten Gärten, die einen grauen pflanzlichen Wandschirm bildeten, hinter dem ein ebenso graues Schattentheater im Gange war. Eine Patrouille, die sich auf sie zubewegte? Milas Herz begann heftiger, schneller zu schlagen. Ihre linke Brust war durch den Asphalt zusammengedrückt, sie richtete sich ein wenig auf, behutsam, um sich den Ellbogen unter die Rippen zu schieben, in Schussposition, die linke Hand unterm Lauf, den Zeigefinger am Abzug, den Gewehrkolben an der Schulter.
Sie wusste, wenn sie schoss, war es vorbei mit dem Auftrag und, wer weiß, auch mit ihrer Freiheit, ja sogar mit ihrem Leben. Ein Scharmützel an den Gebietsgrenzen würde alle Welt zusammentrommeln. Die Treppe zum Bärenpark hinunter musste etwa hundert Meter entfernt sein, rechter Hand. Sie war bestimmt von Vegetation überwachsen. Die Drohne, die Alex zur Aufklärung losgeschickt hatte, hatte sie nicht einmal wirklich ausmachen können, obwohl im Winter kein dichtes Blattwerk vorhanden war. Das sagte alles.
Mila sah im Zielfernrohr deutlich eine menschliche Gestalt, die gebückt zwischen den Büschen über den Hang vorrückte, gefolgt von mindestens drei anderen, gleichartigen Schatten. Sie prüfte nach, ob der Schalldämpfer richtig am Gewehrlauf festgeschraubt war – doch selbst mit dem Schalldämpfer … Als erfahrene Kämpferin setzte sie sich ein Limit, eine gedankliche Schranke, ab der sie das Feuer eröffnen würde, um sich nicht in unschlüssigem Hin und Her zu verlieren. Wenn sie die erloschene Straßenlaterne passieren und auf mich zusteuern, schieße ich auf den Ersten und den Letzten. Milas Idee war es, mit den Schüssen mindestens zwei Soldaten zu verwunden, Schlag auf Schlag, sehr schnell, damit das Durcheinander und die Schreie ihre geordnete Flucht nach rechts decken würden und sie diesen Scheißkarren die Treppe hinunterwerfen könnten und sich selbst hinterher oder sogar in ihn hinein, so schlimm, wie es schon um sie stand. Sie musste dringend ihre Kameraden warnen, damit sie zu laufen begannen, sobald sie die drei Plops des Schalldämpfers und das Geheul der Verwundeten vernahmen.
Sie tippte sehr rasch eine Textnachricht in ihr Funkgerät:
Hear silenced shots run right.
Die Gestalten vor ihr machten ein seltsames Geräusch, riesige Igel, die in einem Haufen von dürrem Laub herumwühlten. Mila starrte in ihr Zielfernrohr, bis es ihr wie Schuppen von den Augen fiel. Verdammt, Wildschweine! Eine Schweinepatrouille. Das größte war aus dem Dickicht herausgetreten und kam jetzt auf der Straße daher, den Teer beschnüffelnd, ohne zu merken, dass es soeben einer 5.56er-Kugel ins Rückgrat entgangen war. Mila stand auf, klappte das Zweibein zusammen. Sie hob einen Stein auf und warf ihn wütend dem dicken Tier entgegen, sie hatte Angst gehabt. Der beleidigte Keiler grunzte, zeigte sein Gewaff und trottete zu seiner Familie hinauf.
Alle Gebäude an dieser prächtigen Straße waren unbewohnt. Kliniken, Anwaltskanzleien, Wohnsitze hoher Beamter oder Residenzen von Diplomaten, alle zerstört, getaggt, besetzt von diesem Borstenvieh, niedergebrannt, bombardiert, der Charme der Demarkationslinien. Überall Brandspuren. Die von Granaten oder Maschinengewehren geköpften Bäume, mitleiderregend, blattlos.
Mila nahm einen Augenblick ihre Maske ab.
Dicke, salzige Schweißtropfen rannen ihr von der Stirn zu den Lippen hinunter. Der Veterinär kam auf sie zu, sie setzte die Maske wieder auf.
Putain, quelle Schiss, ich hab wirklich geglaubt, wir wären aufgeflogen, flüsterte der Veterinär in seiner merkwürdigen Sprache, einer Mischung aus Deutsch, Berndeutsch und Französisch. Früher Tierarzt im Zoo von La Chaux- de-Fonds, war er zu den bernischen Leftisten übergelaufen, zu Fuß über die Berge, als die Franzosen in den Kanton Neuenburg eingefallen waren.
Ich auch, sagte Mila. Ich auch. Los, weiter.
Sie hoffte, es möge niemand auf die Idee gekommen sein, auf der Treppe Minen zu verstecken.
Sie schickte eine Nachricht an die Basis,
vor der Treppe, bis jetzt geht’s,
die sie mit dem Code der Expedition unterschrieb:
Robert Walser,
worauf Alex sofort antwortete,
Merci Bärli Walser, ihr habt’s fast geschafft,
was sie wütend machte.
Die Nacht und die Verwilderung verbargen das Panorama der Stadt – Mila entsann sich nicht mehr, ob man von hier aus einst eine Aussicht auf die Stadt gehabt hatte; sie erinnerte sich an ein Café, etwas weiter weg, hinter dem Bärengraben, mit einer Terrasse. Sie war seit dem Beginn der Pandemie nicht mehr hier vorbeigekommen. Als sie mit einem Buch, einem Handy, einer Handtasche herumspazierte und nicht mit einem Sturmgewehr, einem Militärfunkgerät, einem Bärenkarren und einem Veterinär.
Der Grünschnabel kratzte sich ingrimmig an den Eiern, den Oberschenkeln und am Bauch.
Ich glaub, ich hab Filzläuse eingefangen, das ist doch crazy, im 21. Jahrhundert.
Mila seufzte, gab ihm zu verstehen, dass ihr das alles stinkegal war, seine Schamhaare so gut wie die Tierchen, die sie beherbergten. Das einzige Tier, das zählt, ist der Bär, und der Auftrag. Und Klappe! Setz deine Maske wieder auf. Wir steigen hinunter. Du gibst uns hinten Deckung. Gewehr geladen, aber gesichert, o.k.? Keine Lust, eine blaue Bohne in den Hintern zu kriegen, wenn du in den Dornen stolperst.
Der Veterinär verfolgte diesen Dialog mit verdrossener Miene.
Mila blickte auf ihre Uhr, es war zwei Uhr in der Früh.
Die Nacht war absolut menschenleer.
Dürrenmatt, Dürrenmatt: Wir steigen hinunter
O.k. Walser. Hier drücken wir euch die Krallen.
Die Treppe war von Vegetation überwachsen, dichtes Dorngestrüpp, das am Kampfanzug hängenblieb, Holunderschösslinge, die im Begriff waren, zu Bäumen heranzuwachsen, Heckenrosen mit Dornen wie Messern – niemand war auf die Idee gekommen, den Weg zu verminen, Gott sei Dank. Den Karren hinunterzubringen war ein wahres Martyrium. Mila bedauerte, dass sie nicht eine Machete mitgenommen hatte anstelle ihres Schweizer Messers. Je weiter sie in diesem Dschungel abstieg, wobei sie versuchte, dem Veterinär schlecht und recht den Karren voranschieben zu helfen, desto mehr wurde ihr bewusst, dass es schlicht unmöglich war, hier mit einem Bären in der Schubkarre wieder hinaufzukommen. Man würde ungeschützt über die Straße zurückgehen müssen. Oder dann über die Brücke und durch die ganze Altstadt; am Zytglogge vorbei paradieren und dabei in einem Karren eine eingeschlä– ferte Bärin vor sich herschieben, ein echtes Weihnachtsmärchen.
Mila spürte, wie ihre schlechte Laune mit jeder Stufe, die sie dem Bärengraben näher brachte, wuchs.
Ihre Uhr zeigte drei Uhr an, als sie unten an der Treppe ankamen. Sie schlugen die gepflasterte Straße nach links ein – die Villen waren ruhig hinter ihren hohen Mauern; die Nacht war voll krummer Äste, dürres Laub hatte sich zu braunen Verwehungen von Dreck angesammelt; sogar durch die Maske strömte die Luft als phänomenaler Fäulnisgeruch, der bitter und durchdringend wie ein unsichtbarer, dichter Nebel vom Fluss heraufstieg, dessen unregelmäßigen Wellenschlag sie allmählich in einiger Entfernung vernahmen.
Mila wusste, dass nur ein Verkehrskreisel sie noch vom Bärengraben trennte. Ein Kreisel ohne sichtbare Beleuchtung, der jedoch vom anderen Ufer aus von den Scharfschützen der Loyalisten überwacht werden musste. Bevor sie die Deckung des Astwerks verließen, immer noch im schmalen, gepflasterten Gässchen, stoppte Mila mit einem Wink den Veti und den Rekruten und rückte halb gebückt bis fast zur Kreuzung vor, legte sich flach hin und legte die letzten Meter kriechend zurück. Sie inspizierte mit dem Feldstecher die Kreuzung, die an ihrem westlichen Ende blockiert war, etwa fünfzig Meter vor der Brücke lagen zwei umgekippte Lastwagenanhänger, deren Totenkopfgraffiti vermintes Gelände ankündigten. Mitten auf dem Kreisel türmten sich Tausende Kehrichtsäcke, in denen es wimmelte von verstohlenem Huschen und erregtem Quieken, tonnenweise Abfall, der von den Loyalisten mit Bulldozern aus ihrem Sektor hinausgeschoben worden war, die Mülldeponie des Berner Stadtzentrums – Mila spürte in ihrem Mund einen sauren Geschmack nach Kotze. Verfluchter Gestank. Milas Feldstecher zeigte sehr deutlich die Ratten, die zu Dutzenden von einem aufgeschlitzten Sack zum andern hüpften, und dieser Hügel von in der Kälte dampfendem Dreck und Plastik zog sich überquellend im Südwesten zur Brüstung des Bärenparks hinüber. Sie hatten zuerst das alte Halbrund des Bärengrabens aufgefüllt und weitergemacht, als es zu überborden begann. Es sah ganz so aus, als würden sie erst aufhören, wenn der Mist den Vorort Muri erreichte. Der Lichtverstärker mit den unendlichen Graunuancen zeigte nicht die Farben, das knallige Blau, das reine Gelb, die Rottöne der angehäuften, durch den Katzen- und Nagetiersabbat aufgeschlitzten Kehrichtsäcke, als hätten sich hier auf Dutzenden von Quadratmetern die wildesten Werke von Daniel Spoerri und Jean Tinguely vermischt – Mila sah bloß einen Berg von Unrat, einen Tell der Fäulnis, ein Gemisch aus verwesendem Fleisch, Alltagsmüll (Kartons, Waschmittelflaschen), Altmetall (verbrannten Velos, abgerissenen Autotüren) oder zerschlagenen Möbelstücken – sie meinte die Tasten eines Klaviers zu erkennen, sauber in Abfälle eingehüllt. Wütend klappte sie die Zweibeinstütze ihres Sturmgewehrs auf und lud es, um einigen der größten Ratten das Hirn wegzublasen, dann beruhigte sie sich und besann sich eines anderen; die armen Viecher konnten nichts dafür, und es hatte keinen Sinn, der Fäulnis weitere Fäulnis hinzuzufügen. Krieg verschmutzt. Mila war wütend auf Alex, der nach seiner Luftaufklärung durch eine Drohne sehr wohl von der Existenz dieser riesigen Müllhalde wissen musste, die sie würden umgehen müssen.
Damit also füttern sie die Bärin, murmelte der Veterinär entsetzt, der hinter Mila niedergekniet war. Nicht mit Kriegsgefangenen. Mit Dreck.
Anscheinend, flüsterte Mila.
Der Rekrut hatte in seinem Feldstecher eine riesige Ratte blindwütig an etwas herumbeißen sehen, was wie die Innereien eines Huhns oder eines Kaninchens aussah, sich aber als der aufgeschlitzte Körper eines Kätzchens herausstellte, dessen zunächst vom Plastik verborgener, infolge der in seine Eingeweide hineingeschlagenen Bisse plötzlich zum Vorschein gekommener Kopf mit den spitzen Ohren keinerlei Zweifel mehr daran ließ, dass es sich um ein Katzentier handelte – der Soldat kam kaum dazu, seine Maske wegzureißen: Die vereinte Wirkung des Gestanks und des so scharfen, so grauen Bildes im Feldstecher ließ seinen Mageninhalt augenblicklich wie einen prasselnden Platzregen auf das dürre Laub niedergehen.
Mila wurde schlecht, doch sie hielt sich zurück.
Los.
Sie zögerte, ob sie Alex via Sprechfunk beschimpfen sollte, doch der Gedanke, den Funkspruch als Robert Walser senden zu müssen, brachte sie sogleich davon ab.
Sie fühlte sich auf einmal erschöpft.
Wie sollte sie diese verdammte Bärin überhaupt zurückbringen können?
Die Müdigkeit schlug ihr auf den Magen.
Der Tierarzt sah dem jungen Rekruten zu, wie er sich gegen die Mauer entleerte, und fragte sich, ob er eingreifen müsste.
Mila seufzte.
Die Kotzerei dieser Schwuchtel wird uns noch verraten.
Der blutjunge Mann sagte immer wieder ganz laut, zwischen zwei Gallefontänen, eine Katze, eine verdammte Katze.
Still, verflucht noch mal, halt die Klappe.
Im Augenblick, als sie ihre Anweisung beendete, vernahm sie ein Pop! von der anderen Seite der Brücke her, und drei Sekunden später war die Nacht von einem starken grünen Licht erhellt.
Die Rakete löste in der Mülldeponie eine Panik aus; die meisten Ratten vergruben sich in ihren grässlichen Gängen zwischen den Säcken; diejenigen, die an den Rändern waren, hetzten in die Deckung der Dunkelheit, wetzten an der Mauer entlang, um Schutz zu suchen; zwei oder drei schossen dem Grünschnabel zwischen den Beinen hindurch, der vor Angst losbrüllte, Ratten, Ratten, und die loyalistischen Späher, die auf Alex’ Ablenkungsmanöver auf der anderen Seite der Altstadt, beim Bundeshaus, hereingefallen waren, fackelten nicht lange, im Zweifel warfen sie zwei Nahkampfgranaten hinüber, die wenige Meter von Mila entfernt explodierten – zum Glück bot ihnen das Mäuerchen an der Ecke zur Straße hin einen gewissen Schutz. Die Explosion war brutal. Die TNT-Füllung zerfetzte zahlreiche Nager und schleuderte jede Menge Unrat in die Luft, der auf die Gruppe niederging.
In Milas Ohren zischte es. Sie gab den beiden anderen ein Zeichen, ihr zu folgen, überquerte im Laufschritt die Gasse, dann die nächste Straße; die Leuchtrakete fiel auf der Seite der Container zu Boden, erhellte die Sperre und die Brücke über die Aare. Mila rannte weiter, so schnell sie konnte, auf die andere Seite des Verkehrskreisels, um das zu vermeiden, wovon sie wusste, dass es kommen musste, und wovon sie deutlich das Tum-Tum-Tum-Tum der Elektrotrommel vernahm, die Salve von Geschossen, die gegen die Mauer und auf den Asphalt pfiffen und dabei Steinsplitter hochschleuderten, die ihrerseits wie Hornissen brummten, grobes Kaliber, zum Glück schossen sie zu tief und weiter nach hinten, Mila warf sich endlich bäuchlings gegen die Brüstung des Bärenparks, außer Atem, sie wusste, dass sie in Deckung war. In einem letzten Aufleuchten von grünem Licht sah sie, wie der Rekrut zögerte, mitten im Kugelhagel stehen blieb, sich entschloss kehrtzumachen, die Hände in läppischen Bewegungen um den Kopf werfend, als würde er Fliegen verscheuchen, am Tierarzt und seinem Wagen in Gegenrichtung vorbeilief und es schaffte, sich ganz nah an dem Mäuerchen, bei dem er sich übergeben hatte, in Sicherheit zu bringen, was den Veti und seine Karrette ins Stocken brachte; der hörte das Dong-Dong-Dong der Kugeln, die auf das Blech des Karrens prallten und ihn wie eine Sardinenbüchse aufschlitzten, dann rissen ihm glühende Feuerklingen die Schenkel auseinander, was ihm Beine machte, so dass er hinter dem Grünschnabel herstürzte, an die Stelle, woher er kam und die er nie hätte verlassen sollen, während er die Karre unter den Einschlägen der Gewehrkugeln auf und ab zucken und wie ein Becken erklingen ließ, bing, dong, dong, bing. In der Deckung angekommen, sackte der Veterinär seinerseits im Dunkel der Allee zusammen. Ein paar Einschläge brachten die Schubkarre, die unter dem Geschosshagel umgestürzt war, noch einmal zum Klingen, und die tiefe, beklemmende und stinkende Stille erfüllte wieder die Nacht.
Mila seufzte und tippte rasch eine Nachricht an den Veterinär auf der anderen Seite des Kreisels ins Funkgerät.
Alles o. k.?
Die Antwort kam fast augenblicklich.
Nein. Zwei leichte Verletzungen, Oberschenkel. Machen kehrt.
Mila seufzte heftiger. Kehrt?
Ja, zurück zur Basis.
Sie wechselte den Kanal des Sprechfunks und schickte eine Nachricht an Alex.
Hier Walser. Von den Loyalisten abgefangen. Veti verwundet. Auftrag steht auf dem Spiel. Zurück zu Ihnen, Dürrenmatt.
Sie wartete ein paar Augenblicke, dann einige Minuten, keine Antwort. Sie schickte die Nachricht noch zweimal. Ohne Erfolg. Entweder war der Funk außer Reichweite, oder Alex war eingeschlafen.
Mila dachte nach, im Schneidersitz, den Rücken gegen die Brüstung gelehnt. Es war vielleicht besser umzukehren, ja. Doch vorher wollte sie die Bärin sehen. Sie hatte diesen ganzen Weg nicht umsonst zurückgelegt. Sie musste dieses Biest unbedingt sehen. Zur Vorbereitung für den nächsten Auftrag. Wiederkommen. Wenn Bern mit den Bären gleichzusetzen war, dann mussten die Leftisten sie haben. Selbst wenn es nur einer war, das reichte. Für die Utopie.
Wäre der Geruch der Mülldeponie nicht so ekelhaft gewesen (ab und zu schien ihr, es hüpften Ratten um sie herum), hätte sie ihre Maske abgenommen. Die Stadt war wieder in Stille versunken, nur weiter unten rauschte die Aare. Kein Wunder, dass wir entdeckt worden sind. Es ist kaum zu glauben, wie still diese Stadt sein kann. Man würde ein Blatt fallen hören.
Es sei lebenswichtig, den Bären vor seinem Winterschlaf zurückzubringen, hatte der Veti gesagt. Das ließ nicht viel Spielraum.
Mila fasste sich ein Herz. Sicher, der Bärenkarren war nicht mehr zu gebrauchen, durchlöchert wie ein alter Blechnapf, dem Geknall der Einschüsse nach zu schließen, das sie gerade mitgekriegt hatte. Sei’s drum. Sie musste sich diese Bärin ansehen. Sie wusste, dass der Zugang zum Gehege versperrt war, dass es zwischen den Brückenpfeilern Stacheldrahtverhaue gab, Spanische Reiter, Panzerabwehrminen und Container, wie auf der Fahrbahnplatte der Brücke. Sie hatte auf alten Fotos von Google Earth die verschiedenen Zugänge ausfindig gemacht. Sie trug eine Ladung Sprengstoff und ein Beil, um in die Abzäunung zum Uferweg hin, gleich an der Aare, eine Bresche schlagen zu können.
Mila ging zweihundert Meter an der oberen Seite des Bärenparks entlang, dann lief sie, wie sie es mit dem Veterinär und dem Rekruten vorgehabt hatte, nun aber allein, die Treppe hinunter, die ans Aareufer hinabführte, und auf halber Höhe hakte sie ihren Karabiner an einem der Pfosten des Metallgeländers ein, legte eine Seilschlaufe in den Abseilachter und stieg, nachdem sie die Glasschutzwand erklettert hatte, so lautlos wie möglich ins Bärengehege hinunter.
Bern war in der Nacht erstarrt wie unter einem schwarzen Frost. Kein Stern durchstach den stockdunklen Himmel. Die Stille war zäh, mythisch. Mila stand vor dem Eingang der Höhle (eine Betonöffnung am Hang, wie ein Bunker), in welcher der Bär schlief.
Mila nahm ihre Maske ab.
Die Grotte roch nach Stroh, nach dürrem Laub, nach Tier. Die Nachtsichtbrille zeigte hinten in der Nische ganz deutlich eine schwere, dunkle Gestalt, die dalag und deren Brust sich sachte hob.
Mila fragte sich, warum die Menschen ihre Kraft mit jener der Tiere maßen, die sie fingen, warum die Menschen überhaupt ihre Kraft maßen. Die Tiere waren nicht vom Virus befallen. Die Bärin schien in ihrer Höhle zu schlafen wie Dantès in seinem Kerker.
Mila zog sich zurück, ohne dass der Sohlengänger aufwachte.
Sie spürte das Funkgerät an ihrer Brust vibrieren:
Und, Walser, wie steht’s bei dir?
Dürrenmatt, der Bär schläft.
Ich wiederhole.
Dürrenmatt, der Bär schläft den Schlaf des Gerechten.
Sie verließ die Höhle und den Park auf dem gleichen Weg, während unterhalb der Treppe nachtgrün und ruhig die Aare vorbeifloss.
Vom Dorf um die Welt und zurück
Eine Hommage an Friedrich Dürrenmatt in Geschichten von Lukas Bärfuss, Joanna Bator, Lizzie Doron, Juan Gabriel Vásquez, Peter Stamm u. v. a.
Herausgegeben von Oliver Lubrich und Reto Sorg
Published September 5, 2022
© Yla Margrit Von Dach 2021
© Diogenes Verlag AG Zürich 2021
Das geit es zytli, Mila.
Mila passò l’indice destro sulla canna dell’arma per togliere l’olio in eccesso. Poi disegnò una V di grasso sulla parete di cemento dello scantinato per pulirsi; mosse la molla del caricatore, verificò che le cartucce fossero ben visibili, il loro cono di piombo ricoperto di rame, il loro cilindro di ottone. Il walkie-talkie continuò a gracchiarle sul petto.
Bisogna prendere la Schanze, scendere, seguire il sotterraneo fino all’Aar e poi –
Si può scendere anche per l’Henkerbrünnli. Passare sotto la carreggiata del ponte della ferrovia. Costeggiare il giardino botanico.
Non sappiamo chi è che controlla la Reitschule. E nella Blutturm ci sono dei cecchini. È complicato.
Mila si aggiustò la maschera, tirò i lacci di plastica, respirava a fatica. Sentì caldo, all’improvviso. Quel maledetto aggeggio. Se la tolse. Svitò lo scompartimento del filtro. Un dischetto di gommapiuma beige, una specie di spugna tonda, che pulì scuotendo.
Ce ne forniranno presto altre, dicono. Nell’attesa, bisogna tenere questa. Non si sa in cosa si può incappare. Molto fastidiosa per parlare alla ricetrasmittente.
Sono senz’altro immunizzata, e da un bel po’. Be’, non si sa mai.
Allora, quando? Io sono pronta.
Appena calata la notte. Prenderete una carretta, una rete e un fucile speciale.
Ne sei sicuro?
Sì. In tre dovreste riuscire a tirare il carro.
Secondo te quanto pesa? Spero che potremo tornare presto…
Non ne ho idea.
Può anche essere che si debba passare una giornata intera rintanati da qualche parte ad aspettare la notte. Che missione di merda.
Ti sei offerta volontaria, Mila.
Certo. Ma rimane una missione di merda, scusa.
Noi, noi amiamo gli animali.
Mila si appese il walkie-talkie al petto, tornò all’aperto, si precipitò nel palazzo dell’Università per metà distrutto, risalì quel che restava della maestosa scalinata, annerita qua e là, rabberciata altrove, e che ancora resisteva miracolosamente fino al primo piano; per raggiungere il secondo bisognava issarsi fino in cima a una scala di metallo traballante incastrata fra due assi del pavimento sventrato. La ricetrasmittente si rimise a vibrare contro il suo seno destro.
Frisch, Frisch, qui Dürrenmatt.
Parli, Dürrenmatt.
Dove sei?
Salgo a perlustrare un po’ con il binocolo sul tetto dell’edificio A.
OK, ricevuto Frisch.
Come sempre, Mila si chiese chi mai avesse avuto l’idea strampalata di quei nomi in codice idioti. Incrociò una sentinella nella sua uniforme invernale, grigio perla immacolato, impossibile riconoscerne il volto con la maschera; lo salutò con una gomitata.
Il tetto di ardesia si era sfondato dopo essersi preso in pieno una granata durante la battaglia della Länggasse. Rimanevano in piedi solo i due falsi balconi con i colonnati, da una parte e dall’altra di una statua decapitata della Saggezza o del Sapere, sopra l’iscrizione Universitas Litterarum Bernensis, con il -nensis bruciato, quasi illeggibile. Lo scoperchiamento del tetto aveva aperto una sorta di porta dietro la statua dell’alma mater; Mila sgattaiolò lungo il parapetto fino alla piccola piattaforma d’osservazione. Si stese e prese il binocolo dallo zaino. L’Aar scorreva colando di smeraldo, le montagne brillavano come diamanti accecanti; di fronte a Mila, la cupola del Palazzo federale la osservava con il suo occhio guercio e annerito, aperta da una granata da 75 – la copertura prima verde e liscia era ormai ondulata e azzurrognola, squarciata dall’incendio come dagli artigli di un dragone il cui corpo avesse distrutto il lato nord della Piazza, in rovina, schiacciata, rasa al suolo dai bombardamenti dalle alture del Gurten che avevano distrutto la città vecchia. Le macerie trasformavano la geografia del centro: i tumuli disegnavano nuove stradine, vicoli ciechi e angolini, ancora tutti in mano ai Lealisti, quanti potevano restarne, qualche centinaio appena, tremanti di febbre sotto i colpi del virus, ridotti allo stato di blatte malate ma pericolose, sempre pronti a prendervi a mitragliate se solo aveste tentato di aggirarli passando dalla parte del fiume o di invadere la loro cittadella distrutta ma ancora inespugnabile. Solo i contrabbandieri si arrischiavano a far fluttuare qualche carico nell’Aar da Thun verso Soleure, dove le strade si perdevano per le campagne deserte. Fin dall’inizio della guerra civile, fra le diverse fazioni si vigeva la legge del più forte, ma il vero capo era il virus, il re la cui arbitrarietà aveva scatenato l’invasione franco-tedesca per distruggere l’arroganza svizzera e tutto ciò che ne era seguito come catastrofi sanitarie, militari ed economiche. Il virus era sempre lì, attivo, invisibile come un serpente il cui morso, per una sorta di roulette russa della casualità genetica, poteva abbatterti per settimane in preda alla febbre alta o passare su di te come l’alito di un mostro, senza altro danno se non il disgusto. Mila cercò d’indovinare i movimenti all’estremità est della città vecchia, dall’altra parte del fossato che dovevano raggiungere quella notte, a qualunque costo, prima di tentare di tornare indietro senza cadere fra le mani dei selvaggi lealisti né di beccarsi un proiettile vagante di qualche cecchino – da quando i Caschi Blu italiani controllavano le alture a sud e a nord, la possibilità di prendersi un colpo di mortaio in faccia era, grazie al cielo, scomparsa quasi del tutto. Ma il vero problema sarebbe stato il carico.
Mila sospirò, all’improvviso ebbe fame. Rimanevano ancora quattro ore di luce; sarebbe potuta andare a mangiare qualcosa, a dormire un po’ e a prepararsi, prima dell’appuntamento con il veterinario. Perché aveva accettato quella missione? Di certo perché era cresciuta a Berna e perché ricordava, in tutti gli anni della sua infanzia, quella fossa degli orsi e gli orsi che vi si trovavano. Ne rimaneva solamente uno, peraltro non messo in cattive condizioni – una vecchia orsa spelacchiata, bruciacchiata qua e là, sopravvissuta mangiando chissà cosa da quando il suo parco era diventato una no man’s land, una terra abbandonata in mezzo a tre o quattro diverse fazioni. Le voci più terribili riguardavano ovviamente i Lealisti, di cui si diceva, benché Mila non riuscisse a crederci, che lanciassero i prigionieri nella fossa, così che gli orsi affamati li riducessero a brandelli, senza neanche veramente mangiarli.
Di storie atroci, vere o false, se ne sentivano tutti i giorni dagli ormai quasi dieci anni di durata della guerra. Dieci anni di virus. Mila aveva preso le armi cinque anni prima. Aveva venticinque anni e, con suo grande fastidio, la pelle cominciava a odorarle di quel particolare miscuglio di grasso di fucile, formaggio fuso e paura che è l’odore dei soldati in inverno, sia uomini che donne.
Mila rimise a posto il binocolo, guardò l’ora con il sole, macchia luminosa nel cielo uniformemente grigio che stava per passare dietro le montagne in direzione del lago di Neuchâtel, lo invidiò un po’. Lei, Mila, doveva finire di prepararsi per andare a caccia dell’orso.
Frisch, qui Dürrenmatt.
Parli, Dürrenmatt – Mila intanto era ridiscesa alla base, un vecchio supermercato poco più in basso dei binari della ferrovia dismessa.
Accidenti, Mila, sei pronta per stanotte? Che missione! T’invidiamo!
Alex, sei solo un idiota, passo.
Frisch, riportaci un orecchio, passo e chiudo.
Vaffanculo, Alex. Passo e chiudo, Dürrenmatt.
Mila era tentata di spegnere la ricetrasmittente, ma non era certo il caso. Mangiò un panino al formaggio e alla carne dei grigioni in compagnia di alcune reclute e si chiese che gusto potesse avere la carne d’orso. Be’, la missione era di prenderlo vivo. Di prenderla viva, anzi. Che idea. Attraversare la città, rischiare la morte per anestetizzare un’orsa pelle e ossa nutrita con prigionieri di guerra appena prima del suo letargo e di portarla fin lì su un carretto. Sperando che fosse dimagrita davvero tanto. Una questione di simbolica, hanno detto i capi. Ragazzi, è l’anima della città, quella. Sappiatelo. Una piccola squadra. Il Kommando Bärli, aveva scherzato Alex. Vi abbiamo trovato un veterinario, ha detto il capo. Allora si fa sul serio, rispose Alex ridendo. Credevamo che gli orsi se la fossero svignata nel fiume, che i bombardamenti avessero aperto delle brecce nelle pareti del Bärenpark, lungo l’Aar. Gli orsi sanno nuotare, eh. Potremmo portarli fino a qui con un canotto, sarebbe più facile. Li facciamo scendere fino al ponte di Lorraine e a posto. Rimane solo Ursina, gli altri due sono stati abbattuti da due cecchini lealisti dal campanile della cattedrale. Maledetti Lealisti, non rispettano niente! Sì invece, Ursina alla fine l’hanno lasciata in pace. Per l’Aar è complicato, ci vorrebbe una barca rigida – di sicuro ci facciamo sparare. Stanno all’erta, per via del contrabbando. Tutto quel che non paga viene affondato. Nessuna speranza di passare per l’Aar, impossibile superare l’Untertorbrücke senza un diluvio di proiettili, anche la notte. Dobbiamo far passare l’orso per via terra. Ma questo significa in pieno territorio nemico. Forse potremmo negoziare una tregua con i Pirati.
I Pirati erano gli irregolari tedeschi che controllavano il quartiere del casino dell’Altenberg da quando i Leftistes li avevano cacciati da gran parte della riva destra dell’Aar, perché loro stessi, i Leftistes, erano stati fatti arretrare dalla Sedizione giurassiana sostenuta dai Francesi che ora controllava tutto il territorio fra Bienne e Friburgo.
Con i Pirati non era possibile nessuna tregua. Il loro capo, un giovanissimo skater di nome Jorn, tanto venale quanto intransigente, era stato, si dice, contaminato dal virus già tre volte e ne era uscito vivo per miracolo, con la sola conseguenza di una voce roca da alcolizzato: ora dai suoi uomini si faceva chiamare “Drätti”. Era già stato follemente complicato organizzare l’evacuazione dei feriti attraverso le loro linee, dopo la seconda battaglia dello Stade de Suisse – chiedergli qualunque altra cosa per questa storia degli orsi era fuori discussione.
Mila si ricordava la battaglia dello Stade de Suisse, lunga e furiosa, contro i francesi e le loro milizie – molti compagni d’armi erano caduti, ma la città aveva resistito. Grazie a noi, lo spirito di Berna esisteva ancora, pensava Mila; poco a poco, i Leftistes prendevano il controllo dei quartieri che ancora gli sfuggivano e oggi, con la presa dell’orso, il cuore peloso della città avrebbe battuto fra le loro fila. Un giorno avrebbero strappato il centro città ai Lealisti assediati e l’utopia bernese sarebbe stata allora perfino più bella di prima, uguaglianza, frugalità, clima, un posto dove si sarebbe vissuti bene, se il virus ci avesse lasciato finalmente in pace. Come ai bei vecchi tempi del Gaskessel e della Dampfzentrale, così lontani… Questa città si è tenuta sempre in equilibro fra centralità borghese e fervore utopista, pensava Mila mentre verificava la quantità di munizioni che aveva nel suo corredo. In fin dei conti, il servizio militare si era rivelato pieno d’insegnamenti utili. Si assicurò di avere con sé tutto il suo equipaggiamento; il pesante fucile d’assalto SG90 era il suo migliore amico – preciso, potente, ideale per il combattimento di strada, nonostante il suo peso. Con il bipiede si convertiva facilmente in straordinario fucile da cecchino, efficace fino a seicento metri; in modalità raffica fermerebbe un elefante in piena carica. O un orso.
Frisch, qui Dürrenmatt, parli Frisch.
Qui Frisch, a lei Dürrenmatt.
Frisch, la sua squadra è pronta e l’attende al punto d’incontro.
Ricevuto, Dürrenmatt, arrivo immediatamente, grazie vielmals.
***
Fare il giro per le alture, lungo il settore dei Pirati, poi costeggiare il Rosengarten e Schönberg per scendere infine per le lunghe scalinate stranamente intatte, pareva, che portavano fino all’Aar e al fossato degli orsi. In fin dei conti, Alex aveva avuto una buona idea – al calare della notte, lanciare un attacco diversivo in direzione del Palazzo Federale, cosa che avrebbe fatto ammassare le truppe lealiste da quel lato della città, riducendo i loro ranghi dall’altra parte.
Camminare in silenzio nella città spenta, oscurata di nuvole, senza luna, in preda a un eterno coprifuoco che solo gli occhiali per la visione notturna permettevano di penetrare, camminare lentamente, trascinando un carretto dagli assi perfettamente ingrassati, con le ruote che, gonfiate con molta precisione, avanzavano senza far nessun rumore – il veterinario lo spingeva per i due bracci di metallo, come fosse una grande carriola che portava, oltre ai materiali di primo soccorso, un fucile lanciasiringhe. Mila procedeva davanti, a una cinquantina di metri dal resto della spedizione. Una giovane recluta (biondino, tatuaggio “peace & love” sulla fronte) chiudeva il gruppo. Non appena si avvicinavano a un incrocio o a un luogo più scoperto, Mila poggiava il ginocchio a terra e si prendeva il tempo per accertare che non ci fosse un’imboscata in agguato; sembrava che tutte le sentinelle di Berna e tutti i posti di blocco fossero altrove.
Nome in codice: Operazione Robert Walser. Mila si chiese se nei libri di Walser ci fossero orsi. Si ricordava solamente di negozi un po’ tetri a Bienne, una malinconia profonda, racconti minuscoli tracciati a matita. Bienne era in mano alla Sedizione Giurassiana. I francesi avevano osato fare quello che nemmeno Napoleone aveva avuto il coraggio d’intraprendere. Traditori del Giura! Porrentruy si era arresa senza combattere. Traditori ginevrini! Ginevra aveva deposto le armi dopo un’ultima votazione scossa dai brividi di febbre, per alzata di mano davanti alla cattedrale di Saint-Pierre, ginevrini con la mascherina e la tosse, con i loro grand hotel sulle rive del lago strapieni di malati e di vegliardi in stato comatoso. Per fortuna l’Alleanza franco-tedesca era stata fermata dal muro bernese. La gioventù e la politica! La sinistra! Le forze vive della Svizzera. Un giorno, pensava assorta Mila mentre camminava, verranno da tutto il mondo, donne e uomini di buona volontà, per nutrire l’Utopia con le loro idee nuove e la loro forza lavoro. La Confederazione dei viaggiatori, dei sognatori e degli inventori!
Un rumore improvviso, dritto di fronte a lei, la fece cadere per terra nel canaletto di scolo, ai bordi di un marciapiede invaso dalle erbacce. Dietro, anche i suoi compagni si fermarono immediatamente. Mila li sentì gettarsi, come lei, sull’asfalto. Prese il binocolo. Il visore notturno mostrò un muro grigio a un centinaio di metri da lì. Grossi palazzi, ville, edifici di lusso, germogli di alberi giovani, rovi… Aprì in silenzio il bipiede del fucile, sostituì il binocolo con gli occhiali. Un movimento fra i rovi. Grigio scuro sotto grigio chiaro. Spostamenti fra la strada e i piccoli giardini invasi da vegetazione selvaggia che formavano un paravento vegetale dietro il quale si muovevano ombre cinesi anch’esse grigie. Una pattuglia che stava venendo verso di loro? Il cuore di Mila si mise a battere più forte, più veloce. Il seno sinistro era schiacciato contro l’asfalto, si rialzò un po’, lentamente, per farsi scivolare il gomito sotto il petto, in posizione di tiro, con la mano sinistra sotto la canna, l’indice attorno al guardamano, il calcio contro la spalla.
Sapeva che, se avesse sparato, la missione sarebbe finita, e chissà la loro libertà, o perfino la loro vita. Una scaramuccia alla frontiera fra i territori avrebbe messo in subbuglio il mondo intero. La scalinata per scendere verso Bärenpark doveva trovarsi a un centinaio di metri al massimo, sulla destra. Era senza dubbio invasa dalla vegetazione. Il drone che Alex aveva inviato in perlustrazione non era praticamente riuscito a individuarla, nonostante l’inverno e l’assenza di fogliame denso. È tutto dire.
Mila vide chiaramente nel mirino una forma umana che avanzava piegata attraverso la pendenza fra i cespugli, seguita da almeno tre o quattro ombre identiche. Mila verificò che il silenziatore fosse ben avvitato alla punta della canna – ma anche con il silenziatore… Da buona combattente si fissò un limite, una barriera mentale oltre la quale avrebbe aperto il fuoco, per non perdersi in esitazioni. Se superano quel lampione spento e si dirigono verso di me sparo sul primo e sull’ultimo. L’idea di Mila era di sparare per ferire almeno due soldati, colpo su colpo, così che la confusione e le grida coprissero la loro fuga ordinata verso destra, in modo da poter lanciare quello stupido carro per le scale e loro dietro, o perfino dentro, visto a che punto erano ormai arrivati. Bisognava avvertire urgentemente i suoi compagni di mettersi a correre non appena avessero sentito i plop! del silenziatore e le urla dei feriti.
Scrisse molto rapidamente un messaggio con la ricetrasmittente.
Hear silenced shots run right.
Le forme davanti facevano uno strano rumore, ricci giganti che scavavano in un mucchio di foglie secche. Mila era così incollata al mirino che a momenti si staccava l’occhio. Cazzo, cinghiali. Una pattuglia di maiali. Il più grosso si era allontanato dalla boscaglia e avanzava sulla strada annusando l’asfalto, senza rendersi conto di essere appena sfuggito a una pallottola del 5.56 sulla schiena. Mila si rialzò, ripiegò il bipiede. Raccolse un sasso e lo scaraventò rabbiosamente contro il grosso animale, aveva avuto paura. Il cinghiale colpito grugnì, mostrò le zanne e risalì verso la sua famiglia.
Tutti gli edifici di quella bella strada erano deserti. Cliniche, studi di avvocati, residenze di alti funzionari o di diplomatici, tutte rovinate, piene di graffiti, occupate da suini, incendiate, bombardate, il fascino delle linee divisorie. Tracce d’incendio dappertutto. Gli alberi decapitati dalle granate e dalle mitragliatrici, patetici e senza foglie.
Mila si tolse la maschera per un istante.
Le colavano grosse gocce di sudore fino alle labbra. Il veterinario le si avvicinò, lei si rimise di nuovo la maschera.
Cazzo che paura, ero sicuro ci avessero scoperti, sussurrò il veterinario nella sua strana lingua, un miscuglio di tedesco, bernese e francese. Era un ex veterinario dello zoo della Chaux de Fonds, si era unito ai Leftistes a piedi attraverso le montagne quando i francesi avevano invaso il Cantone di Neuchâtel.
Anch’io, fece Mila. Anch’io. Su, andiamo.
Pregò perché nessuno avesse avuto l’idea di nascondere delle mine lungo la scalinata.
Mandò un messaggio alla base,
davanti alle scale, finora tutto bene,
che firmò con il nome in codice della spedizione,
Robert Walser,
messaggio a cui Alex rispose immediatamente,
Grazie Bärli Walser, ci siete quasi,
facendola arrabbiare.
La notte e l’abbandono nascondevano il panorama della città – Mila non ricordava più se da quel punto, una volta, si avesse una vista della città; si ricordava di un caffè, un po’ più lontano, dopo la Fossa degli Orsi, con un dehors. Era dall’inizio dell’epidemia che non passava di lì. Quando passeggiava con un libro, un cellulare e una borsa e non un fucile d’assalto, una ricetrasmittente militare, un carretto per un orso e un veterinario.
La giovane matricola si grattava furiosamente i coglioni, le cosce e il ventre.
Mi sa che mi sono preso i pidocchi, roba da matti, nel XXI secolo.
Mila sospirò, gli fece capire che non gliene fregava niente, né dei suoi peli pubici, né delle bestiole che ospitavano. Il solo animale che conta è l’orso e la missione. E silenzio. Rimettiti la maschera. Scendiamo. Ci copri da un po’ più indietro. Fucile carico ma con la sicura inserita, ok? Nessuna voglia di prendermi un colpo nelle chiappe se incespichi fra i rovi.
Il veterinario assisteva a quel dialogo con un’aria stanca.
Mila guardò l’orologio, erano le due di notte.
La notte era assolutamente deserta.
Dürrenmatt, Dürrenmatt: scendiamo.
Ok Walser. Qui incrociamo gli artigli.
Le scale erano ingombre di vegetazione, rovi sparsi che si aggrappavano alle reti, germogli di sambuco che stavano per diventare alberi, giovani aceri, rosai dalle spine grosse come coltelli – a nessuno era venuta l’idea di minare quel passaggio, grazie a Dio. Far scendere il carretto era un vero calvario. Mila si pentiva di non aver portato con sé un machete, invece che il coltellino svizzero. Più scendeva in quella giungla tentando, con risultati alterni, di aiutare il veterinario a spingere il carretto, più si rendeva conto che risalire da lì con un orso a bordo sarebbe stato del tutto impossibile. Sarebbero dovuti risalire per la strada, allo scoperto. Oppure attraversare il ponte e tutta la città vecchia; sfilare di fronte allo Zytglogge spingendo un’orsa addormentata su una carriola, una vera fiaba di Natale.
Mila sentiva il malumore crescere a ogni scalino che l’avvicinava alla fossa degli orsi.
Quando arrivarono in fondo alla scalinata, il suo orologio diceva che erano le tre. Imboccarono la strada lastricata a sinistra – dietro le loro alte mura, le ville erano silenziose; la notte traboccava di rami contorti, le foglie secche si ammassavano in cumuli di fango marrone; anche attraverso la maschera l’aria odorava di una potente putrefazione, amara e violenta come una spessa nebbia invisibile che saliva dal fiume, di cui cominciavano a sentire, da lontano, il ribollire incerto.
Mila sapeva che a separarli dalla fossa degli orsi era rimasta solo una rotonda. Una rotonda apparentemente non illuminata, ma che doveva essere sorvegliata dai cecchini dei Lealisti dall’altra riva. Prima di lasciare la copertura dei rami, ancora nello spesso vicolo lastricato, Mila fermò con un gesto il veterinario e la recluta, avanzò semipiegata fin quasi all’incrocio, si stese e percorse gli ultimi metri strisciando. Ispezionò con il binocolo l’incrocio sbarrato alla sua estremità ovest, una cinquantina di metri prima del ponte, da due rimorchi di camion ribaltati, con i disegni di teschi che preannunciavano delle mine. In mezzo alla rotonda, migliaia di sacchi della spazzatura ammucchiati che brulicavano di movimenti furtivi e di squittii eccitati, tonnellate e tonnellate di spazzatura spinte con il bulldozer dai Lealisti fuori dal loro settore, la discarica del centro città di Berna – Mila sentì in bocca un sapore acido di vomito. Che cazzo di puzza. Il binocolo di Mila mostrava con molta chiarezza le decine di ratti che balzavano di sacco sventrato in sacco sventrato, e quella collina di merda e plastica fumante nel freddo straripava, a sud-ovest, verso il parapetto del Bärenpark. Avevano prima riempito il vecchio emiciclo della fossa degli orsi e poi continuato fin quando aveva cominciato a strabordare. C’era da credere che si sarebbero fermati solo quando le loro sozzerie fossero arrivate fino a Muri. Gli infrarossi dalle infinite sfumature di grigio non mostravano i colori, i blu vivi, i gialli assoluti, i rossi dei sacchi di spazzatura ammucchiati e sventrati dal sabba dei gatti e dei roditori, come se lì si fossero mescolate, per decine di metri quadrati, le opere più selvagge di Daniel Spoerri e di Jean Tinguély – Mila vedeva solo una collinetta d’immondizia, un tell di marciume, una mescolanza di carne in decomposizione, rifiuti quotidiani (scatola, bottiglie di detersivo), metallici (bici bruciate, portiere di automobili strappate) e mobili rotti – le sembrò di riconoscere i tasti di un pianoforte, delicatamente avvolti dai detriti. Presa dalla rabbia, aprì il bipiede del suo fucile d’assalto e lo armò per far esplodere le cervella di qualcuno dei topi più grossi, poi si ravvide, calmandosi; le povere bestiole non avevano colpa e non era il caso di aggiungere marcio al marcio. La guerra inquina. Mila era arrabbiata con Alex, il quale non poteva certo non sapere, dopo la sua perlustrazione aerea con il drone, dell’esistenza di questa immensa discarica, che avrebbero dovuto costeggiare.
Ecco di cosa nutrono l’orsa, mormorò il veterinario terrorizzato, inginocchiato dietro Mila. Non prigionieri di guerra. Solo merda.
Così pare, sussurrò Mila.
La recluta si era accorta con il suo binocolo di un enorme ratto che si stava accanendo su quel che, a prima vista, sembravano frattaglie di pollo o di coniglio, ma che invece si era rivelato essere il corpo sventrato di un piccolo gatto, la cui testa e le cui orecchie appuntite, svelate all’improvviso dalla plastica che le proteggevano dai colpi di denti alle sue viscere, non lasciavano dubbi riguardo la sua identità felina – il soldato fece appena in tempo a togliersi la maschera: l’effetto congiunto dell’odore e della visione così precisa e così grigia del binocolo gli fece spandere istantaneamente il suo bolo alimentare con rumore di acquazzone sulle foglie secche.
Mila sentì un conato di vomito, ma si trattenne.
Forza.
Aveva la tentazione di scrivere messaggi d’insulto ad Alex sul walkie-talkie, ma l’idea di doverli firmare Robert Walser la scoraggiò subito.
Si sentì spossata, all’improvviso.
Come potrà mai trasportare quella maledetta orsa.
La fatica la prendeva allo stomaco.
Il veterinario guardava la giovane recluta svuotarsi contro il muro e si chiedeva se fosse il caso d’intervenire.
Mila sospirò.
I conati di quella femminuccia ci faranno scoprire.
Il ragazzo giovanissimo ripeteva molto forte, fra un getto di bile e l’altro, un gatto, un cazzo di gatto.
Zitto, maledizione, zitto, sta zitto.
Nel momento in cui terminava la sua ingiunzione, Mila sentì un pop! dall’altra parte del ponte e tre secondi dopo la notte s’illuminò di una forte luce verde.
Il razzo di segnalazione provocò il panico nella discarica; molti dei ratti si nascosero nelle loro atroci gallerie fra i sacchi; quelli che si trovavano ai bordi scapparono verso il riparo dell’oscurità, costeggiarono il muro per mettersi al sicuro; due o tre di loro s’infilarono fra le gambe della recluta, che urlò di paura, topi, topi, e le sentinelle lealiste, che erano già state vittime del diversivo di Alex dall’altra parte della città vecchia, verso il Palazzo Federale, non stettero a pensarci troppo e nel dubbio lanciarono due bombe a mano, che esplosero a qualche metro da Mila – fortuna volle che il muretto all’angolo della strada li proteggesse in parte. L’esplosione fu brutale. La carica di esplosivo fece fuori molti roditori e scaraventò in aria porcherie che ricaddero come pioggia sul gruppo.
Le orecchie di Mila fischiavano. Fece segno agli altri due di seguirla, attraversò correndo quella stradina, poi quella dopo; il razzo di segnalazione ricadde sul lato dei container, illuminando lo sbarramento e il ponte sull’Aar. Mila continuò a correre il più veloce possibile verso l’altro lato della rotonda, per evitare quello che sapeva che sarebbe arrivato, e di cui sentì distintamente il tum-tum-tum-tum di tamburo elettronico, la raffica di proiettili che fischiavano contro il muro e l’asfalto, facendo schizzare schegge di pietra che a loro volta facevano il rombo di calabroni, calibro grosso, per fortuna sparavano troppo verso il basso e indietro, Mila alla fine si lanciò con il ventre schiacciato sul parapetto del Bärenpark, senza più fiato, sapeva di essere al riparo. In un’ultima scheggia di luce verde, vide la recluta esitare, rimanere immobile in mezzo agli spari, decidersi a fare retromarcia, le mani attorno alla testa con movimenti ridicoli, come se scacciasse le mosche, superare il veterinario e la sua carretta in controsenso e riuscire a proteggersi accanto al muretto dove aveva vomitato, cosa che provocò l’esitazione del veterinario e della sua carriola; quest’ultimo sentì il dong-dong-dong dei proiettili schiantarsi sul metallo del carro e aprirlo come una scatoletta di sardine, poi delle lame di fuoco arroventate gli ferirono le cosce, cosa che gli diede come un colpo di frusta e lo spinse a seguire la stupida recluta, verso il posto da cui era venuto e da cui non avrebbe dovuto muoversi, lasciando la carretta a sobbalzare sotto i colpi delle pallottole e risuonare come piatti, bing, dong, dong, bing. Finalmente al riparo, anche il veterinario s’immerse nell’oscurità del viottolo. Qualche colpo fece ancora risuonare la carriola, ribaltata dalla forza dei proiettili, e il silenzio denso, pesante e appestato, invase di nuovo la notte.
Mila sospirò e scrisse rapidamente un messaggio sulla ricetrasmittente per il veterinario dall’altro lato della rotonda.
Tutto a posto?
La risposta le arrivò quasi subito.
No. Due ferite leggere cosce. Torniamo indietro.
Mila sospirò ancora più profondamente. Indietro?
Sì, rientriamo base.
Mila cambiò canale del walkie-talkie e inviò un messaggio ad Alex.
Qui Walser. Intercettati dai Lealisti. Veterinario ferito. Missione compromessa. Passo Dürrenmatt.
Attese per qualche istante, poi per qualche minuto, nessuna risposta. Rimandò il messaggio due volte. Senza successo. O la radio era fuori portata, o Alex si era addormentato.
Seduta a gambe incrociate con la schiena contro il parapetto, Mila rifletteva. Forse era il caso di tornare indietro, sì. Ma prima voleva vedere quell’orsa. Non aveva fatto tutto quel cammino per niente. Doveva vedere quella bestiola. Per preparare la prossima missione. Tornare. Se Berna era gli orsi, allora bisognava che fossero i Leftistes ad averli. Ne sarebbe bastato anche uno solo. Per l’utopia.
Se l’odore della discarica non fosse stato così immondo (ogni tanto le sembrava di percepire dei ratti saltellare attorno a lei), si sarebbe tolta la maschera. La città era di nuovo immersa nel silenzio, solo l’Aar frusciava più in basso. Certo che siamo stati scoperti. Non ci si rende conto di quanto questa città sia silenziosa. Si potrebbero sentire le foglie cadere.
Era d’importanza vitale riportare a casa l’orso prima del suo letargo, aveva spiegato il veterinario. E questo non lasciava molto margine.
Mila prese il coraggio a due mani. Certo, il carretto per l’orsa era fuori uso, bucherellato come una vecchia ciotola, a giudicare dal rumore degli impatti che aveva appena sentito. Tanto peggio. Bisognava andare a vederla. Sapeva che l’accesso alla fossa era fuori uso, che fra i piloni del ponte c’era del filo spinato, cavalli di Frisia, mine anticarro e container come quelli sopra il ponte. Aveva individuato, sulle vecchie foto di Google Earth, i diversi accessi. Aveva con sé una carica di esplosivo e un’ascia per aprire una breccia nella recinzione che dava sulla banchina dell’Aar, ai bordi dell’acqua.
Mila costeggiò la parte alta del Bärenpark per duecento metri e poi, come avevano immaginato con il veterinario e la recluta, ma da sola, si precipitò giù per la scalinata che portava al bordo dell’Aar e, a metà del pendio, agganciò il suo moschettone a uno dei montanti della ringhiera metallica, fece passare un’asola passacorda nel discensore e, più silenziosamente possibile, una volta scalata la parete di protezione in vetro, scese nella fossa degli orsi.
Berna era fissata dalla notte come da una gelatina nera. Nessuna stella bucava il cielo spesso con il suo spillo. Il silenzio era appiccicoso, mitologico. Mila rimaneva all’ingresso della grotta (un’apertura di cemento sul fianco della collina come un bunker) dove dormiva l’orsa.
Si tolse la maschera.
La caverna odorava di paglia, di foglie secche e dell’animale. Gli occhiali per la visione notturna mostravano chiaramente, in fondo all’alcova, una grossa forma scura distesa, con il petto che si sollevava dolcemente.
Mila si chiese perché gli umani misurassero la propria forza con quella degli animali che catturavano, perché gli umani misurassero la propria forza e basta. Gli animali non venivano colpiti dal virus. L’orsa sembrava dormire nella sua grotta come Dantès nella sua cella.
Mila uscì senza che il plantigrado si svegliasse.
Sentì il walkie-talkie vibrare contro il petto:
Allora, Walser, a che punto sei?
Dürrenmatt, l’orso dorme.
Ripeto.
Dürrenmatt, l’orso dorme il sonno del giusto.
Mila uscì dalla grotta e dal parco seguendo lo stesso percorso, mentre l’Aar, grigioverde, scorreva tranquillo sotto gli scalini.
Estratto da Vom Dorf um die Welt und zurück.
Un omaggio a Friedrich Dürrenmatt raccontato da Lukas Bärfuss, Joanna Bator, Lizzie Doron, Juan Gabriel Vásquez, Peter Stamm e molti altri.
A cura di Oliver Lubrich e Reto Sorg
Published September 5, 2022
© Specimen 2022
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