From La chute du ciel. Paroles d’un chaman yanomami

Written in French by Davi Kopenawa and Bruce Albert

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Ce qu’ils nomment « la nature », c’est, dans notre langue très ancienne, urihi a, la terre- forêt, mais aussi son image, visible aux seuls chamans, que nous appelons Urihinari, l’esprit de la forêt. C’est grâce à elle que les arbres sont vivants. Ainsi, ce que nous appelons l’esprit de la forêt, ce sont les innombrables images des arbres, celles des feuilles qui sont leurs cheveux, et celles des lianes. Ce sont aussi celles du gibier et des poissons, des abeilles, des tortues, des lézards, des vers de terre et même des escargots warama aka 20. L’image de la valeur de fertilité në roperi de la forêt, c’est également ce que les Blancs appellent la nature. Elle a été créée avec elle et lui donne sa richesse. Ainsi, pour nous, les esprits xapiri sont les véritables possesseurs de la nature et non pas les êtres humains. Les esprits crapaud, caïman et poisson, enfants de Tëpërësiki, sont les maîtres des rivières, tout comme les esprits ara, perroquet, tapir ou chevreuil et tous les autres esprits animaux sont les maîtres de la forêt. C’est ainsi. Les xapiri ne cessent de se déplacer à notre insu sur toute son étendue. Ce sont eux qui, venus des montagnes, font surgir les vents dans leurs courses et leurs jeux, que ce soit la brise du temps sec, iproko, ou le vent du temps des crues, yari 21. Ce sont les esprits de la pluie maari qui descendent du ciel pour rafraîchir la terre sous leurs averses et en chasser le temps d’épidémie 22. C’est pourquoi, si les xapiri demeuraient loin de nous sans que les chamans les fassent danser, la forêt deviendrait beaucoup trop chaude pour que nous puissions y rester vivants très longtemps. Ses êtres maléfiques në wãri et les esprits de l’épidémie xawarari s’installeraient auprès de nos maisons et ne cesseraient plus de nous dévorer.

Les xapiri ont de l’amitié pour la forêt parce qu’elle leur appartient et les rend heureux. Les Blancs, eux, trouvent la nature belle sans savoir pourquoi. Nous, en revanche, nous savons que la nature, ce sont aussi bien la forêt que tous les xapiri qui l’habitent. Omama y a créé leurs maisons et leurs chemins. Il a voulu que nous les protégions. Les esprits abeille ouvrent leurs sentiers dans ses arbres pour y chercher les fleurs de leurs miels. Les esprits animaux s’ébattent joyeusement dans la fraîcheur de son couvert. Les tapirs, les singes- araignées, les pécaris et les chevreuils apprécient l’ombre de son feuillage et la brise de son sous- bois. Ils aiment se désaltérer dans ses ruisseaux. Lorsque la chaleur est trop intense, les images du gibier souffrent aussi. Si les Blancs dévastent la forêt et y détruisent collines et montagnes, les xapiri perdront leurs demeures. Alors, furieux, ils s’enfuiront loin de notre terre et les humains y resteront à la merci de tous les maux. Les Blancs, avec leurs médecins et leurs machines, n’y pourront rien. Les esprits redoutent les endroits trop chauds, comme les savanes qui, au loin, entourent notre forêt et où réside l’être maléfique du soleil, Mothokari. Ils craignent également la ville, empestée par les fumées de voitures, d’avions et d’hélicoptères 23. Ils aiment courir la forêt en s’amusant et ils goûtent la fraîcheur humide de son parfum. Ils aiment sa beauté et sa fertilité. Ils y vivent et s’en nourrissent, c’est pourquoi, comme les humains, ils veulent la défendre. Mais les Blancs les ignorent. Ils abattent et brûlent tous ses arbres pour nourrir leur bétail. Ils creusent le lit des cours d’eau et détruisent les collines pour chercher de l’or. Ils font exploser les grands rocs qui leur font obstacle pour ouvrir leurs routes. Pourtant, collines et montagnes ne sont pas simplement posées sur le sol, je l’ai dit. Il s’agit d’habitations d’esprits créées par Omama 24 ! Mais ce sont là des paroles que les Blancs ne comprennent pas. Ils pensent que la forêt est morte et vide, que la nature est là sans raison et qu’elle est muette. Alors, ils se disent qu’ils peuvent s’en emparer pour y saccager, selon leur bon vouloir, les maisons, les chemins et la nourriture des xapiri ! Ils ne veulent entendre ni nos paroles ni celles des esprits. Ils préfèrent rester sourds.

Pourtant, même les êtres maléfiques në wãri veulent défendre la forêt ! Leurs maisons se trouvent en des lieux où nos chemins ne vont jamais, au fond des grandes rivières et des lacs. Ils sont aussi nombreux que les xapiri et sont, tout autant qu’eux, furieux contre les Blancs qui dévastent leurs chemins et les animaux dont ils se nourrissent. C’est vrai ! Lorsqu’ils ne s’attaquent pas aux humains, les êtres maléfiques de la forêt mangent du gibier. Ils ouvrent le ventre de leurs proies, dévorent leurs viscères et collectent leur graisse dans des gourdes horokoto. C’est pourquoi nous rencontrons parfois en chassant des singes ou des tapirs amaigris et malades. Pour sa part, l’être du temps sec, Omoari, apprécie les miels qui abondent à la saison sèche. Il boucane aussi en grande quantité les poissons et les caïmans des ruisseaux asséchés afin de s’en repaître 25. C’est pourquoi il voudra se venger des Blancs qui coupent les arbres de la forêt et salissent ses rivières. La saison sèche ne survient pas sans raison, je l’ai dit. Elle commence avec l’arrivée d’Omoari qui vient embraser Toorori, l’être crapaud du temps humide 26. Puis, après plusieurs lunes, lorsque ce dernier parvient à humecter peu à peu sa peau brûlée et racornie, il éclot de nouveau. Il répand ses eaux dans la forêt pour se venger d’Omoari. Celui- ci, effrayé par le froid et l’humidité, s’enfuit avec ses filles et ses gendres, les êtres papillon, cigale et lézard. La saison des pluies commence ainsi avec la revanche de Toorori qui, revenu à la vie, tourne la clef des eaux pour mettre Omoari en déroute et rendre la forêt plus fraîche et agréable. Il chasse la chaleur de l’épidémie xawara et les plantes des jardins se mettent à pousser. Les arbres et le gibier guérissent du temps sec et les humains se sentent revivifiés. C’est là ce que savent les chamans. C’est pourquoi, si les Blancs finissent par détruire la forêt, Omoari, affamé et en colère, ne la quittera plus. Sa terre aride et brûlante deviendra pour toujours son domaine.

Published September 10, 2018
Excerpted from Davi La chute du ciel. Paroles d’un chaman yanomami, PLON 2010
© PLON 2010

From La caduta del cielo. Parole di uno sciamano yanomami

Written in French by Davi Kopenawa and Bruce Albert


Translated into Italian by Alessandro Palmieri e Alessandro Lucera

Quello che i Bianchi chiamano “natura” è, nella nostra antichissima lingua, urihi a, la terra-foresta, ma anche la sua immagine, visibile solo agli sciamani, che noi chiamiamo Urihinari, lo spirito della foresta. È grazie a essa che gli alberi sono vivi. Così, quello che chiamiamo lo spirito della foresta sono le innumerevoli immagini degli alberi, delle foglie, che sono i loro capelli, e delle liane. Sono anche quelle della selvaggina e dei pesci, delle api, delle tartarughe, delle lucertole, dei lombrichi e anche delle lumache warama aka. Anche l’immagine del valore di fertilità della foresta në roperi è quello che i Bianchi chiamano natura. Vennero create insieme ed essa le dà la sua ricchezza. Per noi, i veri signori della natura sono gli spiriti xapiri e non gli esseri umani. Gli spiriti rospo, caimano e pesce, figli di Tëpërësikɨ, sono i signori dei fiumi, come gli spiriti ara, pappagallo, tapiro o cervo e tutti gli altri spiriti animali sono i signori della foresta. È così. Gli xapiri non smettono di muoversi a nostra insaputa su tutta la sua estensione. Sono loro che, giungendo dalle montagne, fanno nascere i venti con le loro corse e i loro giochi, che si tratti della brezza del tempo secco, iproko, o del vento del tempo delle piene, yari. Sono gli spiriti della pioggia maari che scendono dal cielo per rinfrescare la terra con i loro acquazzoni e che scacciano il tempo d’epidemia. Ecco perché, se gli xapiri restano lontano da noi senza che gli sciamani li facciano danzare, la foresta diventerà troppo calda per continuare a viverci ancora a lungo. I suoi esseri malefici në wari e gli spiriti dell’epidemia xawarari si insedieranno vicino alle nostre case e non smetteranno più di divorarci.

Gli xapiri hanno amicizia per la foresta perché gli appartiene e li rende felici. I Bianchi, invece, trovano bella la natura senza sapere il perché. Noi, in compenso, sappiamo che la foresta e tutti gli xapiri che la abitano sono anch’essi la natura. Omama vi ha creato le loro case e i loro cammini. Ha voluto che li proteggessimo. Gli spiriti ape aprono i loro sentieri tra gli alberi per cercare i fiori dei loro mieli. Gli spiriti animali giocherellano gioiosamente nella freschezza della sua volta. I tapiri, le scimmie ragno, i pecari e i cervi apprezzano l’ombra del suo fogliame e la brezza del suo sottobosco. Amano dissetarsi nei suoi ruscelli. Quando il caldo è troppo intenso, anche le immagini della selvaggina soffrono. Se i Bianchi devastano la foresta e distruggono colline e montagne, gli xapiri perderanno le proprie dimore. Allora, furiosi, fuggiranno lontano dalla nostra terra e gli esseri umani resteranno alla mercé di tutti i mali. I Bianchi non potranno nulla, persino con i loro medici e le loro macchine. Gli spiriti temono i luoghi troppo caldi, come le lontane savane che circondano la nostra foresta, dove vive l’essere malefico del sole, Mothokari. Temono anche le città, appestate dai fumi delle automobili, degli aerei e degli elicotteri. Amano scorrazzare per la foresta divertendosi e apprezzano la freschezza umida del suo profumo. Amano la sua bellezza e la sua fertilità. Vivono nella foresta e se ne nutrono, ecco perché vogliono difenderla come noi esseri umani. Ma i Bianchi non li conoscono. Abbattono e bruciano tutti gli alberi per nutrire il loro bestiame. Scavano il letto dei corsi d’acqua e distruggono le colline per cercare l’oro. Per aprire le loro strade fanno esplodere le grandi rocce che li ostacolano. Tuttavia, come ho già detto, colline e montagne non sono semplicemente poggiate sul suolo. Sono abitazioni di spiriti create da Omama! Ma sono parole che i Bianchi non comprendono. Pensano che la foresta sia morta e vuota, che la natura sia lì senza ragione, muta. Allora, credono di potersene impadronire per saccheggiare le case, i cammini e il cibo degli xapiri a loro piacimento! Non vogliono ascoltare le nostre parole né quelle degli spiriti. Preferiscono restare sordi.

Persino gli esseri malefici në wãri vogliono difendere la foresta! Le loro case si trovano dove i nostri cammini non giungono mai, in fondo ai grandi fiumi e ai laghi. Sono numerosi come gli xapiri e, come loro, sono furiosi con i Bianchi che devastano i loro cammini e razziano gli animali di cui si nutrono. È vero! Quando gli esseri malefici della foresta non attaccano gli esseri umani, mangiano la selvaggina. Aprono il ventre delle loro prede, ne divorano le viscere e raccolgono il grasso in zucche horokoto. Ecco perché capita che durante la caccia incontriamo scimmie o tapiri magri e malati. L’essere del tempo secco Omoari, invece, apprezza i mieli che abbondano nella stagione secca. Per saziarsi, affumica anche una gran quantità di pesci e caimani che trova nei ruscelli prosciugati. Ecco perché anche lui vorrà vendicarsi dei Bianchi che tagliano gli alberi della foresta e sporcano i fiumi. Come ho già detto, la stagione secca non giunge senza motivo. Inizia con l’arrivo di Omoari che viene a dar fuoco a Toorori, l’essere rospo del tempo umido. Poi, passate diverse lune, quest’ultimo riesce piano piano a inumidire la sua pelle bruciata e raggrinzita, e fiorisce di nuovo. Versa nella foresta le sue acque per vendicarsi di Omoari. Questi, spaventato dal freddo e dall’umidità, fugge con le figlie e i generi, gli esseri farfalla, cicala e lucertola. Così la stagione delle piogge inizia con la rivalsa di Toorori che, tornato in vita, gira la chiave delle acque per sbaragliare Omoari e rendere la foresta più fresca e gradevole. Caccia il calore dell’epidemia xawara e le piante degli orti iniziano a crescere. Gli alberi e la selvaggina guariscono dal tempo secco e gli esseri umani si sentono rinascere. Questo è ciò che sanno gli sciamani. Ecco perché, se i Bianchi alla fine distruggeranno la foresta, Omoari, affamato e in collera, non la lascerà più. La terra, ormai arida e ardente, diventerà per sempre di suo dominio.

Published September 10, 2018
Estratto da La caduta del cielo. Parole di uno sciamano yanomami, nottetempo 2018
© nottetempo 2018


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