Le trou noir, Le pré and Le cabinet du docteur from Inventaire des lieux
Written in French by Laurence Boissier
Le trou noir
Pour l’heure le trou noir est un lieu déduit. Il est tellement déduit que je suis tentée de le classer dans une catégorie à part, celle des lieux théoriques.
Le trou noir tel que déduit est un endroit inconfortable dans lequel règne une force gravitationnelle hors du commun, une force qui happe tout ce qui se présente en son embouchure, planètes, galaxies, amas stellaires et autres quasars, le tout rapidement et sans distinction. Si, par exemple, une étoile disparaît brusquement de notre ciel, un soir que nous sommes romantiquement allongés sur une couverture à même le gazon, cela signifie qu’elle a été avalée par un trou noir, pour toujours.
Il y a aussi l’autre trou noir, celui dans lequel nous tombons lorsque les éléments de notre vie se présentent mal. Nous disons « c’est le trou noir » et alors il s’agira, pour toutes les personnes alentour, de nous éviter soigneusement si elles ne veulent pas être précipitées à leur tour dans notre sinistre orbite. Le mieux encore serait de ne pas en faire état du tout et même de s’abstenir de tout signe extérieur, de manière à ce que le trou noir dans lequel nous sommes tombés ne puisse être que déduit.
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Le pré
J’aimerais te montrer ce pré. Il y a quelques jours, il n’était rien. J’ai pensé plusieurs fois, en me promenant là, que quelque chose avait changé dans le cycle des saisons et que l’éclosion de ce champ avait été remise à plus tard ou à jamais. Trois jours après, les fleurs sont sorties et j’ai marché dans ce printemps. Pour toi, je recherche les noms des fleurs. Il y a là des bugles, de la véronique cresson de cheval, de la sauge des près, des centaurées, des miroirs de Vénus, des corydalis, des nielles, des mélampyres, des boutons d’or et des pâquerettes. Tu te les représentes ? Quand je marche dans ce pré, il me semble que les fleurs ont été déposées ce matin sur leur tige. Les minuscules taches de couleur sont disposées avec une telle justesse sur leur fond vert que je ne peux pas m’empêcher d’attribuer à la nature des pouvoirs extraordinaires. Le temps d’une traversée de ce pré, j’ai la conviction que toi et moi, nous avons été disposés, toi où tu es toi et moi où je suis moi, selon les mêmes calculs impénétrables.
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Le cabinet du docteur
Mon pédiatre s’appelait le Docteur Vogt. Il officiait rue de Hesse, dans le quartier des banques. Le Docteur Vogt était un géant au visage impassible. Lorsque pour la première fois j’ai vu une photo des statues de l’île de Pâques, j’ai pensé à lui. J’adorais être malade. Ma mère m’amenait volontiers chez le Docteur Vogt. Elle en ressortait toujours un peu moins désemparée. Il tapotait ma cage thoracique avec une fascination désarmante pour le corps humain, et surtout le corps en construction. Pour lui, l’essentiel du métier consistait à relier les symptômes de la manière la plus logique possible et de trouver le nom d’une maladie. Pendant toutes ces années, ma mère reçut des ordonnances sur lesquelles elle pouvait simplement lire : « grippe » ou « varicelle » ou « angine de poitrine ». Les étapes ultérieures n’intéressaient pas le Docteur Vogt. Généralement, il laissait aux parents la charge de la guérison. Ma mère acquit ainsi une très bonne autonomie.
Comme je grandissais trop vite, elle crut bon de me conduire à son cabinet pour lui demander s’il fallait faire quelque chose pour freiner ma croissance. Elle avait lu que les garçons dépassent toujours leur mère et que les filles ne dépassent jamais leur père. Or je menaçais de dépasser le mien, ce qui était une anomalie. Le Docteur Vogt examina longuement mes mains ainsi que mes genoux. Il me mesura, La toise indiquait 1 mètre 80. D’origine hollandaise, le Docteur Vogt, n’était pas du tout impressionné par cette performance. J’imagine que ses propres filles devaient être encore plus grandes que moi, Ma mère se déclarait inquiète pour les implications physiologiques, elle pensait aussi, certainement, à la peine que j’aurais à trouver un mari. Il faut dire que j’avais les pieds en dedans, les épaules voûtées et le teint brouillé. Comme à son habitude, le Docteur Vogt tendit son diagnostic à ma mère sur un papier d’ordonnance. Dessus il avait écrit : « Belle jeune fille, parfaite en tous points. »
Published October 18, 2022
© art&fiction, éditions d’artistes, 2015
Das schwarze Loch, Die Wiese and Die Arztpraxis from Inventaire des lieux
Written in French by Laurence Boissier
Translated into German by Michèle Zoller
Das schwarze Loch
Noch ist das schwarze Loch als Ort etwas Hergeleitetes. Es ist derart hergeleitet, dass ich versucht bin, es als eigene Kategorie zu klassifizieren, nämlich als theoretischer Ort.
Das schwarze Loch ist entsprechend seiner Herleitung ein unbehaglicher Ort, an dem eine enorme Gravitationskraft herrscht, eine Kraft, die alles erfasst, was sich an seiner Einmündung aufhält, Planeten, Galaxien, Sternhaufen und andere Quasare, blitzschnell und ohne Unterscheidung. Wenn zum Beispiel ein Stern, während wir eines Abends romantisch auf einer Decke auf dem Rasen liegen, unvermittelt von unserem Himmel verschwindet, so bedeutet dies, dass er von einem schwarzen Loch verschluckt wurde, auf ewig.
Auch das andere schwarze Loch gibt es, dasjenige, in das wir fallen, wenn die Dinge in unserem Leben zum Schlechten stehen. Wir sagen, «das ist das schwarze Loch», und das heisst dann für alle Menschen rundum, sich mit Bedacht von uns fernzuhalten, wenn sie nicht ihrerseits in unseren düsteren Orbit hineingezogen werden wollen. Noch besser wäre, es gar nicht erst zu erwähnen und von allen äusseren Anzeichen abzusehen, so dass das schwarze Loch, in welches wir gefallen sind, nichts Anderes als etwas Hergeleitetes sein kann.
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Die Wiese
Ich möchte dir gern diese Wiese zeigen. Noch vor wenigen Tagen war da nichts. Mehr als einmal dachte ich, als ich dort spazieren war, dass im Jahreszeitenwechsel irgendetwas anders und das Blühen dieses Feldes auf später verschoben oder ganz aufgehoben worden war. Drei Tage später sind di Blumen da, und ich bin in den Frühling gegangen. Für dich schlage ich die Namen der Blumen nach, Hier stehen Günsel, Bachbungen, Wiesensalbei, Flockenblumen, Venus-Frauenspiegel, Lerchensporne, Kornraden, Wachtelweizen, Hahnenfüsse und Gänseblümchen. Siehst du sie vor dir? Wenn ich so über diese Wiese gehe, kommt es mir vor, als seien die Blüten an eben diesem Morgen auf ihre Stiele gesetzt worden. Die winzigen Farbtupfer sind mit einer solchen Genauigkeit auf ihrem grünen Grund angeordnet worden, dass ich nicht umhinkann, der Natur aussergewöhnliche Fähigkeiten zuzuschreiben. Und während ich diese Wiese überquere, komme ich zur Überzeugung, dass du und ich, dass wir-du dort, wo du bist, und ich da, wo ich bin-gemäss den selben undurschaubaren Berechnungen angeordnet worden sind.
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Die Arztpraxis
Mein Kinderarzt hiess Herr Doktor Vogt. Er praktizierte an der Hesse-Strasse im Bankenviertel. Herr Doktor Vogt war ein Hüne mit unbewegtem Gesichtsausdruck. Als ich zum ersten Mal ein Foto der Osterinsel-Statuen sah, musste ich an ihn denken. Ich fand es toll, krank zu sein. Meine Mutter brachte mich nur zu gerne zu Herrn Doktor Vogt. Sie verliess ihn jedes Mal etwas weniger ratlos. Er klopfte meinen Burstkorb mit einer entwaffnenden Faszination für den menschlichen Körper ab, insbesondere für den Körper im Wachstum. Für ihn bestand der Kern seines Berufs darin, die Symptome auf möglichst logische Weise miteinander zu verbinden und den Namen einer Krankheit dafür zu finden. Während all dieser Jahre bekam meine Mutter Rezepte, auf denen stand lediglich: «Grippe» oder «Windpocken» oder «Angina Pectoris». Der weitere Verlauf interessierte Herrn Doktor Vogt nicht. Sich um die Genesung zu kümmern, überliess er grundsätzlich den Eltern. So verfügte meine Mutter über ausgesprochen viel Autonomie.
Da ich zu schnell wuchs, hielt sie es für angezeigt, mit mir seine Praxis aufzusuchen, um ihn zu fragen, ob man etwas gegen mein Wachstum unternehmen müsse. Sie hatte gelesen, dass Buben immer grösser als ihre Mutter werden, Mädchen hingegen nie grösser als ihr Vater. Nun drohte ich aber, grösser als meiner zu werden, was eine Anomalie darstellte. Herr Doktor Vogt untersuchte lange meine Hände sowie meine Knie. Er vermass mich. Der Messstab zeigte 1 Meter 80 an. Als Gebürtiger Holländer war Herr Doktor Vogt von dieser Leistung wenig beeindruckt. Ich nehme an, seine eigenen Töchter sind noch grösser als ich. Meine Mutter äusserte sich besorgt über die physiologischen Folgen, und natürlich dachte sie auch an die Mühe, die ich haben würde, einen Mann zu finden. Ich hatte nach innen gedrehte Füsse, krumme Schultern und ein fahles Gesicht. Wie gewohnt überreichte Herr Doktor Vogt meiner Mutter seine Diagnose auf einem Rezeptzettel. Darauf hatte er geschrieben: «Hübsche junge Frau, in jeder Hinsicht perfekt.»
Published October 18, 2022
© Michèle Zoller 2022
Il buco nero, Il prato and Lo studio medio from Inventaire des lieux
Written in French by Laurence Boissier
Translated into Italian by Yari Bernasconi
Il buco nero
Per il momento il buco nero è un luogo dedotto. Talmente dedotto che sono tentata di classificarlo in una categoria a parte, quella dei luoghi teorici.
Così come è dedotto, il buco nero è un luogo poco confortevole all’interno del quale regna una forza di gravità fuori dal comune, una forza che travolge tutto quello che si presenta al suo imbocco, pianeti, galassie, ammassi stellari e altri quasar, il tutto rapidamente e senza distinzione. Se dal nostro cielo scompare una stella, per esempio, una sera che siamo romanticamente allungati su una coperta nell’erba, questo significa che è stata inghiottita da un buco nero, per sempre.
C’è però anche l’altro buco nero, quello dentro cui cadiamo quando gli elementi della nostra vita prendono una brutta piega. Diciamo c’est le trou noir, il buco nero, e allora le persone intorno a noi dovranno evitarci con cura se non vogliono precipitare a loro volta nella nostra sinistra orbita. Ancora meglio sarebbe non dire niente, e anzi astenersi da qualsiasi segnale esterno, di modo che il buco nero nel quale siamo caduti possa restare solo dedotto.
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Il prato
Mi piacerebbe mostrarti questo prato. Non era nulla, qualche giorno fa. Passeggiando, ho pensato più volte che qualcosa fosse cambiato nel ciclo delle stagioni e che la fioritura del campo fosse stata rinviata a più tardi o a mai. Tre giorni dopo, invece, sono usciti i fiori e ho camminato in questa primavera. Per te, cerco i nomi dei fiori. Ci sono le bugole, gli occhi della Madonna, la salvia dei prati, le centauree, lo specchio di Venere, le colombine, il gittaione, le spigarole, i ranuncoli, le pratoline. Riesci a immaginarteli? Quando cammino in questo prato, mi sembra che i fiori siano stati posti sul loro gambo la mattina stessa. Le minuscole macchie di colore sono disposte con una tale precisione sullo sfondo verde che non posso impedirmi di attribuire alla natura dei poteri straordinari. Il tempo di attraversare questo prato e ho la convinzione che noi, tu e io, siamo stati disposti – tu dove sei tu e io dove sono io – secondo gli stessi calcoli impenetrabili.
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Lo studio medico
Il mio pediatra si chiamava Dottor Vogt. Esercitava in Rue de Hesse, nel quartiere delle banche. Il Dottor Vogt era un gigante dal viso impassibile. La prima volta che ho visto una foto delle statue dell’isola di Pasqua ho pensato a lui. Adoravo essere malata. Mia madre mi portava volentieri dal Dottor Vogt. Ne usciva ogni volta un po’ meno disorientata. Tamburellava sulla mia cassa toracica con una disarmante fascinazione per il corpo umano, e soprattutto il corpo in costruzione. Per lui, il mestiere consisteva essenzialmente nel collegare i sintomi nel modo più logico possibile e trovare il nome di una malattia. Durante tutti quegli anni, mia madre ricevette delle ricette mediche su cui poteva leggere in tutta semplicità: «influenza» o «varicella» o «angina pectoris». Le tappe successive non interessavano il Dottor Vogt. Generalmente, lasciava ai genitori l’incombenza della guarigione. Mia madre acquisì quindi un’ottima autonomia.
Un giorno, siccome mi allungavo troppo in fretta, pensò bene di portarmi nel suo studio e chiedergli se ci fosse bisogno di fare qualcosa per frenare la mia crescita. Aveva letto che i figli maschi superano sempre in altezza le loro madri, mentre le figlie femmine non superano mai i loro padri. Io invece minacciavo di superare il mio: un’anomalia. Il Dottor Vogt esaminò a lungo le mie mani e le mie ginocchia. Mi misurò. Il metro indicava 1 e 80. Il Dottor Vogt, di origine olandese, non si lasciò certo impressionare da questa performance. Immagino che le sue figlie dovessero essere ancora più alte di me. Mia madre si dichiarò inquieta per le implicazioni fisiologiche, e certo con questo pensava anche alle difficoltà che avrei incontrato nel trovare marito. Bisogna dire che avevo i piedi storti, le spalle curve e un colorito opaco. Come al solito, il Dottor Vogt tese la sua diagnosi a mia madre sul foglietto delle ricette mediche. Aveva scritto: «Ragazza giovane e bella, perfetta sotto tutti i punti di vista».
Published October 18, 2022
© Yari Bernasconi 2022
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