***

Avec qui
parlais-tu la nuit dernière ?

Qui est-elle ?

Même dans les rêves
tu ne peux rien taire.

***

Reste calme, quand les villes tombent
on n’a rien le droit de dire
il est plus sûr ainsi
je te le dis

***

Je te raconte encore une fois
comment s’appellent tes petits-enfants
quand est leur anniversaire
quand on célèbre la fête des grands-parents

tu me presses la main
hoches la tête
ouvres la bouche

Doigts

Ma grand-maman a neufs doigts et une vache

Je regarde
comme elle prend un seau
et presse le pis

le liquide blanc s’écoule
quatre doigts appuient fermement
cinq doigts caressent la fourrure

parfois, elle me laisse presser le pis
parfois, je peux caresser la fourrure
parfois, elle marmonne doucement

qu’est-ce qu’il se passe, grand-maman ?
est-ce que tu peux répéter ?

elle se détourne
quatre doigts appuient fermement

Piano

Les premières touches, le vent augmente,
le son, le timbre, le calme.

Les sons grandissent des ongles
volent entre les masses d’air
par-dessus les pages cachées.

Ils veulent fredonner avec le vent,
il leur donne la main et ne dit rien.

Il souffle et se tourne,
pour quoi faire ?
Seuls les doigts le savent.

Les timbres grandissent et s’envolent au loin.
Le vent reste calme dans les oreilles.

Une pièce pour pleurer

La porte grince. Je la ferme à clé et m’assieds sur la cuvette des toilettes. Le corps se penche vers le bas, le regard tombe sur mes sneakers blanches et sur le sol brillant. Les yeux se serrent, les mains soutiennent les joues. Les ongles s’enfoncent dans mon visage. Je serre les yeux encore plus fort. La première larme tombe.
Elles tombent, l’une après l’autre. Je sanglote et tremble, je renifle. Les mains forment des poings, la tête pend vers le bas comme une fleur fanée. Doucement, me dis-je en moi-même, doucement. Il y a encore trois cabines à côté. Il y a peut-être quelqu’un dedans ? Personne ne doit entendre ce que tu fais. Personne ne doit savoir que tu pleures. Les toilettes sont un espace public, fait pour les réactions physiques, pas pour pleurer. Les larmes s’écoulent le long des joues. Le corps le sait mieux que la raison. Vous le savez sûrement tous, juste moi pas encore tout à fait. Est-ce la peur ou la crainte ? La rage ou la colère ? Floues, sans nom et toutes en moi. Les batailles invisibles parcourent tout le corps et éclatent avec la rivière de larmes. Encore juste une pensée, la chance dans la malchance : Je me suis créée un endroit pour cela.
Une pièce pour pleurer. Comment ce serait si dans chaque bâtiment public il y avait une pièce pour pleurer ? Comme les toilettes que nous visitons régulièrement. Cela va de soi. Il doit y avoir des toilettes partout. Joliment décorées. Avec au moins une cabine et dans le meilleur des cas toute une rangée de cabines, un sol brillant, des rouleaux de papier fleuris, des petites poubelles en plastique et des parois épaisses de sorte que personne n’entende ce que les gens font exactement à l’intérieur. Et aussi avec des miroirs partout. On doit bien contrôler son apparence après avoir fait son affaire. Sans parler des savons parfumés, des éviers en acier inoxydable et du gel antibactérien. Enfin, si l’humanité se créait vraiment quelque chose comme ça, je veux dire une pièce pour pleurer, dans chaque école, à chaque lieu de travail. Dans les cafés, les cinémas, les restaurants, les musées et les bibliothèques. On n’a pas besoin de beaucoup. Une petite pièce avec une chaise. Une petite fenêtre au mur pour l’air frais et un miroir pour qu’après on puisse voir les yeux gonflés, les bras détachés et les traits doux du visage. Pour qu’on puisse percevoir quelles émotions ont traversé notre corps et qu’on se remercie en face à face car en pleurant, on fait du bien à son corps.
Eh bien, je me suis faite une pièce pour pleurer, pense-je à nouveau en m’essuyant les yeux pour la troisième fois en quelques minutes. Je renifle encore une fois mais je me lève, je me traîne jusqu’à la porte et quitte la cabine. On n’entend pas le bruit de la chasse d’eau.

L’armoire

Noir, gris, taupe, bleu foncé… Sophie pousse les cintres les uns après les autres. La barre de métal dans l’armoire se plie sous le poids des habits. Elle pousse  les cintres lentement pour que le grand-père puisse regarder chacun des costumes. Grand-père est assis dans un fauteuil roulant près de la vieille armoire où il a toujours gardé ses costumes. Il a Alzheimer.
« Celui-là », Grand-père attrape son bras. « Ce costume. C’est dans ce costume que j’aimerais être enterré. » Sophie enlève le costume du cintre. Grand-père en saisit la manche gauche et serre le tissu dans sa main. Les doigts ont encore de la force, mais Sophie n’avait pas compté là-dessus. Elle pensait qu’ils allaient juste faire un peu d’ordre ensemble et donner les vieux costumes que le grand-père ne porte plus à Caritas.
« Bien », dit-elle, et elle remet le costume sur le cintre, « celui-là on va le garder. »

Depuis ce jour, quelques mois ont passé. Le grand-père n’est plus assis dans le fauteuil roulant. Il est couché dans le lit sous une épaisse couverture et bouge à peine. Il dort presque toute la journée. Et quand il est réveillé, on peut difficilement discuter de quelque chose de rationnel. L’armoire dans sa chambre reste intouchée.
« Je préférerais la balancer », dit Jonas en entrant dans la chambre du grand-père.
« Cette armoire est si grande et assombrit tout. Et regarde ces égratignures. Elle est si laide et elle a cent ans. Plus vieille que lui », Jonas montre le grand-père endormi du doigt. « On lui en achète une nouvelle. Et on fait de nouveau un peu d’ordre, on balance quelques costumes. Idéalement, je donnerais tous les vêtements. Il ne les porte même plus. »
Sophie acquiesce. Elle trouve aussi l’armoire terrible. Tout à coup, quelque chose lui vient à l’esprit :
« Tu sais », dit-elle, « il y a quelque temps, il m’a montré un costume dans lequel il veut être enterré. Je pense qu’il est encore là-dedans, dans cette armoire. Je ne sais plus exactement lequel c’était. On doit faire attention à ne pas le balancer. »
« Oui, oui. On lui demande toujours avant de donner quelque chose à Caritas. Après tout, ce sont ses affaires », répond Jonas, « mais tu penses qu’il va encore se rappeler qu’il t’a dit quelque chose comme ça ? Il est tellement aliéné qu’il ne sait plus comment s’appellent ses arrière-petits-enfants. »
Sophie hausse les épaules.

Le jour-même, dès que le grand-père ouvre les yeux, tous deux s’asseyent sur son lit.
« Nous aimerions t’acheter une nouvelle armoire », commence Jonas. « Celle-ci est un vieux truc terrible. On la jettera. »
Sophie regarde le grand-père avec attention.
« On t’en achète une nouvelle de chez Ikea », continue Jonas. « Et aussi… ces costumes dedans… est-ce qu’on vérifie encore une fois lesquels on offre à Caritas ? »
Tout à coup, le grand-père bouge la tête. Ses yeux brûlent, comme il y a quatre décennies, alors qu’il était le meilleur tailleur de la ville.
« Il y a le costume… dans lequel je… veux être enterré », articule-t-il avec difficulté.
Sophie se tourne vers Jonas.
« Je ne te l’avais pas dit ? »
« Je n’ai pas dit que tu ne me l’as pas dit ! » Jonas élève la voix, se lève et quitte la pièce en un instant.
Le grand-père tourne la tête vers le côté où se trouve sa petite-fille.
« Tu sais encore lequel c’est ? »
Sophie hoche la tête. Elle ne le regarde pas dans les yeux.

Noir, gris, taupe, bleu foncé… Sophie pousse les cintres les uns après les autres. À carreaux, rayés, en coton, en lin, en soie. Elle se rappelle très bien du costume. Grand-père l’a cousu lui-même pour son mariage. Quand il le portait, il avait l’air si fier et en bonne santé. Est-ce que ce n’était pas là le dernier costume qu’il ait fait ? Gris clair, gris foncé, bordeaux… Lequel était-ce ? De quel costume parlait-il ? Sophie continue de pousser les cintres.

Grand-père dort profondément.

***

Con chi
hai parlato ieri notte?

Lei chi è?

Perfino in sogno
non nascondi nulla.

***

Stai calmo, quando le città cadono
non si può dir nulla
si è più sicuri così
te lo dico io

***

ti racconto io di nuovo
come si chiamano i tuoi nipoti
quand’è il loro compleanno
quand’è la festa dei nonni

mi stringi la mano
fai sì con la testa
apri la bocca

Dita

Mia nonna ha nove dita e una mucca

osservo
come prende il secchio
e stringe la mammella // e la munge

il liquido bianco fuoriesce
quattro dita stringono forte // quattro dita la mungono forte
cinque dita accarezzano il manto

a volte fa stringere la mammella anche a me // a volte la fa mungere anche a me
a volte posso accarezzare il manto
a volte mormora piano

che c’è nonna?
puoi ripetere per favore?

si volta
quattro dita stringono più forte // quattro dita la mungono più forte

Pianoforte

Il primo tasto, il vento cresce,
la nota, il suono, gli stili.

Dalle unghie le note crescono in fuori
volano tra le masse d’aria
al di là delle corde nascoste.

Con il vento vogliono canticchiare,
lui dà loro la mano e non dice niente.

Soffia e si gira,
intorno a cosa però?
Solo le dita sanno dove si va.

I suoni crescono e volano via.
Il vento resta muto nelle orecchie.

Uno spazio per piangere

La porta cigola. La chiudo a chiave e mi siedo sul coperchio del water. Il corpo si piega verso il basso, lo sguardo incontra le mie sneakers bianche e le mattonelle scintillanti. Gli occhi serrati, le mani puntellano le guance. Le unghie si piantano nel viso. Serro gli occhi ancora più forte. La prima lacrima cade.
Cadono una dopo l’altra. Singhiozzo e tremo, tiro su col naso. Le mani si chiudono a pugno, la testa ciondola come un soffione appassito. Più piano, dico tra me e me, più piano. Ci sono altre tre cabine affiancate. Forse c’è dentro qualcuno? Nessuno deve sentire cosa stai facendo. Nessuno deve sapere che stai piangendo. La toilette è uno spazio pubblico, fatto per le reazioni del corpo ma non per il pianto. Le lacrime scorrono lungo le guance. Il corpo lo sa meglio della ragione. Veramente lo sanno tutti, solo io non lo so ancora del tutto. È ansia o paura? Furia o rabbia? Sfumate, anonime e tutte dentro di me. Le battaglie invisibili vagano per tutto il corpo fino agli occhi e prorompono in un fiume di lacrime. Un solo pensiero ancora, la fortuna nella sfortuna: mi sono creata uno spazio apposta.
Uno spazio per piangere. Come sarebbe se in ogni edificio pubblico ci fosse uno spazio per piangere? Come le toilette in cui andiamo regolarmente. Si capisce, è ovvio. Le toilette devono esserci dappertutto. Ben attrezzate. Con almeno una cabina e nel migliore dei casi con tutta una fila di cabine, con mattonelle scintillanti, carta igienica a fiorellini, piccoli cestini di plastica per i rifiuti e pareti spesse, in modo che nessuno senta cosa combina là dentro la gente. E poi specchi dappertutto. Uno deve controllare che aspetto ha dopo aver fatto le sue cose. Nonché saponi profumati, lavandini d’acciaio inox e gel antibatterico per le mani. Ecco, se l’umanità creasse davvero una cosa del genere, uno spazio per piangere, intendo, in ogni scuola, in ogni posto di lavoro. Nei bar, nei cinema, nei ristoranti, nei musei e nelle biblioteche. Non serve mica tanto. Un piccolo spazio con una sedia. Una finestrella nella parete per l’aria fresca e uno specchio, in modo che dopo uno possa guardarsi gli occhi gonfi, le braccia abbandonate e i tratti molli del viso. In modo che uno possa percepire quali emozioni hanno attraversato il corpo e in modo che uno si dica in faccia Grazie, perché con il pianto ha fatto qualcosa di buono per il proprio corpo.
Ma sì, mi sono creata uno spazio per piangere, penso di nuovo e mi strofino gli occhi per la terza volta negli ultimi minuti. Tiro ancora su col naso, però mi alzo, mi trascino alla porta ed esco dalla cabina. Lo sciacquone non si sente.

L’armadio

Nero, grigio, tortora, blu scuro… Sophie fa scorrere le grucce una dopo l’altra. La barra di metallo nell’armadio si piega sotto il peso dei vestiti. Fa scorrere adagio le grucce, in modo che il nonno possa guardare bene ogni singolo abito. Il nonno è seduto in sedia a rotelle vicino al vecchio armadio in cui ha sempre conservato i suoi abiti. Ha l’Alzheimer.
«Questo» il nonno le afferra il braccio. «Quest’abito. Con quest’abito voglio essere sepolto». Sophie toglie l’abito dalla gruccia. Il nonno lo prende per la manica sinistra e preme la stoffa con la mano. C’è ancora forza nelle dita, ma Sophie non aveva fatto i conti con una cosa del genere. Pensava che avrebbero fatto solo un po’ d’ordine insieme e regalato alla Caritas gli abiti vecchi che il nonno non mette più.
«Bene» dice riappendendo l’abito alla gruccia, «questo lo teniamo».
Da quel giorno sono passati alcuni mesi. Il nonno non è più seduto in sedia a rotelle. È a letto sotto una coperta spessa e si muove appena. Dorme quasi tutto il giorno. E quando è sveglio, con lui si può parlare a malapena di qualcosa di sensato. L’armadio in camera sua non è stato toccato.
«Io preferirei buttarlo via» dice Jonas entrando in camera del nonno.
«È un armadio così grande e scurisce tutto. E guarda qua questi graffi. Quant’è brutto, c’avrà centomila anni. Più vecchio di lui», Jonas indica col dito il nonno addormentato. «Gliene compriamo uno nuovo, facciamo pure un po’ d’ordine e buttiamo via qualche abito. Anzi preferirei regalarli tutti i vestiti, tanto lui non li mette più».
Sophie annuisce. Anche lei trova orrendo l’armadio. All’improvviso le viene in mente una cosa:
«Lo sai» dice «un po’ di tempo fa mi ha fatto vedere un abito con cui vuole essere sepolto. Mi sa che è ancora lì dentro, nell’armadio. Non so neanche bene più qual era. Dobbiamo fare attenzione a non buttarlo via».
«Sì, sì. Certo che glielo chiediamo prima di regalare qualcosa alla Caritas. In fondo son le sue cose» risponde Jonas «ma credi che se lo ricorda ancora che t’ha detto ‘sta cosa? È già tanto demente, non si ricorda più nemmeno come si chiamano i suoi pronipoti».
Sophie si stringe nelle spalle.

Quello stesso giorno, come il nonno apre gli occhi, entrambi si siedono sul suo letto.
«Vorremmo comprarti un armadio nuovo» comincia Jonas. «Questo qua è un coso vecchio e orrendo. Lo buttiamo via».
Sophie osserva il nonno con attenzione.
«Te ne prendiamo uno nuovo da Ikea» prosegue Jonas. «E poi… questi abiti qua dentro… vogliamo ricontrollare quali regalare alla Caritas?»
D’un tratto il nonno muove la testa. Gli occhi fiammeggiano, proprio come quattro decenni prima quando era il miglior sarto della città.
«Lì c’è l’abito… con cui… voglio essere sepolto» articola a stento.
Sophie si volta da Jonas.
«Non te l’avevo detto?»
«Non ho mica detto che non me l’avevi detto!» Jonas solleva la voce, si alza ed esce dalla stanza nello stesso istante.
Il nonno volta la testa di lato, dove siede la nipote.
«Ti ricordi qual è?»
Sophie fa sì con la testa. Non lo guarda negli occhi.
Nero, grigio, tortora, blu scuro… Sophie fa scorrere le grucce una dopo l’altra. A quadri, a righe, di cotone, di lino, di seta. Dell’abito si ricorda molto bene. Il nonno se l’era cucito apposta per il suo matrimonio. Con quello indosso aveva un aspetto fiero e ancora sano. Non era l’ultimo abito che aveva fatto? Grigio chiaro, grigio scuro, vinaccia… qual era? A quale abito si riferiva? Sophie fa scorrere ancora le grucce.
Il nonno dorme profondamente.